Les maisons du village de Nevers
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Les maisons du village de Nevers

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 L'Illiade

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coco_the_killer

coco_the_killer


Nombre de messages : 217
Date d'inscription : 11/01/2006

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MessageSujet: L'Illiade   L'Illiade EmptyVen 20 Jan - 19:35

Chante, déesse, du Pèlèiade Akhilleus la colère désastreuse, qui de maux infinis accabla les Akhaiens, et précipita chez Aidès tant de fortes âmes de héros, livrés eux-mêmes en pâture aux chiens et à tous les oiseaux carnassiers. Et le dessein de Zeus s'accomplissait ainsi, depuis qu'une querelle avait divisé l'Atréide, roi des hommes, et le divin Akhilleus.

Qui d'entre les dieux les jeta dans cette dissension ? Le fils de Zeus et de Lètô. Irrité contre le roi, il suscita dans l'armée un mal mortel, et les peuples périssaient, parce que l'Atréide avait couvert d'opprobre Khrysès le sacrificateur.

Et celui-ci était venu vers les nefs rapides des Akhaiens pour racheter sa fille ; et, portant le prix infini de l'affranchissement, et, dans ses mains, les bandelettes de l'Archer Apollôn, suspendues au sceptre d'or, il conjura tous les Akhaiens, et surtout les deux Atréides, princes des peuples :

– Atréides, et vous, anciens aux belles knèmides, que les dieux qui habitent les demeures olympiennes vous donnent de détruire la ville de Priamos et de vous retourner heureusement ; mais rendez-moi ma fille bien-aimée et recevez le prix de l'affranchissement, si vous révérez le fils de Zeus, l'archer Apollôn.

Et tous les Akhaiens, par des rumeurs favorables, voulaient qu'on respectât le sacrificateur et qu'on reçût le prix splendide ; mais cela ne plut point à l'âme de l'Atréide Agamemnôn, et il le chassa outrageusement, et il lui dit cette parole violente :


- page 1 -

– Prends garde, vieillard, que je te rencontre auprès des nefs creuses, soit que tu t'y attardes, soit que tu reviennes, de peur que le sceptre et les bandelettes du dieu ne te protègent plus. Je n'affranchirai point ta fille. La vieillesse l'atteindra, en ma demeure, dans Argos, loin de sa patrie, tissant la toile et partageant mon lit. Mais, va ! ne m'irrite point, afin de t'en retourner sauf.

Il parla ainsi, et le vieillard trembla et obéit. Et il allait, silencieux, le long du rivage de la mer aux bruits sans nombre. Et, se voyant éloigné, il conjura le roi Apollôn que Lètô à la belle chevelure enfanta :

– Entends-moi, porteur de l'arc d'argent, qui protèges Khrysè et Killa la sainte, et commandes fortement sur Ténédos, Smintheus ! Si jamais j'ai orné ton beau temple, si jamais j'ai brûlé pour toi les cuisses grasses des taureaux et des chèvres, exauce mon vœu : que les Danaens expient mes larmes sous tes flèches !

Il parla ainsi en priant, et Phoibos Apollôn l'entendit ; et, du sommet Olympien, il se précipita, irrité dans son cœur, portant l'arc sur ses épaules, avec le plein carquois. Et les flèches sonnaient sur le dos du dieu irrité, à chacun de ses mouvements. Et il allait, semblable à la nuit.

Assis à l'écart, loin des nefs, il lança une flèche, et un bruit terrible sortit de l'arc d'argent. Il frappa les mulets d'abord et les chiens rapides ; mais, ensuite, il perça les hommes eux-mêmes du trait qui tue. Et sans cesse les bûchers brûlaient, lourds de cadavres.


- page 2 -

Depuis neuf jours les flèches divines sifflaient à travers l'armée ; et, le dixième, Akhilleus convoqua les peuples dans l'agora. Hèrè aux bras blancs le lui avait inspiré, anxieuse des Danaens et les voyant périr. Et quand ils furent tous réunis, se levant au milieu d'eux, Akhilleus aux pieds rapides parla ainsi :

– Atréide, je pense qu'il nous faut reculer et reprendre nos courses errantes sur la mer, si toutefois nous évitons la mort, car, toutes deux, la guerre et la contagion domptent les Akhaiens. Hâtons-nous d'interroger un divinateur ou un sacrificateur, ou un interprète des songes, car le songe vient de Zeus. Qu'il dise pourquoi Phoibos Apollôn est irrité, soit qu'il nous reproche des vœux négligés ou qu'il demande des hécatombes promises. Sachons si, content de la graisse fumante des agneaux et des belles chèvres, il écartera de nous cette contagion.

Ayant ainsi parlé, il s'assit. Et le Thestoride Kalkhas, l'excellent divinateur, se leva. Il savait les choses présentes, futures et passées, et il avait conduit à Ilion les nefs Akhaiennes, à l'aide de la science sacrée dont l'avait doué Phoibos Apollôn. Très sage, il dit dans l'agora :

– Ô Akhilleus, cher à Zeus, tu m'ordonnes d'expliquer la colère du roi Apollôn l'archer. Je le ferai, mais promets d'abord et jure que tu me défendras de ta parole et de tes mains ; car, sans doute, je vais irriter l'homme qui commande à tous les Argiens et à qui tous les Akhaiens obéissent.

- page 3 -

Un roi est trop puissant contre un inférieur qui l'irrite. Bien que, dans l'instant, il refrène sa colère, il l'assouvit un jour, après l'avoir couvée dans son cœur. Dis-moi donc que tu me protégeras.

Et Akhilleus aux pieds rapides, lui répondant, parla ainsi :

– Dis sans peur ce que tu sais. Non ! par Apollôn, cher à Zeus, et dont tu découvres aux Danaens les volontés sacrées, non ! nul d'entre eux, Kalkhas, moi vivant et les yeux ouverts, ne portera sur toi des mains violentes auprès des nefs creuses, quand même tu nommerais Agamemnôn, qui se glorifie d'être le plus puissant des Akhaiens.

Et le divinateur irréprochable prit courage et dit :

– Apollôn ne vous reproche ni vœux ni hécatombes ; mais il venge son sacrificateur, qu'Agamemnôn a couvert d’opprobre, car il n'a point délivré sa fille, dont il a refusé le prix d'affranchissement. Et c'est pour cela que l'archer Apollôn vous accable de maux ; et il vous en accablera, et il n'écartera point les lourdes kères de la contagion, que vous n'ayez rendu à son père bien-aimé la jeune fille aux sourcils arqués, et qu'une hécatombe sacrée n'ait été conduite à Khrysè. Alors nous apaiserons le dieu.

Ayant ainsi parlé, il s'assit. Et le héros Atréide Agamemnôn, qui commande au loin, se leva, plein de douleur ; et une noire colère emplissait sa poitrine, et ses yeux étaient pareils à des feux flambants. Furieux contre Kalkhas, il parla ainsi :


- page 4 -

– Divinateur malheureux, jamais tu ne m'as rien dit d'agréable. Les maux seuls te sont doux à prédire. Tu n'as jamais ni bien parlé ni bien agi ; et voici maintenant qu'au milieu des Danaens, dans l'agora, tu prophétises que l'archer Apollon nous accable de maux parce que je n’ai point voulu recevoir le prix splendide de la vierge Khrysèis, aimant mieux la retenir dans ma demeure lointaine. En effet, je la préfère à Klytaimnestrè, que j'ai épousée vierge. Elle ne lui est inférieure ni par le corps, ni par la taille, ni par l'intelligence, ni par l'habileté aux travaux. Mais je la veux rendre. Je préfère le salut des peuples à leur destruction. Donc, préparez-moi promptement un prix, afin que, seul d'entre tous les Argiens, je ne sois point dépouillé. Cela ne conviendrait point ; car, vous le voyez, ma part m'est retirée.

Et le divan Akhilleus aux pieds rapides lui répondit :

– Très orgueilleux Atréide, le plus avare des hommes, comment les magnanimes Akhaiens te donneraient-ils un autre prix ? Avons-nous des dépouilles à mettre en commun ? Celles que nous avons enlevées des villes saccagées ont été distribuées, et il ne convient point que les hommes en fassent un nouveau partage. Mais toi, remets cette jeune fille à son dieu, et nous, Akhaiens, nous te rendrons le triple et le quadruple, si jamais Zeus nous donne de détruire Troiè aux fortes murailles.

Et le roi Agamemnôn, lui répondant, parla ainsi :


- page 5 -

– Ne crois point me tromper, quelque brave que tu sois, Akhilleus semblable à un dieu, car tu ne me séduiras ni ne me persuaderas. Veux-tu, tandis que tu gardes ta part, que je reste assis dans mon indigence, en affranchissant cette jeune fille ? Si les magnanimes Akhaiens satisfont mon cœur par un prix d'une valeur égale, soit. Sinon, je ravirai le tien, ou celui d'Aias, ou celui d'Odysseus ; et je l'emporterai, et celui-là s'indignera vers qui j'irai. Mais nous songerons à ceci plus tard. Donc, lançons une nef noire à la mer divine, munie d'avirons, chargée d'une hécatombe, et faisons-y monter Khrysèis aux belles joues, sous la conduite d'un chef, Aias, Idoméneus, ou le divin Odysseus, ou toi-même, Pèléide, le plus effrayant des hommes, afin d'apaiser l'archer Apollôn par les sacrifices accomplis.

Et Akhilleus aux pieds rapides, le regardant d'un œil sombre, parla ainsi ;

– Ah ! revêtu d'impudence, âpre au gain ! Comment un seul d'entre les Akhaiens se hâterait-il de t'obéir, soit qu'il faille tendre une embuscade, soit qu'on doive combattre courageusement contre les hommes ? Je ne suis point venu pour ma propre cause attaquer les Troiens armés de lances, car ils ne m'ont jamais nui. Jamais ils ne m'ont enlevé ni mes bœufs ni mes chevaux ; jamais, dans la fructueuse Phthiè, ils n'ont ravagé mes moissons : car un grand nombre de montagnes ombragées et la mer sonnante nous séparent. Mais nous t'avons suivi pour te plaire, impudent ! pour venger Ménélaos et toi, œil de chien !

- page 6 -

Et tu ne t'en soucies ni ne t'en souviens, et tu me menaces de m'enlever la récompense pour laquelle j'ai tant travaillé et que m'ont donnée les fils des Akhaiens ! Certes, je n'ai jamais une part égale à la tienne quand on saccage une ville troienne bien peuplée ; et cependant mes mains portent le plus lourd fardeau de la guerre impétueuse. Et, quand vient l'heure du partage, la meilleure part est pour toi ; et, ployant sous la fatigue du combat, je retourne vers mes nefs, satisfait d'une récompense modique. Aujourd'hui, je pars pour la Phthiè, car mieux vaut regagner ma demeure sur mes nefs éperonnées. Et je ne pense point qu'après m'avoir outragé tu recueilles ici des dépouilles et des richesses.

Et le roi des hommes, Agamemnôn, lui répondit :

– Fuis, si ton cœur t'y pousse. Je ne te demande point de rester pour ma cause. Mille autres seront avec moi, surtout le très sage Zeus. Tu m'es le plus odieux des rois nourris par le Kronide. Tu ne te plais que dans la dissension, la guerre et le combat. Si tu es brave, c'est que les dieux l'ont voulu sans doute. Retourne dans ta demeure avec tes nefs et tes compagnons ; commande aux Myrmidones ; je n'ai nul souci de ta colère, mais je te préviens de ceci ; puisque Phoibos Apollôn m'enlève Khrysèis, je la renverrai sur une de mes nefs avec mes compagnons, et moi-même j'irai sous ta tente et j'en entraînerai Breisèis aux belles joues, qui fut ton partage, afin que tu comprennes que je suis plus puissant que toi, et que chacun redoute de se dire mon égal en face.


- page 7 -

Il parla ainsi, et le Pèléiôn fut ampli d'angoisse, et son cœur, dans sa mâle poitrine, délibéra si, prenant l'épée aiguë sur sa cuisse, il écarterait la foule et tuerait l'Atréide, ou s'il apaisent sa colère et refrénerait sa fureur.

Et tandis qu'il délibérait dans son âme et dans son esprit, et qu'il arrachait sa grande épée de la gaine, Athènè vint de l'Ouranos, car Hèrè aux bras blancs l'avait envoyée, aimant et protégeant les deux rois. Elle se tint en arrière et saisit le Pèléiôn par sa chevelure blonde ; visible pour lui seul, car nul autre ne la voyait. Et Akhilleus, stupéfait, se retourna, et aussitôt il reconnut Athènè, dont les yeux étaient terribles, et il lui dit en paroles ailées :

– Pourquoi es-tu venue, fille de Zeus tempétueux ? Est-ce afin de voir l'outrage qui m'est fait par l'Atréide Agamemnôn ? Mais je te le dis, et ma parole s'accomplira, je pense : il va rendre l’âme à cause de son insolence.

Et Athènè aux yeux clairs lui répondit :

– Je suis venue de l'Ouranos pour apaiser ta colère, si tu veux obéir. La divine Hèrè aux bras blancs m'a envoyée, vous aimant et vous protégeant tous deux. Donc, arrête ; ne prends point l'épée en main, venge-toi en paroles, quoi qu'il arrive. Et je te le dis, et ceci s'accomplira : bientôt ton injure te sera payée par trois fois autant de présents splendides. Réprime-toi et obéis-nous.


- page 8 -

Et Akhilleus aux pieds rapides, lui répondant, parla ainsi :

– Déesse, il faut observer ton ordre, bien que je sois irrité dans l'âme. Cela est pour le mieux sans doute, car les dieux exaucent qui leur obéit.

Il parla ainsi, et, frappant d'une main lourde la poignée d'argent, il repoussa sa grande épée dans la gaine et n'enfreignit point l'ordre d'Athènè.

Et celle-ci retourna auprès des autres dieux, dans les demeures olympiennes de Zeus tempétueux.

Et le Pèléide, débordant de colère, interpella l'Atréide avec d'âpres paroles :

– Lourd de vin, œil de chien, cœur de cerf ! jamais tu n'as osé, dans ton âme, t'armer pour le combat avec les hommes, ni tendre des embuscades avec les princes des Akhaiens. Cela t'épouvanterait comme la mort elle-même. Certes, il est beaucoup plus aisé, dans la vaste armée Akhaienne, d'enlever la part de celui qui te contredit, roi qui manges ton peuple, parce que tu commandes à des hommes vils. S'il n'en était pas ainsi, Atréide, cette insolence serait la dernière. Mais je te le dis, et j'en jure un grand serment : par ce sceptre qui ne produit ni feuilles, ni rameaux, et qui ne reverdira plus, depuis qu'il a été tranché du tronc sur les montagnes et que l'airain l'a dépouillé de feuilles et d'écorce ; et par le sceptre que les fils des Akhaiens portent aux mains quand ils jugent et gardent les lois au nom de Zeus, je te le jure par un grand serment : certes, bientôt le regret d'Akhilleus envahira tous les fils des Akhaiens, et tu gémiras de ne pouvoir les défendre, quand ils tomberont en foule sous le tueur d'hommes Hektôr ; et tu seras irrité et déchiré au fond de ton âme d'avoir outragé le plus brave des Akhaiens.


- page 9 -

Ainsi parla le Pèlëide, et il jeta contre terre le sceptre aux clous d'or, et il s'assit. Et l'Atréide s'irritait aussi ; mais l'excellent agorète des Pyliens, l'harmonieux Nestôr, se leva.

Et la parole coulait de sa langue, douce comme le miel. Et il avait déjà vécu deux âges d'hommes nés et nourris avec lui dans la divine Pylos, et il régnait sur le troisième âge. Très sage, il dit dans l'agora :

– Ô dieux ! Certes. un grand deuil envahit la terre Akhaienne ! Voici que Priamos se réjouira et que les fils de Priamos et tous les autres Troiens se réjouiront aussi dans leur cœur, quand ils apprendront vos querelles, à vous qui êtes au-dessus des Danaens dans l'agora et dans le combat. Mais laissez-vous persuader, car vous êtes tous deux moins âgés que moi. J'ai vécu autrefois avec des hommes plus braves que vous, et jamais ils ne m'ont cru moindre qu'eux. Non, jamais je n'ai vu et je ne reverrai des hommes tels que Peirithoos, et Dryas, prince des peuples, Kainéos, Exadios, Polyphèmos semblable à un dieu, et Thèseus Aigéide pareil aux immortels. Certes, ils étaient les plus braves des hommes nourris sur la terre, et ils combattaient contre les plus braves, les centaures des montagnes ; et ils les tuèrent terriblement. Et j'étais avec eux, étant allé loin de Pylos et de la terre d'Apiè, et ils m'avaient appelé, et je combattais selon mes forces, car nul des hommes qui sont aujourd'hui sur la terre n'aurait pu leur résister. Mais ils écoutaient mes conseils et s'y conformaient.

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coco_the_killer

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MessageSujet: Re: L'Illiade   L'Illiade EmptyVen 20 Jan - 19:36

Obéissez donc, car cela est pour le mieux. Il n'est point permis à Agamemnôn, bien que le plus puissant, d'enlever au Pèléide la vierge que lui ont donnée les fils des Akhaiens, mais tu ne dois point aussi, Pèléide, résister au roi, car tu n'es point l'égal de ce porte sceptre que Zeus a glorifié. Si tu es le plus brave, si une mère divine t'a enfanté, celui-ci est le plus puissant et commande à un plus grand nombre. Atréide, renonce à ta colère, et je supplie Akhilleus de réprimer la sienne, car il est le solide bouclier des Akhaiens dans la guerre mauvaise.

Et le roi Agamemnôn parla ainsi :

– Vieillard, tu as dit sagement et bien ; mais cet homme veut être au-dessus de tous, commander à tous et dominer sur tous. Je ne pense point que personne y consente. Si les dieux qui vivent toujours l'ont fait brave, lui ont-ils permis d'insulter ?

Et le divin Akhilleus lui répondit :

– Certes, je mériterais d'être nommé lâche et vil si, à chacune de tes paroles, je te complaisais en toute chose. Commande aux autres, mais non à moi, car ne pense point que je t'obéisse jamais plus désormais. Je te dirai ceci ; garde-le dans ton esprit : Je ne combattrai point contre aucun autre à cause de cette vierge, puisque vous m'enlevez ce que vous m'avez donné. Mais tu n'emporteras rien contre mon gré de toutes les autres choses qui sont dans ma nef noire et rapide.

- page 11 -

Tente-le, fais-toi ce danger, et que ceux-ci le voient, et aussitôt ton sang noir ruissellera autour de ma lance.

S'étant ainsi outragés de paroles, ils se levèrent et rompirent l'agora auprès des nefs des Akhaiens. Et le Pèléide se retira, avec le Ménoitiade et ses compagnons, vers ses tentes. Et l'Atréide lança à la mer une nef rapide, l'arma de vingt avirons, y mit une hécatombe pour le dieu et y conduisit lui-même Khrysèis aux belles joues. Et le chef fut le subtil Odysseus.

Et comme ils naviguaient sur les routes marines, l'Atréide ordonna aux peuples de se purifier. Et ils se purifiaient tous, et ils jetaient leurs souillures dans la mer, et ils sacrifiaient à Apollôn des hécatombes choisies de taureaux et de chèvres, le long du rivage de la mer inféconde. Et l'odeur en montait vers l'Ouranos, dans un tourbillon de fumée.

Et pendant qu'ils faisaient ainsi, Agamemnôn n'oubliait ni sa colère, ni la menace faite à Akhilleus. Et il interpella Talthybios et Eurybatès, qui étaient ses hérauts familiers.

– Allez à la tente du Pèléide Akhilleus. Saisissez de la main Breisèis aux belles joues ; et, s'il ne la donnait pas, j'irai la saisir moi-même avec un plus grand nombre, et ceci lui sera plus douloureux.

Et il les envoya avec ces âpres paroles. Et ils marchaient à regret le long du rivage de la mer inféconde, et ils parvinrent aux tentes et aux nefs des Myrmidones.

- page 12 -

Et ils trouvèrent le Pèléide assis auprès de sa tente et de sa nef noire, et Akhilleus ne fut point joyeux de les voir. Enrayés et pleins de respect, ils se tenaient devant le roi, et ils ne lui parlaient, ni ne l'interrogeaient. Et il les comprit dans son âme et dit :

– Salut, messagers de Zeus et des hommes ! Approchez. Vous n'êtes point coupables envers moi, mais bien Agamemnôn, qui vous envoie pour la vierge Breisèis. Debout, divin Patroklos, amène-la, et qu'ils l'entraînent ! Mais qu'ils soient témoins devant les dieux heureux, devant les hommes mortels et devant ce roi féroce, si jamais on a besoin de moi pour conjurer la destruction de tous ; car, certes, il est plein de fureur dans ses pensées mauvaises, et il ne se souvient de rien, et il ne prévoit rien, de façon que les Akhaiens combattent saufs auprès des nefs.

Il parla ainsi, et Patroklos obéit à son compagnon bien-aimé. Il conduisit hors de la tente Breisèis aux belles joues, et il la livra pour être entraînée. Et les hérauts retournèrent aux nefs des anciens, et la jeune femme allait les suivant à contrecœur. Et Akhilleus, en pleurant, s'assit, loin des siens, sur le rivage blanc d'écume, et, regardant la haute mer toute noire, les mains étendues, il supplia sa mère bien-aimée :

– Mère ! puisque tu m'as enfanté pour vivre peu de temps, l'Olympien Zeus qui tonne dans les nues devrait m'accorder au moins quelque honneur ; mais il le fait maintenant moins que jamais.

- page 13 -

Et voici que l'Atréide Agamemnôn, qui commande au loin, m'a couvert d'opprobre, et qu'il possède ma récompense qu'il m'a enlevée.

Il parla ainsi, versant des larmes. Et sa mère vénérable l'entendit, assise au fond de l'abîme, auprès de son vieux père. Et, aussitôt, elle émergea de la blanche mer, comme une nuée ; et, s'asseyant devant son fils qui pleurait, elle le caressa de la main et lui parla :

– Mon enfant, pourquoi pleures-tu ? Quelle amertume est entrée dans ton âme ? Parle, ne cache rien afin que nous sachions tous deux.

Et Akhilleus aux pieds rapides parla avec un profond soupir :

– Tu le sais ; pourquoi te dire ce que tu sais ? Nous sommes allés contre Thèbè la sainte, ville d'Êétiôn, et nous l'avons saccagée, et nous en avons tout enlevé ; et les fils des Akhaiens, s'étant partagé les dépouilles, donnèrent à l'Atréide Agamemnôn Khrysèis aux belles joues. Mais bientôt Khrysès, sacrificateur de l'archer Apollôn, vint aux nefs rapides des Akhaiens revêtus d'airain, pour racheter sa fille. Et il portait le prix infini de l'affranchissement, et, dans ses mains les bandelettes de l'archer Apollôn, suspendues au sceptre d'or. Et, suppliant, il pria tous les Akhaiens, et surtout les deux Atréides, princes des peuples. Et tous les Akhaiens, par des rumeurs favorables, voulaient qu'on respectât le sacrificateur et qu'on reçût le prix splendide.

- page 14 -

Mais cela ne plut point à l'âme de l'Atréide Agamemnôn, et il le chassa outrageusement avec une parole violente. Et le vieillard irrité se retira. Mais Apollôn exauça son vœu, car il lui est très cher. Il envoya contre les Argiens une flèche mauvaise ; et les peuples périssaient amoncelés ; et les traits du dieu sifflaient au travers de la vaste armée Akhaienne. Un divinateur sage interprétait dans l'agora les volontés sacrées d'Apollôn. Aussitôt, le premier, je voulus qu'on apaisât le dieu. Mais la colère saisit l'Atréide, et, se levant soudainement, il prononça une menace qui s'est accomplie. Les Akhaiens aux sourcils arqués ont conduit la jeune vierge à Khrysè, sur une nef rapide, et portant des présents au dieu ; mais deux hérauts viennent d'entraîner de ma tente la vierge Breisèis que les Akhaiens m'avaient donnée. Pour toi, si tu le veux, secours ton fils bien-aimé. Monte à l'Ouranos Olympien et supplie Zeus, si jamais tu as touché son cœur par tes paroles ou par tes actions. Souvent je t'ai entendue, dans les demeures paternelles, quand tu disais que, seule parmi les immortels, tu avais détourné un indigne traitement du Kroniôn qui amasse les nuées, alors que les autres Olympiens, Hèrè et Poseidaôn et Pallas Athènè le voulaient enchaîner. Et toi, déesse, tu accourus, et tu le délivras de ses liens, en appelant dans le vaste Olympes le géant aux cent mains que les dieux nomment Briaréôs, et les hommes Aigaiôs. Et celui-ci était beaucoup plus fort que son père, et il s'assit, orgueilleux de sa gloire, auprès du Kroniôn ; et les dieux heureux en furent épouvanté, et n'enchaînèrent point Zeus.

- page 15 -

Maintenant rappelle ceci en sa mémoire ; presse ses genoux ; et que, venant en aide aux Troiens, ceux-ci repoussent, avec un grand massacre, les Akhaiens contre la mer et dans leurs nefs. Que les Argiens jouissent de leur roi, et que l'Atréide Agamemnôn qui commande au loin souffre de sa faute, puisqu'il a outragé le plus brave des Akhaiens.

Et Thétis, répandant des larmes, lui répondit :

– Hélas ! mon enfant, pourquoi t'ai-je enfanté et nourri pour une destinée mauvaise ! Oh ! que n'es-tu resté dans tes nefs, calme et sans larmes du moins, puisque tu ne dois vivre que peu de jours ! Mais te voici très malheureux et devant mourir très vite, parce que je t'ai enfanté dans mes demeures pour une destinée mauvaise ! Cependant, j'irai dans l'Olympos neigeux, et je parlerai à Zeus qui se réjouit de la foudre, et peut-être m'écoutera-t-il. Pour toi, assis dans tes nefs rapides, reste irrité contre les Akhaiens et abstiens-toi du combat. Zeus est allé hier du côté de l'Okéanos, à un festin que lui ont donné les Aithiopiens irréprochables, et tous les dieux l'ont suivi. Le douzième jour il reviendra dans l'Olympos. Alors j'irai dans la demeure d'airain de Zeus et je presserai ses genoux, et je pense qu'il en sera touché.

Ayant ainsi parlé, elle partit et laissa Akhilleus irrité dans son cœur au souvenir de la jeune femme à la belle ceinture qu'on lui avait enlevée par violence.


- page 16 -

Et Odysseus, conduisant l'hécatombe sacrée, parvint à Krysè. Et les Akhaiens, étant entrés dans le port profond, plièrent les voiles qui furent déposées dans la nef noire. Ils abattirent joyeusement sur l'avant le mât dégagé de ses manœuvres ; et, menant la nef à force d'avirons, après avoir amarré les câbles et mouillé les roches, ils descendirent sur le rivage de la mer, avec l'hécatombe promise à l'archer Apollôn. Khrysèis sortit aussitôt de la nef, et le subtil Odysseus, la conduisant vers l'autel, la remit aux mains de son père bien-aimé, et dit :

– Ô Khrysès ! le roi des hommes, Agamemnôn, m'a envoyé pour te rendre ta fille et pour sacrifier une hécatombe sacrée à Phoibos en faveur des Danaens, afin que nous apaisions le dieu qui accable les Argiens de calamités déplorables.

Ayant ainsi parlé, il lui remit aux mains sa fille bien-aimée, et le vieillard la reçut plein de joie. Aussitôt les Akhaiens rangèrent la riche hécatombe dans l'ordre consacré, autour de l'autel bâti selon le rite. Et ils se lavèrent les mains, et ils préparèrent les orges salées ; et Khrysès, à haute voix, les bras levés, priait pour eux :

– Entends-moi, porteur de l'arc d'argent, qui protèges Khrysè et la divine Killa, et commandes fortement sur Ténédos. Déjà tu as exaucé ma prière ; tu m'as honoré et tu as couvert d'affliction les peuples des Akhaiens. Maintenant écoute mon vœu, et détourne loin d'eux la contagion.


- page 17 -

Il parla ainsi en priant, et Phoibos Apollôn l'exauça. Et, après avoir prié et répandu les orges salées, renversant en arrière le cou des victimes, ils les égorgèrent et les écorchèrent. On coupa les cuisses, on les couvrit de graisse des deux côtés, et on posa sur elles les entrailles crues.

Et le vieillard les brûlait sur du bois sec et les arrosait d'une libation de vin rouge. Les jeunes hommes, auprès de lui, tenaient en mains des broches à cinq pointes. Et, les cuisses étant consumées, ils goûtèrent les entrailles ; et, séparant le reste en plusieurs morceaux, ils les trans-fixèrent de leurs broches et les tirent cuire avec soin, et le tout fut retiré du feu. Après avoir achevé ce travail, ils préparèrent le repas ; et tous furent conviés, et nul ne se plaignit, dans son âme, de l'inégalité des parts.

Ayant assouvi la faim et la soif, les jeunes hommes couronnèrent de vin les patères et les répartirent entre tous à pleines coupes. Et, durant tout le jour, les jeunes Akhaiens apaisèrent le dieu par leurs hymnes, chantant le joyeux paian et célébrant l'archer Apollôn qui se réjouissait dans son cœur de les entendre.

Quand Hélios tomba et que les ombres furent venues, ils se couchèrent auprès des câbles, à la proue de leur nef ; et quand Éôs, aux doigts rosés, née au matin, apparut, ils s'en retournèrent vers la vaste armée des Akhaiens, et l'archer Apollôn leur envoya un vent propice.

- page 18 -

Et ils dressèrent le mât, et ils déployèrent les voiles blanches ; et le vent les gonfla par le milieu ; et l'onde pourprée sonnait avec bruit autour de la carène de la nef qui courait sur l'eau en faisant sa route.

Puis, étant parvenus à la vaste armée des Akhaiens, ils tirèrent la nef noire au plus haut des sables de la plage ; et, l'ayant assujettie sur de longs rouleaux, ils se dispersèrent parmi les tentes et les nefs.

Mais le divin fils de Pèleus, Akhilleus aux pieds rapides, assis auprès de ses nefs légères, couvait son ressentiment ; et il ne se montrait plus ni dans l'agora qui illustre les hommes, ni dans le combat. Et il restait là, se dévorant le cœur et regrettant le cri de guerre et la mêlée.

Quand Éôs, reparut pour la douzième fois, les dieux qui vivent toujours revinrent ensemble dans l'Olympos, et Zeus marchait en tête. Et Thétis n'oublia point les prières de son fils ; et, émergeant de l'écume de la mer, elle monta, matinale, à travers le vaste Ouranos, jusqu'à l'Olympos, où elle trouva celui qui voit tout, le Kronide, assis loin des autres dieux, sur le plus haut faîte de l'Olympos aux cimes nombreuses. Elle s'assit devant lui, embrassa ses genoux de la main gauche, lui toucha le menton de la main droite, et le suppliant, elle dit au roi Zeus Kroniôn :

– Père Zeus ! si jamais, entre les immortels, je t'ai servi, soit par mes paroles, soit par mes actions, exauce ma prière.

- page 19 -

Honore mon fils qui, de tous les vivants, est le plus proche de la mort. Voici que le roi des hommes, Agamemnôn, l’a outragé, et qu'il possède sa récompense qu'il lui a enlevée. Mais toi, du moins, honore-le, Olympien, très sage Zeus, et donne le dessus aux Troyens jusqu'à ce que les Akhaiens aient honoré mon fils et lui aient rendu hommage.

Elle parla ainsi, et Zeus, qui amasse les nuées, ne répondit pas et resta longtemps muet. Et Thétis, ayant saisi ses genoux qu'elle tenait embrassés, dit une seconde fois :

– Consens et promets avec sincérité, ou refuse-moi, car tu ne peux craindre rien. Que je sache si je suis la plus méprisée des déesses !

Et Zeus qui amasse les nuées, avec un profond soupir, lui dit :

– Certes, ceci va causer de grands malheurs, quand tu m'auras mis en lutte avec Hèrè, et quand elle m'aura irrité par des paroles outrageantes. Elle ne cesse, en effet, parmi les dieux immortels, de me reprocher de soutenir les Troiens dans le combat. Maintenant, retire-toi en hâte, de peur que Hèrè t'aperçoive. Je songerai à faire ce que tu demandes, et je t'en donne pour gage le signe de ma tête, afin que tu sois convaincue. Et c'est le plus grand de mes signes pour les immortels. Et je ne puis ni révoquer, ni renier, ni négliger ce que j'ai promis par un signe de ma tête.


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MessageSujet: Re: L'Illiade   L'Illiade EmptyVen 20 Jan - 19:37

Et le Kroniôn, ayant parlé, fronça ses sourcils bleus. Et la chevelure ambroisienne s'agita sur la tête immortelle du roi, et le vaste Olympos en fut ébranlé.

Tous deux s'étant ainsi parlé, se séparèrent. Et Thétis sauta dans la mer profonde du haut de l'Olympos éblouissant, et Zeus rentra dans sa demeure. Et tous les dieux se levèrent de leurs sièges à l'aspect de leur père, et nul n'osa l'attendre, et tous s'empressèrent au-devant de lui, et il s'assit sur son thrône. Mais Hèrè n'avait pas été trompée, l'ayant vu se concerter avec la fille du vieillard de la mer, Thétis aux pieds d'argent. Et elle adressa d'amers reproches à Zeus Kroniôn :

– Qui d'entre les dieux, ô plein de ruses, s'est encore concerté avec toi ? Il te plaît sans cesse de prendre, loin de moi, de secrètes résolutions, et jamais tu ne me dis ce que tu médites.

Et le père des dieux et des hommes lui répondit :

– Hèrè, n'espère point connaître toutes mes pensées. Elles te seraient terribles, bien que tu sois mon épouse. Celle qu'il convient que tu saches, aucun des dieux et des hommes ne la connaîtra avant toi ; mais pour celle que je médite loin des dieux, ne la recherche ni ne l'examine.

Et la vénérable Hèrè aux yeux de bœuf lui répondit :


- page 21 -

– Terrible Kronide, quelle parole as-tu dite ? Certes, je ne t'ai jamais interrogé et n'ai point recherché tes pensées, et tu médites ce qu'il te plaît dans ton esprit. Mais je tremble que la fille du vieillard de la mer, Thétis aux pieds d'argent, ne t'ait séduit ; car, dès le matin, elle s'est assise auprès de toi et elle a saisi tes genoux. Tu lui as promis, je pense, que tu honorerais Akhilleus et que tu ferais tomber un grand nombre d'hommes auprès des nefs des Akhaiens.

Et Zeus qui amasse les nuées lui répondit, et il dit :

– Insensée ! tu me soupçonnes sans cesse et je ne puis me cacher de toi. Mais, dans ton impuissance, tu ne feras que t'éloigner de mon cœur, et ta peine en sera plus terrible. Si tes soupçons sont vrais, sache qu'il me plaît d'agir ainsi. Donc, tais-toi et obéis à mes paroles. Prends garde que tous les dieux Olympiens ne puissent te défendre, si j'étends sur toi mes mains sacrées.

Il parla ainsi, et la vénérable Hèra aux yeux de bœuf fut saisie de crainte, et elle demeura muette, domptant son cœur altier. Et, dans la demeure de Zeus, les dieux ouraniens gémirent.

Et l'illustre ouvrier Hèphaistos commença de parler, pour consoler sa mère bien-aimée, Hèrè aux bras blancs :

– Certes, nos maux seront funestes et intolérables, si vous vous querellez ainsi pour des mortels, et si vous mettez le tumulte parmi les dieux.

- page 22 -

Nos festins brillants perdront leur joie, si le mal l'emporte. Je conseille à ma mère, bien qu'elle soit déjà persuadée de ceci, de calmer Zeus, mon père bien-aimé, afin qu'il ne s'irrite point de nouveau et qu'il ne trouble plus nos festins. Certes, si l'Olympien qui darde les éclairs le veut, il peut nous précipiter de nos trônes, car il est le plus puissant. Tente donc de le fléchir par de douces paroles, et aussitôt l'Olympien nous sera bienveillant.

Il parla ainsi, et, s'étant élancé, il remit une coupe profonde aux mains de sa mère bien-aimée et lui dit :

– Sois patiente, ma mère, et, bien qu'affligée, supporte ta disgrâce, de peur que je te voie maltraitée, toi qui m'es chère, et que, malgré ma douleur, je ne puisse te secourir, car l'Olympien est un terrible adversaire. Déjà, une fois, comme je voulais te défendre, il me saisit par un pied et me rejeta du haut des demeures divines. Tout un jour je roulai, et, avec Hélios, qui se couchait, je tombai dans Lèmnos, presque sans vie. Là les hommes Sintiens me reçurent dans ma chute.

Il parla ainsi, et la divine Hèrè aux bras blancs sourit, et elle reçut la coupe de son fils. Et il versait, par la droite, à tous les autres dieux, puisant le doux nektar dans le kratère. Et un rire inextinguible s'éleva parmi les dieux heureux, quand ils virent Hèphaistos s'agiter dans la demeure.


- page 23 -

Et ils se livraient ainsi au festin, tout le jour, jusqu'au coucher de Hélios. Et nul d'entre eux ne fut privé d'une égale part du repas, ni des sons de la lyre magnifique que tenait Apollôn, tandis que les Muses chantaient tour à tour d'une belle voix. Mais après que la brillante lumière Hélienne se fut couchée, eux aussi se retirèrent, chacun dans la demeure que l'illustre Hèphaistos boiteux des deux pieds avait construite habilement. Et l'Olympien Zeus, qui darde les éclairs, se rendit vers sa couche, là où il reposait quand le doux sommeil le saisissait. Et il s'y endormit, et, auprès de lui, Hèrè au trône d'or.

- page 24 -

Les dieux et les cavaliers armés de casques dormaient tous dans la nuit ; mais le profond sommeil ne saisissait point Zeus, et il cherchait dans son esprit comment il honorerait Akhilleus et tuerait une foule d'hommes auprès des nefs des Akhaiens. Et ce dessein lui parut le meilleur, dans son esprit, d'envoyer un songe menteur à l'Atréide Agamemnôn. Et, l'ayant appelé, il lui dit ces paroles ailées :

– Va, songe menteur, vers les nefs rapides des Akhaiens. Entre dans la tente de l'Atréide Agamemnôn et porte-lui très fidèlement mon ordre. Qu'il arme la foule des Akhaiens chevelus, car voici qu'il va s'emparer de la ville aux larges rues des Troiens. Les immortels qui habitent les demeures Olympiennes ne sont plus divisés, car Hèrè les a tous fléchis par ses supplications, et les calamités sont suspendues sur les Troiens.

Il parla ainsi, et, l'ayant entendu, le songe partit. Et il parvint aussitôt aux nefs rapides des Akhaiens, et il s'approcha de l'Atréide Agamemnôn qui dormait sous sa tente et qu'un sommeil ambroisien enveloppait. Et il se tint auprès de la tête du roi. Et il était semblable au Nèlèiôn Nestôr, qui, de tous les vieillards, était le plus honoré d'Agamemnôn. Et, sous cette forme, le songe divin parla ainsi :

– Tu dors, fils du brave Atreus dompteur de chevaux ? Il ne faut pas qu'un homme sage à qui les peuples ont été confiés, et qui a tant de soucis dans l'esprit, dorme toute la nuit.

- page 25 -

Et maintenant, écoute-moi sans tarder, car je te suis envoyé par Zeus qui, de loin, s'inquiète de toi et te prend en pitié. Il t'ordonne d'armer la foule des Akhaiens chevelus, car voici que tu vas t'emparer de la ville aux larges rues des Troiens. Les immortels qui habitent les demeures Olympiennes ne sont plus divisés, car Hèrè les a tous fléchis par ses supplications, et les calamités sont suspendues sur les Troiens. Garde ces paroles dans ton esprit et n'oublie rien quand le doux sommeil t'aura quitté.

Ayant ainsi parlé, il disparut et le laissa rouler dans son esprit ces paroles qui ne devaient point s'accomplir. Et l'insensé crut qu'il allait s'emparer, ce jour-là, de la ville de Priamos, ne sachant point ce que Zeus méditait. Et le Kronide se préparait à répandre encore, en de terribles batailles, les douleurs et les gémissements sur les Troiens et sur les Danaens.

Et l'Atréide s'éveilla, et la voix divine résonnait autour de lui. Il se leva et revêtit sa tunique moelleuse, belle et neuve. Et il se couvrit d'un large manteau et noua à ses pieds robustes de belles sandales, et il suspendit à ses épaules l'épée aux clous d'argent. Enfin, il prit le sceptre immortel de ses pères et marcha ainsi vers les nefs des Akhaiens revêtus d'airain.

Et la divine Éôs gravit le haut Olympos, annonçant la lumière à Zeus et aux immortels.

- page 26 -

Et l'Atréide ordonna aux hérauts à la voix sonore de convoquer à l'agora les Akhaiens chevelus. Et ils les convoquèrent, et tous accoururent en foule ; et l'Atréide réunit un conseil de chefs magnanimes, auprès de la nef de Nestôr, roi de Pylos. Et, les ayant réunis, il consulta leur sagesse :

– Amis, entendez-moi. Un songe divin m'a été envoyé dans mon sommeil, au milieu de la nuit ambroisienne. Et il était semblable au divin Nestôr par le visage et la stature, et il s'est arrêté au-dessus de ma tête, et il m'a parlé ainsi :

– Tu dors, fils du brave Atreus dompteur de chevaux ? Il ne faut point qu'un homme sage à qui les peuples ont été confiés, et qui a tant de soucis dans l'esprit, dorme toute la nuit. Et maintenant, écoute-moi sans tarder, car je te suis envoyé par Zeus qui, de loin, s'inquiète de toi et te prend en pitié. Il t'ordonne d'armer la foule des Akhaiens chevelus, car voici que tu vas t'emparer de la ville aux larges rues des Troiens. Les immortels qui habitent les demeures Olympiennes ne sont plus divisés, car Hèrè les a tous fléchis par ses supplications, et les calamités sont suspendues sur les Troiens. Garde ces paroles dans ton esprit.’

En parlant ainsi il s'envola, et le doux sommeil me quitta. Maintenant, songeons à armer les fils des Akhaiens. D'abord, je les tenterai par mes paroles, comme il est permis, et je les pousserai à fuir sur leurs nefs chargées de rameurs.

- page 27 -

Vous, par vos paroles, forcez-les de rester.

Ayant ainsi parlé, il s'assit. Et Nestôr se leva, et il était roi de la sablonneuse Pylos, et, les haranguant avec sagesse, il leur dit :

– Ô amis ! rois et princes des Argiens, si quelqu'autre des Akhaiens nous eût dit ce songe, nous aurions pu croire qu'il mentait, et nous l'aurions repoussé ; mais celui qui l'a entendu se glorifie d'être le plus puissant dans l'armée. Songeons donc à armer les fils des Akhaiens.

Ayant ainsi parlé, il sortit le premier de l'agora. Et les autres rois porte sceptres se levèrent et obéirent au prince des peuples. Et les peuples accouraient. Ainsi des essaims d'abeilles innombrables sortent toujours et sans cesse d'une roche creuse et volent par légions sur les fleurs du printemps, et les unes tourbillonnent d'un côté, et les autres de l'autre. Ainsi la multitude des peuples, hors des nefs et des tentes, s'avançait vers l'agora, sur le rivage immense. Et, au milieu d'eux, Ossa, messagère de Zeus, excitait et hâtait leur course, et ils se réunissaient.

Et l'agora était pleine de tumulte, et la terre gémissait sous le poids des peuples. Et, comme les clameurs redoublaient, les hérauts à la voix sonore les contraignaient de se taire et d'écouter les rois divins.

- page 28 -

Et la foule s'assit et resta silencieuse ; et le divin Agamemnôn se leva, tenant son sceptre. Hèphaistos, l'ayant fait, l'avait donné au roi Zeus Kroniôn. Zeus le donna au messager, tueur d'Argos ; et le roi Herméias le donna à Pélops, dompteur de chevaux, et Pélops le donna au prince des peuples Atreus. Atreus, en mourant, le laissa à Thyestès riche en troupeaux, et Thyestès le laissa à Agamemnôn, afin que ce dernier le portât et commandât sur un grand nombre d'îles et sur tout Argos. Appuyé sur ce sceptre, il parla ainsi aux Argiens :

– Ô amis ! héros Danaens, serviteurs d'Arès, Zeus Kronide m'accable de maux terribles. L'impitoyable ! Autrefois il me promit que je reviendrais après avoir conquis Ilios aux fortes murailles ; mais il me trompait, et voici qu'il me faut rentrer sans gloire dans Argos, ayant perdu un grand nombre d'hommes. Et cela plaît au tout puissant Zeus qui a renversé et qui renversera tant de hautes citadelles, car sa force est très grande. Certes, ceci sera une honte dans la postérité, que la race courageuse et innombrable des Akhaiens ait combattu tant d'années, et vainement, des hommes moins nombreux, sans qu'on puisse prévoir la fin de la lutte. Car, si, ayant scellé par serment d'inviolables traités, nous, Akhaiens et Troiens, nous faisions un dénombrement des deux races ; et que, les habitants de Troiè s'étant réunis, nous nous rangions par décades, comptant un seul Troien pour présenter la coupe à chacune d'elles, certes, beaucoup de décades manqueraient d'échansons, tant les fils des Argiens sont plus nombreux que les Troiens qui habitent cette ville.

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Mais voici que de nombreux alliés, habiles à lancer la pique, s'opposent victorieusement à mon désir de renverser la citadelle populeuse de Troiè. Neuf années du grand Zeus se sont écoulées déjà, et le bois de nos nefs se corrompt, et les cordages tombent en poussière ; et nos femmes et nos petits enfants restent en nous attendant dans nos demeures, et la tâche est inachevée pour laquelle nous sommes venus. Allons ! fuyons tous sur nos nefs vers la chère terre natale. Nous ne prendrons jamais la grande Troiè !

Il parla ainsi, et ses paroles agitèrent l'esprit de la multitude qui n'avait point assisté au conseil. Et l'agora fut agitée comme les vastes flots de la mer Ikarienne que remuent l'Euros et le Notos échappés des nuées du père Zeus, ou comme un champ d'épis que bouleverse Zéphyros qui tombe impétueusement sur la grande moisson. Telle l'agora était agitée. Et ils se ruaient tous vers les nefs, avec des clameurs, et soulevant de leurs pieds un nuage immobile de poussière. Et ils s'exhortaient à saisir les nefs et à les traîner à la mer divine. Les cris montaient dans l'Ouranos, hâtant le départ ; et ils dégageaient les canaux et retiraient déjà les rouleaux des nefs. Alors, les Argiens se seraient retirés, contre la destinée, si Hèrè n'avait parlé ainsi à Athènè :

– Ah fille indomptée de Zeus tempétueux, les Argiens fuiront-ils vers leurs demeures et la chère terre natale, sur le vaste dos de la mer, laissant à Priamos et aux Troiens leur gloire et l'Argienne Hélénè pour laquelle tant d'Akhaiens sont morts devant Troiè, loin de la chère patrie ?

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MessageSujet: Re: L'Illiade   L'Illiade EmptyVen 20 Jan - 19:38

Va trouver le peuple des Akhaiens armés d'airain. Retiens chaque guerrier par de douces paroles, et ne permets pas qu'on traîne les nefs à la mer.

Elle parla ainsi, et la divine Athènè aux yeux clairs obéit. Et elle sauta du faîte de l'Olympos, et, parvenue aussitôt aux nefs rapides des Akhaiens, elle trouva Odysseus, semblable à Zeus par l'intelligence, qui restait immobile. Et il ne saisissait point sa nef noire bien construite, car la douleur emplissait son cœur et son âme. Et, s'arrêtant auprès de lui, Athènè aux yeux clairs parla ainsi :

– Divin Laertiade, sage Odysseus, fuirez-vous donc tous dans vos nefs chargées de rameurs, laissant à Priamos et aux Troiens leur gloire et l'Argienne Hélénè pour laquelle tant d'Akhaiens sont morts devant Troiè, loin de la chère patrie ? Va ! hâte-toi d'aller vers le peuple des Akhaiens. Retiens chaque guerrier par de douces paroles, et ne permets pas qu'on traîne les nefs à la mer.

Elle parla ainsi, et il reconnut la voix de la déesse, et il courut, jetant son manteau que releva le héraut Eurybatès d'Ithakè, qui le suivait. Et, rencontrant l'Atréide Agamemnôn, il reçut de lui le sceptre immortel de ses pères, et, avec ce sceptre, il marcha vers les nefs des Akhaiens revêtus d'airain. Et quand il se trouvait en face d'un roi ou d'un homme illustre, il l'arrêtait par de douces paroles :


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– Malheureux ! Il ne te convient pas de trembler comme un lâche. Reste et arrête les autres. Tu ne sais pas la vraie pensée de l'Atréide. Maintenant il tente les fils des Akhaiens, et bientôt il les punira. Nous n'avons point tous entendu ce qu'il a dit dans le conseil. Craignons que, dans sa colère, il outrage les fils des Akhaiens, car la colère d'un roi nourrisson de Zeus est redoutable, et le très sage Zeus l'aime, et sa gloire vient de Zeus.

Mais quand il rencontrait quelque guerrier obscur et plein de clameurs, il le frappait du sceptre et le réprimait par de rudes paroles :

– Arrête, misérable ! écoute ceux qui te sont supérieurs, lâche et sans force, toi qui n'as aucun rang ni dans le combat ni dans le conseil. Certes, tous les Akhaiens ne seront point rois ici. La multitude des maîtres ne vaut rien. Il ne faut qu'un chef, un seul roi, à qui le fils de Kronos empli de ruses a remis le sceptre et les lois, afin qu'il règne sur tous.

Ainsi Odysseus refrénait puissamment l'armée. Et ils se précipitaient de nouveau, tumultueux, vers l'agora, loin des nefs et des tentes, comme lorsque les flots aux bruits sans nombre se brisent en grondant sur le vaste rivage, et que la haute mer en retentit. Et tous étaient assis à leurs rangs. Et, seul, Thersitès poursuivait ses clameurs. Il abondait en paroles insolentes et outrageantes, même contre les rois, et parlait sans mesure, afin d'exciter le rire des Argiens. Et c'était l'homme le plus difforme qui fût venu devant Ilios.

- page 32 -

Il était louche et boiteux, et ses épaules recourbées se rejoignaient sur sa poitrine, et quelques cheveux épars poussaient sur sa tête pointue. Et il haïssait surtout Akhilleus et Odysseus, et il les outrageait. Et il poussait des cris injurieux contre le divin Agamemnôn. Les Akhaiens le méprisaient et le haïssaient, mais, d'une voix haute, il outrageait ainsi Agamemnôn :

– Atréide, que te faut-il encore, et que veux-tu ? Tes tentes sont pleines d'airain et de nombreuses femmes fort belles que nous te donnons d'abord, nous, Akhaiens, quand nous prenons une ville. As-tu besoin de l'or qu'un Troien dompteur de chevaux t'apportera pour l'affranchissement de son fils que j'aurai amené enchaîné, ou qu'un autre Akhaien aura dompté ? Te faut-il une jeune femme que tu possèdes et que tu ne quittes plus ? Il ne convient point qu'un chef accable de maux les Akhaiens. Ô lâches ! opprobres vivants ! Akhaiennes et non Akhaiens ! Retournons dans nos demeures avec les nefs ; laissons-le, seul devant Troiè, amasser des dépouilles, et qu'il sache si nous lui étions nécessaires ou non. N'a-t-il point outragé Akhilleus, meilleur guerrier que lui, et enlevé sa récompense ? Certes, Akhilleus n'a point de colère dans l'âme, car c'eût été, Atréide, ta dernière insolence !

Il parla ainsi, outrageant Agamemnôn, prince des peuples. Et le divin Odysseus, s'arrêtant devant lui, le regarda d'un œil sombre et lui dit rudement :


- page 33 -

– Thersitès, infatigable harangueur, silence ! Et cesse de t'en prendre aux rois. Je ne pense point qu'il soit un homme plus vil que toi parmi ceux qui sont venus devant Troiè avec les Atréides, et tu ne devrais point haranguer avec le nom des rois à la bouche, ni les outrager, ni exciter au retour. Nous ne savons point quelle sera notre destinée, et s'il est bon ou mauvais que nous partions. Et voici que tu te plais à outrager l'Atréide Agamemnôn, prince des peuples, parce que les héros Danaens l'ont comblé de dons ! Et c'est pour cela que tu harangues ? Mais je te le dis, et ma parole s'accomplira : si je te rencontre encore plein de rage comme maintenant, que ma tête saute de mes épaules, que je ne sois plus nommé le père de Tèlémakhos, si je ne te saisis, et, t'ayant arraché ton vêtement, ton manteau et ce qui couvre ta nudité, je ne te renvoie, sanglotant, de l'agora aux nefs rapides, en te frappant de coups terribles

Il parla ainsi, et il le frappa du sceptre sur le dos et les épaules. Et Thersitès se courba, et les larmes lui tombèrent des yeux. Une tumeur saignante lui gonfla le dos sous le coup du sceptre d'or, et il s'assit, tremblant et gémissant, hideux à voir, et il essuya ses yeux. Et les Akhaiens, bien que soucieux, rirent aux éclats ; et, se regardant les uns les autres, ils se disaient :

– Certes, Odysseus a déjà fait mille choses excellentes, par ses sages conseils et par sa science guerrière ; mais ce qu'il a fait de mieux, entre tous les Argiens, a été de réduire au silence ce harangueur injurieux.

- page 34 -

De longtemps, il se gardera d'outrager les rois par ses paroles injurieuses.

La multitude parlait ainsi. Et le preneur de villes, Odysseus, se leva, tenant son sceptre. Auprès de lui, Athènè aux yeux clairs, semblable à un héraut, ordonna à la foule de se taire, afin que tous les fils des Akhaiens, les plus proches et les plus éloignés, pussent entendre et comprendre. Et l'excellent agorète parla ainsi :

– Roi Atréide, voici que les Akhaiens veulent te couvrir d'opprobre en face des hommes vivants, et ils ne tiennent point la promesse qu'ils te firent, en venant d'Argos féconde en chevaux, de ne retourner qu'après avoir renversé la forte muraille d'Ilios. Et voici qu'ils pleurent, pleins du désir de leurs demeures, comme des enfants et des veuves. Certes, c'est une amère douleur de fuir après tant de maux soufferts. Je sais, il est vrai, qu'un voyageur, éloigné de sa femme depuis un seul mois, s'irrite auprès de sa nef chargée de rameurs, que retiennent les vents d'hiver et la mer soulevée. Or, voici neuf années bientôt que nous sommes ici. Je n'en veux donc point aux Akhaiens de s'irriter auprès de leurs nefs éperonnées ; mais il est honteux d'être restés si longtemps et de s'en retourner les mains vides. Souffrez donc, amis, et demeurez ici quelque temps encore, afin que nous sachions si Kalkhas a dit vrai ou faux. Et nous le savons, et vous en êtes tous témoins, vous que les kères de la mort n'ont point emportés. Était-ce donc hier ?

- page 35 -

Les nefs des Akhaiens étaient réunies devant Aulis, portant les calamités à Priamos et aux Troiens. Et nous étions autour de la source, auprès des autels sacrés, offrant aux immortels de complètes hécatombes, sous un beau platane ; et, à son ombre, coulait une eau vive, quand nous vîmes un grand prodige. Un dragon terrible, au dos ensanglanté, envoyé de l'Olympien lui-même, sortit de dessous l'autel et rampa vers le platane. Là étaient huit petits passereaux, tout jeunes, sur la branche la plus haute et blottis sous les feuilles ; et la mère qui les avait enfantés était la neuvième. Et le dragon les dévorait cruellement, et ils criaient, et la mère, désolée, volait tout autour de ses petits. Et, comme elle emplissait l'air de cris, il la saisit par une aile ; et quand il eut mangé la mère et les petits, le dieu qui l'avait envoyé en fit un signe mémorable ; car le fils de Kronos empli de ruses le changea en pierre. Et nous admirions ceci, et les choses terribles qui étaient dans les hécatombes des dieux. Et voici que Kalkhas nous révéla aussitôt les volontés divines :

– Pourquoi êtes-vous muets, Akhaiens chevelus ? Ceci est un grand signe du très sage Zeus ; et ces choses s'accompliront fort tard, mais la gloire n'en périra jamais. De même que ce dragon a mangé les petits passereaux, et ils étaient huit, et la mère qui les avait enfantés, et elle était la neuvième, de même nous combattrons pendant neuf années, et, dans la dixième, nous prendrons Troiè aux larges rues.’


- page 36 -

– C'est ainsi qu'il parla, et ses paroles se sont accomplies. Restez donc tous, Akhaiens aux belles knèmides, jusqu'à ce que nous prenions la grande citadelle de Priamos.

Il parla ainsi, et les Argiens, par des cris éclatants, applaudissaient la harangue du divin Odysseus. Et, à ces cris, les nefs creuses rendirent des sons terribles. Et le cavalier Gérennien Nestôr leur dit :

– Ah ! certes, ceci est une agora d'enfants étrangers aux fatigues de la guerre ! Où iront nos paroles et nos serments ? Les conseils et la sagesse des hommes, et les libations de vin pur, et les mains serrées en gage de notre foi commune, tout sera-t-il jeté au feu ? Nous ne combattons qu'en paroles vaines, et nous n'avons rien trouvé de bon après tant d'années. Atréide, sois donc inébranlable et commande les Argiens dans les rudes batailles. Laisse périr un ou deux lâches qui conspirent contre les Akhaiens et voudraient regagner Argos avant de savoir si Zeus tempétueux a menti. Mais ils n'y réussiront pas. Moi, je dis que le terrible Kroniôn engagea sa promesse le jour où les Argiens montaient dans les nefs rapides pour porter aux Troiens les Kères de la mort, car il tonna à notre droite, par un signe heureux. Donc, que nul ne se hâte de s'en retourner avant d'avoir entraîné la femme de quelque Troien et vengé le rapt de Hélénè et tous les maux qu'il a causés. Et si quelqu'un veut fuir malgré tout, qu'il saisisse sa nef noire et bien construite, afin de trouver une prompte mort. Mais, ô roi, délibère avec une pensée droite et écoute mes conseils.

- page 37 -

Ce que je dirai ne doit pas être négligé. Sépare les hommes par races et par tribus, et que celles-ci se viennent en aide les unes les autres. Si tu fais ainsi, et que les Akhaiens t'obéissent, tu connaîtras la lâcheté ou le courage des chefs et des hommes, car chacun combattra selon ses forces. Et si tu ne renverses point cette ville, tu sauras si c'est par la volonté divine ou par la faute des hommes.

Et le roi Agamemnôn, lui répondant, parla ainsi

– Certes, vieillard, tu surpasses dans l'agora tous les fils des Akhaiens. Ô père Zeus ! Athènè ! Apollôn ! Si j'avais dix conseillers tels que toi parmi les Akhaiens, la ville du roi Priamos tomberait bientôt, emportée et saccagée par nos mains ! Mais le Kronide Zeus tempétueux m'a accablé de maux en me jetant au milieu de querelles fatales. Akhilleus et moi nous nous sommes divisés à cause d'une jeune vierge, et je me suis irrité le premier. Si jamais nous nous réunissons, la ruine des Troiens ne sera point retardée, même d'un jour. Maintenant, allez prendre votre repas, afin que nous combattions. Et que, d'abord, chacun aiguise sa lance, consolide son bouclier, donne à manger à ses chevaux, s'occupe attentivement de son char et de toutes les choses de la guerre, afin que nous fassions tout le jour l'œuvre du terrible Arès. Et nous n'aurons nul relâche, jusqu'à ce que la nuit sépare les hommes furieux. La courroie du bouclier préservateur sera trempée de la sueur de chaque poitrine, et la main guerrière se fatiguera autour de la lance, et le cheval fumera, inondé de sueur, en traînant le char solide.

- page 38 -

Et, je le dis, celui que je verrai loin du combat, auprès des nefs éperonnées, celui-là n'évitera point les chiens et les oiseaux carnassiers.

Il parla ainsi, et les Argiens jetèrent de grands cris, avec le bruit que fait la mer quand le Notos la pousse contre une côte élevée, sur un roc avancé que les flots ne cessent jamais d'assiéger, de quelque côté que soufflent les vents. Et ils coururent, se dispersant au milieu des nefs ; et la fumée sortit des tentes, et ils prirent leur repas. Et chacun d'eux sacrifiait à l'un des dieux qui vivent toujours, afin d'éviter les blessures d'Arès et la mort. Et le roi des hommes, Agamemnôn, sacrifia un taureau gras, de cinq ans, au très puissant Kroniôn, et il convoqua les plus illustres des Panakhaiens, Nestôr, le roi Idoméneus, les deux Aias et le fils de Tydeus. Odysseus, égal à Zeus par l'intelligence, fut le sixième. Ménélaos, brave au combat, vint de lui-même, sachant les desseins de son frère. Entourant le taureau, ils prirent les orges salées, et, au milieu d'eux, le roi des hommes, Agamemnôn, dit en priant :

– Zeus ! Très glorieux, très grand, qui amasses les noires nuées et qui habites l'aithèr ! puisse Hélios ne point se coucher et la nuit ne point venir avant que j'aie renversé la demeure enflammée de Priamos, après avoir brûlé ses portes et brisé, de l'épée, la cuirasse de Hektôr sur sa poitrine, vu la foule de ses compagnons, couchés autour de lui dans la poussière, mordre de leurs dents la terre !


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Il parla ainsi, et le Kroniôn accepta le sacrifice, mais il ne l'exauça pas, lui réservant de plus longues fatigues. Et, après qu'ils eurent prié et jeté les orges salées, ils renversèrent la tête du taureau ; et, l'ayant égorgé et dépouillé, ils coupèrent les cuisses qu'ils couvrirent deux fois de graisse ; et, posant par-dessus des morceaux sanglants, ils les rôtissaient avec des rameaux sans feuilles, et ils tenaient les entrailles sur le feu. Et quand les cuisses furent rôties et qu'ils eurent goûté aux entrailles, ils coupèrent le reste par morceaux qu'ils embrochèrent et firent rôtir avec soin, et ils retirèrent le tout. Et, après ce travail, ils préparèrent le repas, et aucun ne put se plaindre d'une part inégale. Puis, ayant assouvi la faim et la soif, le cavalier Gérennien Nestôr parla ainsi :

– Très glorieux roi des hommes, Atréide Agamemnôn, ne tardons pas plus longtemps à faire ce que Zeus nous permet d'accomplir. Allons ! que les hérauts, par leurs clameurs, rassemblent auprès des nefs l'armée des Akhaiens revêtus d'airain ; et nous, nous mêlant à la foule guerrière des Akhaiens, excitons à l'instant l'impétueux Arès.

Il parla ainsi, et le roi des hommes, Agamnemnôn, obéit, et il ordonna aux hérauts à la voix éclatante d'appeler au combat les Akhaiens chevelus. Et, autour de l'Atréiôn, les rois divins couraient çà et là, rangeant l'armée. Et, au milieu d'eux, Athènè aux yeux clairs portait l'Aigide glorieuse, impérissable et immortelle. Et cent franges d'or bien tissues, chacune du prix de cent bœufs, y étaient suspendues.

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MessageSujet: Re: L'Illiade   L'Illiade EmptyVen 20 Jan - 19:38

Avec cette aigide, elle allait ardemment à travers l'armée des Akhaiens, poussant chacun en avant, lui mettant la force et le courage au cœur, afin qu'il guerroyât et combattît sans relâche. Et aussitôt il leur semblait plus doux de combattre que de retourner sur leurs nefs creuses vers la chère terre natale. Comme un feu ardent qui brûle une grande forêt au faîte d'une montagne, et dont la lumière resplendit au loin, de même s'allumait dans l'Ouranos l'airain étincelant des hommes qui marchaient.

Comme les multitudes ailées des oies, des grues ou des cygnes au long cou, dans les prairies d'Asios, sur les bords du Kaystrios, volent çà et là, agitant leurs ailes joyeuses, et se devançant les uns les autres avec des cris dont la prairie résonne, de même les innombrables tribus Akhaiennes roulaient en torrents dans la plaine du Skamandros, loin des nefs et des tentes ; et, sous leurs pieds et ceux des chevaux, la terre mugissait terriblement. Et ils s'arrêtèrent dans la plaine fleurie du Skamandros, par milliers, tels que les feuilles et les fleurs du printemps. Aussi nombreux que les tourbillons infinis de mouches qui bourdonnent autour de l'étable, dans la saison printanière, quand le lait abondant blanchit les vases, les Akhaiens chevelus s'arrêtaient dans la plaine en face des Troiens, désirant les détruire. Comme les bergers reconnaissent aisément leurs immenses troupeaux de chèvres confondus dans les pâturages, ainsi les chefs rangeaient leurs hommes. Et le grand roi Agamemnôn était au milieu d'eux, semblable par les yeux et la tête à Zeus qui se réjouit de la foudre, par la stature à Arès, et par l'ampleur de la poitrine à Poseidaôn.

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Comme un taureau l'emporte sur le reste du troupeau et s'élève au-dessus des génisses qui l'environnent, de même Zeus, en ce jour, faisait resplendir l'Atréide entre d'innombrables héros.

Et maintenant, Muses, qui habitez les demeures Olympiennes, vous qui êtes déesses, et présentes à tout, et qui savez toutes choses, tandis que nous ne savons rien et n'entendons seulement qu'un bruit de gloire, dites les rois et les princes des Danaens. Car je ne pourrais nommer ni décrire la multitude, même ayant dix langues, dix bouches, une voix infatigable et une poitrine d'airain, si les Muses Olympiades, filles de Zeus tempétueux, ne me rappellent ceux qui vinrent sous Ilios. Je dirai donc les chefs et toutes les nefs.

Pènéléôs et Lèitos, et Arkésilaos, et Prothoènôr, et Klonios commandaient aux Boiôtiens. Et c'étaient ceux qui habitaient Hyriè et la pierreuse Aulis, et Skhoinos, et Skôlos, et les nombreuses collines d'Étéôn, et Thespéia, et Graia, et la grande Mikalèsos ; et ceux qui habitaient autour de Harma et d'Eilésios et d'Érythra ; et ceux qui habitaient Éléôn et Hilè, et Pétéôn, Okaliè et Médéôn bien bâtie, Kôpa et Eutrèsis et Thisbé abondante en colombes ; et ceux qui habitaient Korônéia et Haliartos aux grandes prairies ; et ceux qui habitaient Plataia ; et ceux qui vivaient dans Glissa ; et ceux qui habitaient la cité bien bâtie de Hypothèba, et la sainte Onkhestos, bois sacré de Poseidaôn ; et ceux qui habitaient Arnè qui abonde en raisin, et Midéia, et la sainte Nissa, et la ville frontière Anthèdôn.

- page 42 -

Et ils étaient venus sur cinquante nefs, et chacune portait cent vingt jeunes Boiôtiens.

Et ceux qui habitaient Asplèdôn et Orkhomènos de Mynias étaient commandés par Askalaphos et Ialménos, fils d'Arès. Et Astyokhè Azéide les avait enfantés dans la demeure d'Aktôr ; le puissant Arès ayant surpris la vierge innocente dans les chambres hautes. Et ils étaient venus sur trente nefs creuses.

Et Skhédios et Épistrophos, fils du magnanime Iphitos Naubolide, commandaient aux Phôkèens. Et c'étaient ceux qui habitaient Kiparissos et la pierreuse Pythôn et la sainte Krissa, et Daulis et Panopè ; et ceux qui habitaient autour d'Anémôréia et de Hyampolis ; et ceux qui habitaient auprès du divin fleuve Kèphisos et qui possédaient Lilaia, à la source du Kèphisos. Et ils étaient venus sur quarante nefs noires, et leurs chefs les rangèrent à la gauche des Boiôtiens.

Et l'agile Aias Oilèide commandait aux Lokriens. Il était beaucoup moins grand qu'Aias Télamônien, et sa cuirasse était de lin ; mais, par la lance, il excellait entre les Panhellènes et les Akhaiens. Et il commandait à ceux qui habitaient Kynos et Kalliaros, et Bèssa et Scarphè, et l'heureuse Augéia, et Tarphè, et Thronios, auprès du Boagrios. Et tous ces Lokriens, qui habitaient au-delà de la sainte Euboiè, étaient venus sur quarante nefs noires.


- page 43 -

Et les Abantes, pleins de courage, qui habitaient l'Euboia et Khalkis, et Eirétria, et Histiaia qui abonde en raisin, et la maritime Kèrinthos, et la haute citadelle de Diôs ; et ceux qui habitaient Karistos et Styra étaient commandés par Éléphènôr Khalkodontiade, de la race d'Arès ; et il était le prince des magnanimes Abantes. Et les Abantes agiles, aux cheveux flottant sur le dos, braves guerriers, désiraient percer de près les cuirasses ennemies de leurs piques de frêne. Et ils étaient venus sur quarante nefs noires.

Et ceux qui habitaient Athènes, ville forte et bien bâtie du magnanime Érékhtheus que nourrit Athènè, fille de Zeus, après que la terre féconde l'eut enfanté, et qu'elle plaça dans le temple abondant où les fils des Athènaiens offrent chaque année, pour lui plaire, des hécatombes de taureaux et d'agneaux ; ceux-là étaient commandés par Ménèstheus, fils de Pétéos. Jamais aucun homme vivant, si ce n'était Nestôr, qui était plus âgé, ne fut son égal pour ranger en bataille les cavaliers et les porte boucliers. Et ils étaient venus sur cinquante nefs noires.

Et Aias avait amené douze nefs de Salamis, et il les avait placées auprès des Athènaiens.

Et ceux qui habitaient Argos et la forte Tiryntha, Hermionè et Asinè aux golfes profonds, Troixènè, Eiôna et Épidauros qui abonde en vignes ; et ceux qui habitaient Aigina et Masès étaient commandés par Diomèdès, hardi au combat, et par Sthénélôs, fils de l'illustre Kapaneus, et par Euryalos, semblable aux dieux, fils du roi Mèkisteus Taliônide.

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Mais Diomèdès, hardi au combat, les commandait tous. Et ils étaient venus sur quatre-vingts nefs noires.

Et ceux qui habitaient la ville forte et bien bâtie de Mykènè, et la riche Korinthos et Kléôn ; et ceux qui habitaient Ornéia et l'heureuse Araithyréè, et Sikiôn où régna, le premier, Adrèstos ; et ceux qui habitaient Hipérèsia et la haute Gonœssa et Pellèna, et qui vivaient autour d'Aigion et de la grande Hélikè, et sur toute la côte, étaient commandés par le roi Agamemnôn Atréide. Et ils étaient venus sur cent nefs, et ils étaient les plus nombreux et les plus braves des guerriers. Et l'Atréide, revêtu de l'airain splendide, était fier de commander à tous les héros, étant lui-même très brave, et ayant amené le plus de guerriers.

Et ceux qui habitaient la grande Lakédaimôn dans sa creuse vallée, et Pharis et Sparta, et Messa qui abonde en colombes, et Bryséia et l'heureuse Augéia, Amykla et la maritime Hélos ; et ceux qui habitaient Laas et Oitylos, étaient commandés par Ménélaos hardi au combat, et séparés des guerriers de son frère. Et ils étaient venus sur soixante nefs. Et Ménélaos était au milieu d'eux, confiant dans son courage, et les excitant à combattre ; car, plus qu'eux, il désirait venger le rapt de Hélénè et les maux qui en venaient.


- page 45 -

Et ceux qui habitaient Pylos et l'heureuse Arènè, et Thryos traversée par l'Alphéos, et Aipy habilement construite, et Kiparissè et Amphigènéia, Ptéléon, Hélos et Dôrion, où les Muses, ayant rencontré le Thrakien Thamyris qui venait d'Oikhaliè, de chez le roi Eurytos l'Oikhalien, le rendirent muet, parce qu'il s'était vanté de vaincre en chantant les Muses elles-mêmes, filles de Zeus tempétueux. Et celles-ci, irritées, lui ôtèrent la science divine de chanter et de jouer de la kithare. Et ceux-là étaient commandés par le cavalier Gérennien Nestôr. Et ils étaient venus sur quatre-vingt-dix nefs creuses.

Et ceux qui habitaient l'Arkadia, aux pieds de la haute montagne de Killènè où naissent les hommes braves, auprès du tombeau d'Aipytios ; et ceux qui habitaient Phénéos et Orkhoménos riche en troupeaux, et Ripè, et Stratiè, et Enispè battue des vents ; et ceux qui habitaient Tégéè et l'heureuse Mantinéè, et Stimphèlos et Parrhasiè, étaient commandés par le fils d'Ankaios, le roi Agapènôr. Et ils étaient venus sur cinquante nefs, et dans chacune il y avait un grand nombre d'Arkadiens belliqueux. Et le roi Agamemnôn leur avait donné des nefs bien construites pour traverser la noire mer, car ils ne s'occupaient point des travaux de la mer.


- page 46 -

Et ceux qui habitaient Bouprasios et la divine Élis, et la terre qui renferme Hyrininè et la ville frontière de Myrsinè, et la roche Olénienne et Aleisios, étaient venus sous quatre chefs, et chaque chef conduisait dix nefs rapides où étaient de nombreux ÉpéiensAmphimakhos et Thalpios commandaient les uns ; et le premier était fils de Kléatos, et le second d'Eurytos Aktoriôn. Et le robuste Diôrès Amarynkéide commandait les autres, et le divin Polyxeinos commandait aux derniers ; et il était fils d'Agasthéneus Augéiade.

Et ceux qui habitaient Doulikiôn et les saintes îles Ekhinades qui sont à l'horizon de la mer, en face de l'Élis, étaient commandés par Mégès Phyléide, semblable à Arès. Et il était fils de Phyleus, habile cavalier cher à Zeus, qui, s'étant irrité contre son père, s'était réfugié à Doulikhiôn. Et ils étaient venus sur quarante nefs noires.

Et Odysseus commandait les magnanimes Képhallèniens, et ceux qui habitaient Ithakè et le Nèritos aux forêts agitées, et ceux qui habitaient Krokyléia et l'aride Aigilipa et Zakyntos et Samos, et ceux qui habitaient l'Épeiros sur la rive opposée. Et Odysseus, égal à Zeus par l'intelligence, les commandait. Et ils étaient venus sur douze nefs rouges.

Et Thoas Andraimonide commandait les Aitôliens qui habitaient Pleurôn et Olénos, et Pylènè, et la maritime Khalkis, et la pierreuse Kalidôn.

- page 47 -

Car les fils du magnanime Oineus étaient morts, et lui-même était mort, et le blond Méléagros était mort, et Thoas commandait maintenant les Aitôliens. Et ils étaient venus sur quarante nefs noires.

Et Idoméneus, habile à lancer la pique, commandait les Krètois et ceux qui habitaient Knôssos et la forte Gorcyna, et les villes populeuses de Lyktos, de Milètos, de Lykastos, de Phaistos et de Rhytiôn, et d'autres qui habitaient aussi la Krètè aux cent villes. Et Idoméneus, habile à lancer la pique, les commandait avec Mèrionès, pareil au tueur d'hommes Arès. Et ils étaient venus sur quatre-vingts nefs noires.

Et Tlèpolémos Hèraklide, très fort et très grand, avait conduit de Rhodos, sur neuf nefs, les fiers Rhodiens qui habitaient les trois parties de Rhodos : Lindos, Ièlissos et la riche Kameiros. Et Tlèpolémos, habile à lancer la pique, les commandait. Et Astyokhéia avait donné ce fils au grand Hèraklès, après que ce dernier l'eut emmenée d'Éphyrè, des bords du Sellèis, où il avait renversé beaucoup de villes défendues par des jeunes hommes. Et Tlèpolémos, élevé dans la belle demeure, tua l'oncle de son père, Likymnios, race d'Arès. Et il construisit des nefs, rassembla une grande multitude et s'enfuit sur la mer, car les fils et les petits-fils du grand Hèraklès le menaçaient. Ayant erré et subi beaucoup de maux, il arriva dans Rhodos, où ils se partagèrent en trois tribus, et Zeus, qui commande aux dieux et aux hommes, les aima et les combla de richesses.


- page 48 -

Et Nireus avait amené de Symè trois nefs. Et il était né d'Aglaiè et du roi Kharopos, et c'était le plus beau de tous les Danaens, après l'irréprochable Pèléiôn, mais il n'était point brave et commandait peu de guerriers.

Et ceux qui habitaient Nisyros et Krapathos, et Kasos, et Kôs, ville d'Eurypylos, et les îles Kalynades, étaient commandés par Pheidippos et Antiphos, deux fils du roi Thessalos Hèrakléide. Et ils étaient venus sur trente nefs creuses.

Et je nommerai aussi ceux qui habitaient Argos Pélasgique, et Alos et Alopè, et ceux qui habitaient Trakinè et la Phthiè, et la Hellas aux belles femmes. Et ils se nommaient Myrmidones, ou Hellènes, ou Akhaiens, et Akhilleus commandait leurs cinquante nefs. Mais ils ne se souvenaient plus des clameurs de la guerre, n'ayant plus de chef qui les menât. Car le divin Akhilleus aux pieds rapides était couché dans ses nefs, irrité au souvenir de la vierge Breisèis aux beaux cheveux qu'il avait emmenée de Lyrnèssos, après avoir pris cette ville et renversé les murailles de Thèbè avec de grandes fatigues. Là, il avait tué les belliqueux Mènytos et Épistrophos, fils du roi Évènos Sélèpiade. Et, dans sa douleur, il restait couché mais il devait se relever bientôt.

Et ceux qui habitaient Phylakè et la fertile Pyrrhasos consacrée à Dèmètèr, et Itôn riche en troupeaux, et la maritime Antrôn, et Ptéléos aux grasses prairies, étaient commandés par le brave Prôtésilaos quand il vivait ; mais déjà la terre noire le renfermait ; et sa femme se meurtrissait le visage, seule à Phylakè, dans sa demeure abandonnée ; car un guerrier Dardanien le tua, comme il s'élançait de sa nef, le premier de tous les Akhaiens.

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Mais ses guerriers n'étaient point sans chef, et ils étaient commandés par un nourrisson d'Arès, Podarkès, fils d'Iphiklos riche en troupeaux, et il était frère du magnanime Prôtésilaos. Et ce héros était l'aîné et le plus brave, et ses guerriers le regrettaient. Et ils étaient venus sur quarante nefs noires.

Et ceux qui habitaient Phéra, auprès du lac Boibèis, et Boibè, et Glaphyra, et Iôlkos, étaient commandés, sur onze nefs, par le fils bien-aimé d'Admètès, Eumèlos, qu'Alkèstis, la gloire des femmes et la plus belle des filles de Pèlias, avait donné à Admètès.

Et ceux qui habitaient Mèthônè et Thaumakè, et Méliboia et l'aride Olizôn, Philoktètès, très excellent archer, les commandait, sur sept nefs. Et dans chaque nef étaient cinquante rameurs, excellents archers, et très braves. Et Philoktètès était couché dans une île, en proie à des maux terribles, dans la divine Lèmnôs, où les fils des Akhaiens le laissèrent, souffrant de la mauvaise blessure d'un serpent venimeux. C'est là qu'il gisait, plein de tristesse. Mais les Argiens devaient bientôt se souvenir, dans leurs nefs, du roi Philoktètès. Et ses guerriers n'étaient point sans chef, s'ils regrettaient celui-là. Et Médôn les commandait, et il était fils du brave Oileus, de qui Rhènè l'avait conçu.

Et ceux qui habitaient Trikkè et la montueuse Ithomè, et Oikhaliè, ville d'Eurytos Oikhalien, étaient commandés par les deux fils d'Asklèpios, Podaleirios et Makhaôn.

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MessageSujet: Re: L'Illiade   L'Illiade EmptyVen 20 Jan - 19:39

Et ils étaient venus sur trente nefs creuses.

Et ceux qui habitaient Orménios et la fontaine Hypéréia, et Astériôn, et les cimes neigeuses du Titanos, étaient commandés par Eurypylos, illustre fils d'Évaimôn. Et ils étaient venus sur quarante nefs noires.

Et ceux qui habitaient Argissa et Gyrtônè, Orthè et Élonè, et la blanche Oloossôn, étaient commandés par le belliqueux Polypoitès, fils de Peirithoos qu'engendra l'éternel Zeus. Et l'illustre Hippodaméia le donna pour fils à Peirithoos le jour où celui-ci dompta les centaures féroces et les chassa du Pèliôn jusqu'aux monts Aithiens. Et Polypoitès ne commandait point seul, mais avec Léonteus, nourrisson d'Arès, et fils du magnanime Koronos Kainéide. Et ils étaient venus sur quarante nefs noires.

Et Gouneus avait amené de Kyphos, sur vingt-deux nefs, les Éniènes et les braves Péraibes qui habitaient la froide Dôdônè, et ceux qui habitaient les champs baignés par l'heureux Titarèsios qui jette ses belles eaux dans le Pènéios, et ne se mêle point au Pènéios aux tourbillons d'argent, mais coule à sa surface comme de l'huile. Et sa source est Styx par qui jurent les dieux.

Et Prothoos, fils de Tenthrèdôn, commandait les Magnètes qui habitaient auprès du Pènéios et du Pèliôn aux forêts secouées par le vent. Et l'agile Prothoos les commandait, et ils étaient venus sur quarante nefs noires.


- page 51 -

Et tels étaient les rois et les chefs des Danaens.

Dis-moi, Muse, quel était le plus brave, et qui avait les meilleurs chevaux parmi ceux qui avaient suivi les Atréides.

Les meilleurs chevaux étaient ceux du Phèrètiade Eumèlos. Et ils étaient rapides comme les oiseaux, du même poil, du même âge et de la même taille. Apollôn à l'arc d'argent éleva et nourrit sur le mont Piérè ces cavales qui portaient la terreur d'Arès. Et le plus brave des guerriers était Aias Télamônien, depuis qu'Akhilleus se livrait à sa colère ; car celui-ci était de beaucoup le plus fort, et les chevaux qui traînaient l'irréprochable Pèléiôn étaient de beaucoup les meilleurs. Mais voici qu'il était couché dans sa nef éperonnée, couvant sa fureur contre Agamemnôn. Et ses guerriers, sur le rivage de la mer, lançaient pacifiquement le disque, la pique ou la flèche ; et les chevaux, auprès des chars, broyaient le lotos et le sélinos des marais ; et les chars solides restaient sous les tentes des chefs ; et ceux-ci, regrettant leur roi cher à Arès, erraient à travers le camp et ne combattaient point.

Et les Akhaiens roulaient sur la terre comme un incendie ; et la terre mugissait comme lorsque Zeus tonnant la fouette à coups de foudre autour des rochers Arimiens où l'on dit que Typhôeus est couché. Ainsi la terre rendait un grand mugissement sous les pieds des Akhaiens qui franchissaient rapidement la plaine.


- page 52 -

Et la légère Iris, qui va comme le vent, envoyée de Zeus tempêtueux, vint annoncer aux Troiens la nouvelle effrayante. Et ils étaient réunis, jeunes et vieux, à l'agora, devant les vestibules de Priamos. Et la légère Iris s'approcha, semblable par le visage et la voix à Politès Priamide, qui, se fiant à la rapidité de sa course, s'était assis sur la haute tombe du vieux Aisyètas, pour observer le moment où les Akhaiens se précipiteraient hors des nefs.

Et la légère Iris, étant semblable à lui, parla ainsi :

– Ô vieillard ! tu te plais aux paroles sans fin, comme autrefois, du temps de la paix ; mais voici qu'une bataille inévitable se prépare. Certes, j'ai vu un grand nombre de combats, mais je n'ai point encore vu une armée aussi formidable et aussi innombrable. Elle est pareille aux feuilles et aux grains de sable ; et voici qu'elle vient, à travers la plaine, combattre autour de la ville. Hektôr, c'est à toi d'agir. Il y a de nombreux alliés dans la grande ville de Priamos, de races et de langues diverses. Que chaque chef arme les siens et les mène au combat.

Elle parla ainsi, et Hektôr reconnut sa voix, et il rompit l'agora, et tous coururent aux armes. Et les portes s'ouvrirent, et la foule des hommes, fantassins et cavaliers, en sortit à grand bruit. Et il y avait, en avant de la ville, une haute colline qui s'inclinait de tous côtés dans la plaine ; et les hommes la nommaient Batéia, et les immortels, le tombeau de l'agile Myrinnè.

- page 53 -

Là, se rangèrent les Troiens et les alliés.

Et le grand Hektôr Priamide au beau casque commandait les Troiens, et il était suivi d'hommes nombreux et braves qui désiraient frapper de la pique.

Et le vaillant fils d'Ankhisès, Ainéias, commandait les Dardaniens. Et la divine Aphroditè l'avait donné pour fils à Ankhisès, s'étant unie à un mortel, quoique déesse, sur les cîmes de l'Ida. Et il ne commandait point seul ; mais les deux Anténorides l'accompagnaient, Arkhilokhos et Akamas, habiles à tous les combats.

Et ceux qui habitaient Zéléia, aux pieds de la dernière chaîne de l'Ida, les riches Troadiens qui boivent l'eau profonde de l'Aisèpos, étaient commandés par l'illustre fils de Lykaôn, Pandaros, à qui Apollôn lui-même avait donné son arc.

Et ceux qui habitaient Adrèstéia et Apeisos, et Pithyéia et les hauteurs de Tèréiè, étaient commandés par Adrèstos et par Amphios à la cuirasse de lin. Et ils étaient tous deux fils de Mérops, le Perkôsien, qui, n'ayant point d'égal dans la science divinatoire, leur défendit de tenter la guerre qui dévore les hommes ; mais ils ne lui obéirent point, parce que les kères de la noire mort les entraînaient.


- page 54 -

Et ceux qui habitaient Perkôtè et Praktios, et Sèstos et Abydos, et la divine Arisbè, étaient commandés par Asios Hyrtakide, que des chevaux grands et ardents avaient amené des bords du fleuve Sellèis.

Et les tribus Pélasgiques habiles à lancer la pique, et ceux qui habitaient Larissa aux plaines fertiles, étaient commandés par Hippothoos et Pyleus, nourrissons d'Arès, fils du Pélasge Lèthos Teutamide.

Et Akamas commandait les Thrakiens, et le héros Peirôs ceux qu'enferme le Hellespontos rapide.

Et Euphèmos commandait les braves Kikoniens, et il était fils de Troizènos Kéade, cher à Zeus.

Et Pyraikhmès commandait les archers Paiones, venus de la terre lointaine d'Amydôn et du large Axios qui répand ses belles eaux sur la terre.

Et le brave Pylaiméneus commandait les Paphlagones, du pays des Énètiens, où naissent les mules sauvages. Et ils habitaient aussi Kytôros et Sésamos, et les belles villes du fleuve Parthénios, et Krômna, et Aigialos et la haute Érythinos.

Et Dios et Épistrophos commandaient les Halizônes, venus de la lointaine Alybè, où germe l'argent.


- page 55 -

Et Khromis et le divinateur Eunomos commandaient les Mysiens. Mais Eunomos ne devina point la noire mort, et il devait tomber sous la main du rapide Aiakide, dans le fleuve où celui-ci devait tuer tant de Troiens.

Et Phorkys commandait les Phrygiens, avec Askanios pareil à un dieu. Et ils étaient venus d'Askaniè, désirant le combat.

Et Mesthlès et Antiphos, fils de Pylaiméneus, nés sur les bords du lac de Gygéia, commandaient les Maiones qui habitent aux pieds du Tmôlos.

Et Nastès commandait les Kariens au langage barbare qui habitaient Milètos et les hauteurs Phthiriennes, et les bords du Maiandros ét les cimes de Mykalè. Et Amphimakhos et Nastès les commandaient, et ils étaient les fils illustres de Nomiôn. Et Amphimakhos combattait chargé d'or comme une femme, et ceci ne lui fit point éviter la noire mort, le malheureux ! Car il devait tomber sous la main du rapide Aiakide, dans le fleuve, et le brave Akhilleus devait enlever son or.

Et l'irréprochable Sarpèdôn commandait les Lykiens, avec l'irréprochable Glaukos. Et ils étaient venus de la lointaine Lykiè et du Xanthos plein de tourbillons.

- page 56 -

Quand tous, de chaque côté, se furent rangés sous leurs chefs, les Troiens s'avancèrent, pleins de clameurs et de bruit, comme des oiseaux. Ainsi, le cri des grues monte dans l'air, quand, fuyant l'hiver et les pluies abondantes, elles volent sur les flots d'Okéanos, portant le massacre et la kèr de la mort aux Pygmées. Et elles livrent dans l'air un rude combat. Mais les Akhaiens allaient en silence, respirant la force, et, dans leur cœur, désirant s'entre aider. Comme le Notos enveloppe les hauteurs de la montagne d'un brouillard odieux au berger et plus propice au voleur que la nuit même, de sorte qu'on ne peut voir au-delà d'une pierre qu'on a jetée ; de même une noire poussière montait sous les pieds de ceux qui marchaient, et ils traversaient rapidement la plaine.

Et quand ils furent proches les uns des autres, le divin Alexandros apparut en tête des Troiens, ayant une peau de léopard sur les épaules, et l'arc recourbé et l'épée. Et, agitant deux piques d'airain, il appelait les plus braves des Argiens à combattre un rude combat. Et dès que Ménélaos, cher à Arès, l'eut aperçu qui devançait l'armée et qui marchait à grands pas, comme un lion se réjouit, quand il a faim, de rencontrer un cerf cornu ou une chèvre sauvage, et dévore sa proie, bien que les chiens agiles et les ardents jeunes hommes le poursuivent, de même Ménélaos se réjouit quand il vit devant lui le divin Alexandros. Et il espéra se venger de celui qui l'avait outragé, et il sauta du char avec ses armes.


- page 57 -

Et dès que le divin Alexandros l'eut aperçu en tête de l'armée, son cœur se serra, et il recula parmi les siens pour éviter la kèr de la mort. Si quelqu'un, dans les gorges des montagnes, voit un serpent, il saute en arrière, et ses genoux tremblent, et ses joues pâlissent. De même le divin Alexandros, craignant le fils d'Atreus, rentra dans la foule des hardis Troiens.

Et Hektôr, l'ayant vu, l'accabla de paroles amères :

– Misérable Pâris, qui n'as que ta beauté, trompeur et efféminé, plût aux dieux que tu ne fusses point né, ou que tu fusses mort avant tes dernières noces ! Certes, cela eût mieux valu de beaucoup, plutôt que d'être l'opprobre et la risée de tous ! Voici que les Akhaiens chevelus rient de mépris, car ils croyaient que tu combattais hardiment hors des rangs, parce que ton visage est beau ; mais il n'y a dans ton cœur ni force ni courage. Pourquoi, étant un lâche, as-tu traversé la mer sur tes nefs rapides, avec tes meilleurs compagnons, et, mêlé à des étrangers, as-tu enlevé une très belle jeune femme du pays d'Apy, parente d'hommes belliqueux ? Immense malheur pour ton père, pour ta ville et pour tout le peuple ; joie pour nos ennemis et honte pour toi-même ! Et tu n'as point osé attendre Ménélaos, cher à Arès. Tu saurais maintenant de quel guerrier tu retiens la femme. Ni ta kithare, ni les dons d'Aphrodite, ta chevelure et ta beauté, ne t'auraient sauvé d'être traîné dans la poussière.

- page 58 -

Mais les Troiens ont trop de respect, car autrement, tu serais déjà revêtu d'une tunique de pierres, pour prix des maux que tu as causés.

Et le divin Alexandros lui répondit :

– Hektôr, tu m'as réprimandé justement. Ton cœur est toujours indompté, comme la hache qui fend le bois et accroît la force de l'ouvrier constructeur de nefs. Telle est l'âme indomptée qui est dans ta poitrine. Ne me reproche point les dons aimables d'Aphrodite d'or. Il ne faut point rejeter les dons glorieux des dieux, car eux seuls en disposent, et nul ne les pourrait prendre à son gré. Mais si tu veux maintenant que je combatte et que je lutte, arrête les Troiens et les Akhaiens, afin que nous combattions moi et Ménélaos, cher à Arès, au milieu de tous, pour Hélénè et pour toutes ses richesses. Et le vainqueur emportera cette femme et toutes ses richesses, et, après avoir échangé des serments inviolables, vous, Troiens, habiterez la féconde Troiè, et les Akhaiens retourneront dans Argos, nourrice de chevaux, et dans l'Akhaiè aux belles femmes.

Il parla ainsi, et Hektôr en eut une grande joie, et il s'avança, arrêtant les phalanges des Troiens, à l'aide de sa pique qu'il tenait par le milieu. Et ils s'arrêtèrent. Et les Akhaiens chevelus tiraient sur lui et le frappaient de flèches et de pierres. Mais le roi des hommes, Agamemnôn, cria à voix haute :


- page 59 -

– Arrêtez, Argiens ! ne frappez point, fils des Akhaiens ! Hektôr au casque mouvant semble vouloir dire quelques mots.

Il parla ainsi, et ils cessèrent et firent silence, et Hektôr parla au milieu d'eux :

– Ecoutez, Troiens et Akhaiens, ce que dit Alexandros qui causa cette guerre. Il désire que les Troiens et les Akhaiens déposent leurs belles armes sur la terre nourricière, et que lui et Ménélaos, cher à Arès, combattent, seuls, au milieu de tous, pour Hélénè et pour toutes ses richesses. Et le vainqueur emportera cette femme et toutes ses richesses, et nous échangerons des serments inviolables.

Il parla ainsi, et tous restèrent silencieux. Et Ménélaos, hardi au combat, leur dit :

– Ecoutez-moi maintenant. Une grande douleur serre mon cœur, et j'espère que les Argiens et les Troiens vont cesser la guerre, car vous avez subi des maux infinis pour ma querelle et pour l'injure que m'a faite Alexandros. Que celui des deux à qui sont réservées la moire et la mort, meure donc ; et vous, cessez aussitôt de combattre. Apportez un agneau noir pour Gaia et un agneau blanc pour Hélios, et nous en apporterons autant pour Zeus. Et vous amènerez Priamos lui-même, pour qu'il se lie par des serments, car ses enfants sont parjures et sans foi, et que personne ne puisse violer les serments de Zeus.

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MessageSujet: Re: L'Illiade   L'Illiade EmptyVen 20 Jan - 19:39

L'esprit des jeunes hommes est léger, mais, dans ses actions, le vieillard regarde à la fois l'avenir et le passé et agit avec équité.

Il parla ainsi, et les Troiens et les Akhaiens se réjouirent, espérant mettre fin à la guerre mauvaise. Et ils retinrent les chevaux dans les rangs, et ils se dépouillèrent de leurs armes déposées sur la terre. Et il y avait peu d'espace entre les deux armées. Et Hektôr envoya deux hérauts à la ville pour apporter deux agneaux et appeler Priamos. Et le roi Agamemnôn envoya Talthybios aux nefs creuses pour y prendre un agneau, et Talthybios obéit au divin Agamemnôn.

Et la messagère Iris s'envola chez Hélénè aux bras blancs, s'étant faite semblable à sa belle-sœur Laodikè, la plus belle des filles de Priamos, et qu'avait épousée l'Anténoride Élikaôn.

Et elle trouva Hélénè dans sa demeure, tissant une grande toile double, blanche comme le marbre, et y retraçant les nombreuses batailles que les Troiens dompteurs de chevaux et les Akhaiens revêtus d'airain avaient subies pour elle par les mains d'Arès. Et Iris aux pieds légers, s'étant approchée, lui dit :

– Viens, chère nymphe, voir le spectacle admirable des Troiens dompteurs de chevaux et des Akhaiens revêtus d'airain.

- page 61 -

Ils combattaient tantôt dans la plaine, pleins de la fureur d'Arès, et les voici maintenant assis en silence, appuyés sur leurs boucliers, et la guerre a cessé, et les piques sont enfoncées en terre. Alexandros et Ménélaos cher à Arès combattront pour toi, de leurs longues piques, et tu seras l'épouse bien-aimée du vainqueur.

Et la déesse, ayant ainsi parlé, jeta dans son cœur un doux souvenir de son premier mari, et de son pays, et de ses parents. Et Hélénè, s'étant couverte aussitôt de voiles blancs, sortit de la chambre nuptiale en pleurant ; et deux femmes la suivaient, Aithrè, fille de Pittheus, et Klyménè aux yeux de bœuf. Et voici qu'elles arrivèrent aux portes Skaies. Priamos, Panthoos, Thymoitès, Lampos, Klytios, lbkétaôn, nourrisson d'Arès, Oukalégôn et Antènôr, très sages tous deux, siégeaient, vieillards vénérables, au-dessus des portes Skaies. Et la vieillesse les écartait de la guerre ; mais c'étaient d'excellents agorètes ; et ils étaient pareils à des cigales qui, dans les bois, assises sur un arbre, élèvent leur voix mélodieuse. Tels étaient les princes des Troiens, assis sur la tour. Et quand ils virent Hélénè qui montait vers eux, ils se dirent les uns aux autres, et à voix basse, ces paroles ailées :

Certes, il est juste que les Troiens et les Akhaiens aux belles knèmides subissent tant de maux, et depuis si longtemps, pour une telle femme, car elle ressemble aux déesses immortelles par sa beauté.

- page 62 -

Mais, malgré cela, qu'elle s'en retourne sur ses nefs, et qu'elle ne nous laisse point, à nous et à nos enfants, un souvenir misérable.

Ils parlaient ainsi, et Priamos appela Hélénè :

– Viens, chère enfant, approche, assieds-toi auprès de moi, afin de revoir ton premier mari, et tes parents, et tes amis. Tu n'es point la cause de nos malheurs. Ce sont les dieux seuls qui m'ont accablé de cette rude guerre Akhaienne. Dis-moi le nom de ce guerrier d'une haute stature ; quel est cet Akhaien grand et vigoureux ? D'autres ont une taille plus élevée, mais je n'ai jamais vu de mes yeux un homme aussi beau et majestueux. Il a l'aspect d'un roi.

Et Hélénè, la divine femme, lui répondit :

– Tu m'es vénérable et redoutable, père bien-aimé. Que n'ai-je subi la noire mort quand j'ai suivi ton fils, abandonnant ma chambre nuptiale et ma fille née en mon pays lointain, et mes frères, et les chères compagnes de ma jeunesse ! Mais telle n'a point été ma destinée, et c'est pour cela que je me consume en pleurant. Je te dirai ce que tu m'as demandé. Cet homme est le roi Agamemnôn Atréide, qui commande au loin, roi habile et brave guerrier. Et il fut mon beau-frère, à moi infâme, s'il m'est permis de dire qu'il le fut.

Elle parla ainsi, et le vieillard, plein d'admiration, s'écria :


- page 63 -

– Ô heureux Atréide, né pour d'heureuses destinées ! Certes, de nombreux fils des Akhaiens te sont soumis. Autrefois, dans la Phrygiè féconde en vignes, j'ai vu de nombreux Phrygiens, habiles cavaliers, tribus belliqueuses d'Otreus et de Mygdôn égal aux dieux, et qui étaient campés sur les bords du Sangarios. Et j'étais au milieu d'eux, étant leur allié, quand vinrent les Amazones viriles. Mais ils n'étaient point aussi nombreux que les Akhaiens.

Puis, ayant vu Odysseus, le vieillard interrogea Hélénè :

– Dis-moi aussi, chère enfant, qui est celui-ci. Il est moins grand que l'Atréide Agamemnôn, mais plus large des épaules et de la poitrine. Et ses armes sont couchées sur la terre nourricière, et il marche, parmi les hommes, comme un bélier chargé de laine au milieu d'un grand troupeau de brebis blanches.

Et Hélénè, fille de Zeus, lui répondit :

– Celui-ci est le subtil Laertiade Odysseus, nourri dans le pays stérile d'Ithakè. Et il est plein de ruses et de prudence.

Et le sage Antènôr lui répondit :

– Ô femme ! tu as dit une parole vraie. Le divin Odysseus vint autrefois ici, envoyé pour toi, avec Ménélaos cher à Arès, et je les reçus dans mes demeures, et j'ai appris à connaître leur aspect et leur sagesse.

- page 64 -

Quand ils venaient à l'agora des Troiens, debout, Ménélaos surpassait Odysseus des épaules, mais, assis, le plus majestueux était Odysseus. Et quand ils haranguaient devant tous, certes, Ménélaos, bien que le plus jeune, parlait avec force et concision, en peu de mots, mais avec une clarté précise et allant droit au but. Et quand le subtil Odysseus se levait, il se tenait immobile, les yeux baissés, n'agitant le sceptre ni en avant ni en arrière, comme un agorète inexpérimenté. On eût dit qu'il était plein d'une sombre colère et tel qu'un insensé. Mais quand il exhalait de sa poitrine sa voix sonore, ses paroles pleuvaient, semblables aux neiges de l'hiver. En ce moment, nul n'aurait osé lutter contre lui ; mais, au premier aspect, nous ne l'admirions pas autant.

Ayant vu Aias, une troisième fois le vieillard interrogea Hélénè :

– Qui est cet autre guerrier Akhaien, grand et athlétique, qui surpasse tous les Argiens de la tête et des épaules ?

Et Hélénè au long péplos, la divine femme, lui répondit :

– Celui-ci est le grand Aias, le bouclier des Akhaiens. Et voici, parmi les Krètois, Idoméneus tel qu'un dieu, et les princes Krètois l'environnent. Souvent, Ménélaos cher à Arès le reçut dans nos demeures, quand il venait de la Krètè. Et voici tous les autres Akhaiens aux yeux noirs, et je les reconnais, et je pourrais dire leurs noms.

- page 65 -

Mais je ne vois point les deux princes des peuples, Kastôr dompteur de chevaux et Polydeukès invincible au pugilat, mes propres frères, car une même mère nous a enfantés. N'auraient-ils point quitté l'heureuse Lakédaimôn, ou, s'ils sont venus sur leurs nefs rapides, ne veulent-ils point se montrer au milieu des hommes, à cause de ma honte et de mon opprobre ?

Elle parla ainsi, mais déjà la terre féconde les renfermait, à Lakédaimôn, dans la chère patrie.

Et les hérauts, à travers la ville, portaient les gages sincères des dieux, deux agneaux, et, dans une outre de peau de chèvre, le vin joyeux, fruit de la terre. Et le héraut Idaios portait un kratère étincelant et des coupes d'or ; et, s'approchant, il excita le vieillard par ces paroles :

– Lève-toi, Laomédontiade ! Les princes des Troiens dompteurs de chevaux et des Akhaiens revêtus d'airain t'invitent à descendre dans la plaine, afin que vous échangiez des serments inviolables. Et Alexandros et Ménélaos cher à Arès combattront pour Hélénè avec leurs longues piques, et ses richesses appartiendront au vainqueur. Et tous, ayant fait alliance et échangé des serments inviolables, nous, Troiens, habiterons la féconde Troiè, et les Akhaiens retourneront dans Argos nourrice de chevaux et dans l'Akhaiè aux belles femmes.


- page 66 -

Il parla ainsi, et le vieillard frémit, et il ordonna à ses compagnons d'atteler les chevaux, et ils obéirent promptement. Et Priamos monta, tenant les rênes, et, auprès de lui, Antènôr entra dans le beau char ; et, par les portes Skaies, tous deux poussèrent les chevaux agiles dans la plaine.

Et quand ils furent arrivés au milieu des Troiens et des Akhaiens, ils descendirent du char sur la terre nourricière et se placèrent au milieu des Troiens et des Akhaiens.

Et, aussitôt, le roi des hommes, Agamemnôn, se leva, ainsi que le subtil Odysseus. Puis, les hérauts vénérables réunirent les gages sincères des dieux, mêlant le vin dans le kratère et versant de l'eau sur les mains des rois. Et l'Atréide Agamemnôn, tirant le couteau toujours suspendu à côté de la grande gaine de l'épée, coupa du poil sur la tête des agneaux, et les hérauts le distribuèrent aux princes des Troiens et des Akhaiens. Et, au milieu d'eux, l'Atréide pria, à haute voix, les mains étendues :

– Père Zeus, qui commandes du haut de l'Ida, très glorieux, très grand ! Hélios, qui vois et entends tout ! fleuves et Gaia ! et vous qui, sous la terre, châtiez les parjures, soyez tous témoins, scellez nos serments inviolables. Si Alexandros tue Ménélaos, qu'il garde Hélénè et toutes ses richesses, et nous retournerons sur nos nefs rapides ; mais si le blond Ménélaos tue Alexandros, que les Troiens rendent Hélénè et toutes ses richesses, et qu'ils payent aux Argiens, comme il est juste, un tribut dont se souviendront les hommes futurs.

- page 67 -

Mais si, Alexandros mort, Priamos et les fils de Priamos refusaient de payer ce tribut, je resterai et combattrai pour ceci, jusqu'à ce que je termine la guerre.

Il parla ainsi, et, de l'airain cruel, il trancha la gorge des agneaux et il les jeta palpitants sur la terre et rendant l'âme, car l'airain leur avait enlevé la vie. Et tous, puisant le vin du kratère avec des coupes, ils le répandirent et prièrent les dieux qui vivent toujours. Et les Troiens et les Akhaiens disaient :

– Zeus, très glorieux, très grand, et vous, dieux immortels ! que la cervelle de celui qui violera le premier ce serment, et la cervelle de ses fils, soient répandues sur la terre comme ce vin, et que leurs femmes soient outragées par autrui !

Mais le Kroniôn ne les exauça point. Et le Dardanide Priamos parla et leur dit :

– Ecoutez-moi, Troiens et Akhaiens aux belles knèmides. Je retourne vers la hauteur d'Ilios, car je ne saurais voir de mes yeux mon fils bien-aimé lutter contre Ménélaos cher à Arès. Zeus et les dieux immortels savent seuls auquel des deux est réservée la mort.

Ayant ainsi parlé, le divin vieillard plaça les agneaux dans le char, y monta, et saisit les rênes. Et Antènôr, auprès de lui, entra dans le beau char, et ils retournèrent vers Ilios.


- page 68 -

Et le Priamide Hektôr et le divin Odysseus mesurèrent l'arène d'abord, et remuèrent les sorts dans un casque, pour savoir qui lancerait le premier la pique d'airain. Et les peuples priaient et levaient les mains vers les dieux, et les Troiens et les Akhaiens disaient :

– Père Zeus, qui commandes au haut de l'Ida, très glorieux, très grand ! que celui qui nous a causé tant de maux descende chez Aidès, et puissions-nous sceller une alliance et des traités inviolables !

Ils parlèrent ainsi, et le grand Hektôr au casque mouvant agita les sorts en détournent les yeux, et celui de Pâris sortit le premier. Et tous s'assirent en rangs, chacun auprès de ses chevaux agiles et de ses armes éclatantes. Et le divin Alexandros, l'époux de Hélénè aux beaux cheveux, couvrit ses épaules de ses belles armes. Et il mit autour de ses jambes ses belles knèmides aux agrafes d'argent, et, sur sa poitrine, la cuirasse de son frère Lykaôn, faite à sa taille ; et il suspendit à ses épaules l'épée d'airain aux clous d'argent. Puis il prit le bouclier vaste et lourd, et il mit sur sa tête guerrière un riche casque orné de crins, et ce panache s'agitait fièrement ; et il saisit une forte pique faite pour ses mains. Et le brave Ménélaos se couvrit aussi de ses armes.

Tous deux, s'étant armés, avancèrent au milieu des Troiens et des Akhaiens, se jetant de sombres regards ; et les Troiens dompteurs de chevaux et les Akhaiens aux belles knèmides les regardaient avec terreur.

- page 69 -

Ils s'arrêtèrent en face l'un de l'autre, agitant les piques et pleins de fureur.

Et Alexandros lança le premier sa longue pique et frappa le bouclier poli de l'Atréide, mais il ne perça point l'airain, et la pointe se ploya sur le dur bouclier. Et Ménélaos, levant sa pique, supplia le père Zeus :

– Père Zeus ! fais que je punisse le divin Alexandros, qui le premier m'a outragé, et fais qu'il tombe sous mes mains, afin que, parmi les hommes futurs, chacun tremble d'outrager l'hôte qui l'aura reçu avec bienveillance !

Ayant parlé ainsi, il brandit sa longue pique, et, la lançant, il en frappa le bouclier poli du Priamide. Et la forte pique, à travers le bouclier éclatant, perça la riche cuirasse et déchira la tunique auprès du flanc. Et Alexandros, se courbant, évita la noire kèr. Et l'Atréide, ayant tiré l'épée aux clous d'argent, en frappa le cône du casque ; mais l'épée, rompue en trois ou quatre morceaux, tomba de sa main, et l'Atréide gémit en regardant le vaste Ouranos :

– Père Zeus ! nul d'entre les dieux n'est plus inexorable que toi. Certes, j'espérais me venger de l'outrage d'Alexandros et l'épée s'est rompue dans ma main, et la pique a été vainement lancée, et je ne l'ai point frappé !

Il parla ainsi, et, d'un bond, il le saisit par les crins du casque, et il le traîna vers les Akhaiens aux belles knèmides.

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MessageSujet: Re: L'Illiade   L'Illiade EmptyVen 20 Jan - 19:40

Et le cuir habilement orné, qui liait le casque sous le menton, étouffait le cou délicat d'Alexandros ; et l'Atréide l'eût traîné et eût remporté une grande gloire, si la fille de Zeus, Aphroditè, ayant vu cela, n'eût rompu le cuir de bœuf ; et le casque vide suivit la main musculeuse de Ménélaos. Et celui-ci le fit tournoyer et le jeta au milieu des Akhaiens aux belles knèmides, et ses chers compagnons l'emportèrent. Puis, il se rua de nouveau désirant tuer le Priamide de sa pique d'airain ; mais Aphroditè, étant déesse, enleva très facilement Alexandros en l'enveloppant d'une nuée épaisse, et elle le déposa dans sa chambre nuptiale, sur son lit parfumé. Et elle sortit pour appeler Hélénè, qu’elle trouva sur la haute tour, au milieu de la foule des Troiennes. Et la divine Aphroditè, s'étant faite semblable à une vieille femme habile à tisser la laine, et qui la tissait pour Hélénè dans la populeuse Lakédaimôn, et qui aimait Hélénè, saisit celle-ci par sa robe nektaréenne et lui dit :

– Viens ! Alexandros t'invite à revenir. Il est couché, plein de beauté et richement vêtu, sur son lit habilement travaillé. Tu ne dirais point qu'il vient de lutter contre un homme, mais tu croirais qu'il va aux danses, ou qu'il repose au retour des danses.

Elle parla ainsi, et elle troubla le cœur de Hélénè. Mais dès que celle-ci eut vu le beau cou de la déesse, et son sein d'où naissent les désirs, et ses yeux éclatants, elle fut saisie de terreur, et, la nommant de son nom, elle lui dit :


- page 71 -

– Ô mauvaise ! Pourquoi veux-tu me tromper encore ? Me conduiras-tu dans quelque autre ville populeuse de la Phrygiè ou de l'heureuse Maioniè, si un homme qui t'est cher y habite ? Est-ce parce que Ménélaos, ayant vaincu le divin Alexandros, veut m'emmener dans ses demeures, moi qui me suis odieuse, que tu viens de nouveau me tendre des pièges ? Va plutôt ! abandonne la demeure des dieux, ne retourne plus dans l'Olympos, et reste auprès de lui, toujours inquiète ; et prends-le sous ta garde, jusqu'à ce qu'il fasse de toi sa femme ou son esclave ! Pour moi, je n'irai plus orner son lit, car ce serait trop de honte, et toutes les Troiennes me blâmeraient, et j'ai trop d'amers chagrins dans le cœur.

Et la divine Aphroditè, pleine de colère, lui dit :

– Malheureuse ! crains de m'irriter, de peur que je t'abandonne dans ma colère, et que je te haïsse autant que je t'ai aimée, et que, jetant des haines inexorables entre les Troiens et les Akhaiens, je te fasse périr d'une mort violente !

Elle parla ainsi, et Hélénè, fille de Zeus, fut saisie de terreur, et, couverte de sa robe éclatante de blancheur, elle marcha en silence, s'éloignant des Troiennes, sur les pas de la déesse.

Et quand elles furent parvenues à la belle demeure d'Alexandros, toutes les servantes se mirent à leur tâche, et la divine femme monta dans la haute chambre nuptiale.

- page 72 -

Aphroditè qui aime les sourires avança un siège pour elle auprès d'Alexandros, et Hélénè, fille de Zeus tempétueux, s'y assit en détournant les yeux ; mais elle adressa ces reproches à son époux :

– Te voici revenu du combat. Que n'y restais-tu, mort et dompté par l'homme brave qui fut mon premier mari ! Ne te vantais-tu pas de l'emporter sur Ménélaos cher à Arès, par ton courage, par ta force et par ta lance ? Va ! défie encore Ménélaos cher à Arès, et combats de nouveau contre lui ; mais non, je te conseille plutôt de ne plus lutter contre le blond Ménélaos, de peur qu'il te dompte aussitôt de sa lance !

Et Pâris, lui répondant, parla ainsi :

– Femme ! ne blesse pas mon cœur par d'amères paroles. Il est vrai, Ménélaos m'a vaincu à l'aide d'Athènè, mais je le vaincrai plus tard, car nous avons aussi des dieux qui nous sont amis. Viens ! couchons-nous et aimons-nous ! Jamais le désir ne m'a brûlé ainsi, même lorsque, naviguant sur mes nefs rapides, après t'avoir enlevée de l'heureuse Lakédaimôn, je m'unis d'amour avec toi dans l'île de Kranaè, tant je t'aime maintenant et suis saisi de désirs !

Il parla ainsi et marcha vers son lit, et l'épouse le suivit, et ils se couchèrent dans le lit bien construit.


- page 73 -

Cependant l'Atréide courait comme une bête féroce au travers de la foule, cherchant le divin Alexandros. Et nul des Troiens ni des illustres alliés ne put montrer Alexandros à Ménélaos cher à Arès. Et certes, s'ils l'avaient vu, ils ne l'auraient point caché, car ils le haïssaient tous comme la noire kèr. Et le roi des hommes, Agamemnôn, leur parla ainsi :

– Ecoutez-moi, Troiens, Dardaniens et alliés. La victoire, certes, est à Ménélaos cher à Arès. Rendez-nous donc l'Argienne Hélénè et ses richesses, et payez, comme il est juste, un tribut dont se souviendront les hommes futurs.

L'Atréide parla ainsi, et tous les Akhaiens applaudirent.

- page 74 -

Les dieux, assis auprès de Zeus, étaient réunis sur le pavé d'or, et la vénérable Hèbè versait le nektar, et tous, buvant les coupes d'or, regardaient la ville des Troiens. Et le Kronide voulut irriter Hèrè par des paroles mordantes, et il dit :

– Deux déesses défendent Ménélaos, Hèrè l'Argienne et la protectrice Athènè ; mais elles restent assises et ne font que regarder, tandis qu'Aphroditè qui aime les sourires ne quitte jamais Alexandros et écarte de lui les kères. Et voici qu'elle l'a sauvé comme il allait périr. Mais la victoire est à Ménélaos cher à Arès. Songeons donc à ceci. Faut-il exciter de nouveau la guerre mauvaise et le rude combat, ou sceller l'alliance entre les deux peuples ? S'il plaît à tous les dieux, la ville du roi Priamos restera debout, et Ménélaos emmènera l'Argienne Hélénè.

Il parla ainsi, et les déesses Athènè et Hèrè se mordirent les lèvres, et, assises à côté l'une de l'autre, elles méditaient la destruction des Troiens. Et Athènè restait muette, irritée contre son père Zeus, et une sauvage colère la brûlait ; mais Hèrè ne put contenir la sienne et dit :

Très dur Kronide, quelle parole as-tu dite ? Veux-tu rendre vaines toutes mes fatigues et la sueur que j'ai suée ? J'ai lassé mes chevaux en rassemblant les peuples contre Priamos et contre ses enfants. Fais donc, mais les dieux ne t'approuveront pas.


- page 75 -

Et Zeus qui amasse les nuées, très irrité, lui dit :

– Malheureuse ! Quels maux si grands Priamos et les enfants de Priamos t'ont-ils causés, que tu veuilles sans relâche détruire la forte citadelle d'Ilios ? Si, dans ses larges murailles, tu pouvais dévorer Priamos et les enfants de Priamos et les autres Troiens, peut-être ta haine serait elle assouvie. Fais selon ta volonté, et que cette dissension cesse désormais entre nous. Mais je te dirai ceci, et garde mes paroles dans ton esprit : Si jamais je veux aussi détruire une ville habitée par des hommes qui te sont amis, ne t'oppose point à ma colère et laisse-moi agir, car c'est à contrecœur que je te livre celle-ci. De toutes les villes habitées par les hommes terrestres, sous Hélios et sous l'Ouranos étoilé, aucune ne m'est plus chère que la ville sacrée d'Ilios, où sont Priamos et le peuple de Priamos qui tient la lance. Là, mon autel n'a jamais manqué de nourriture, de libations, et de graisse ; car nous avons cet honneur en partage.

Et la vénérable Hèrè aux yeux de bœuf lui répondit :

– Certes, j'ai trois villes qui me sont très chères, Argos, Spartè et Mykènè aux larges rues. Détruis-les quand tu les haïras, et je ne les défendrai point ; mais je m'opposerais en vain à ta volonté, puisque tu es infiniment plus puissant. Il ne faut pas que tu rendes mes fatigues vaines. Je suis déesse aussi, et ma race est la tienne. Le subtil Kronos m'a engendrée, et je suis deux fois vénérable, par mon origine et parce que je suis ton épouse, à toi qui commandes à tous les immortels.

- page 76 -

Cédons-nous donc tour à tour, et les dieux immortels nous obéiront. Ordonne qu'Athènè se mêle au rude combat des Troiens et des Akhaiens. Qu'elle pousse les Troiens à outrager, les premiers, les fiers Akhaiens, malgré l'alliance jurée.

Elle parla ainsi, et le père des hommes et des dieux le voulut, et il dit à Athènè ces paroles ailées :

– Va très promptement au milieu des Troiens et des Akhaiens, et pousse les Troiens à outrager, les premiers, les fiers Akhaiens, malgré l'alliance jurée.

Ayant ainsi parlé, il excita Athènè déjà pleine de ce désir, et elle se précipita des sommets de l'Olympos. Comme un signe lumineux que le fils du subtil Kronos envoie aux marins et aux peuples nombreux, et d'où jaillissent mille étincelles, Pallas Athènè s'élança sur la terre et tomba au milieu des deux armées. Et sa vue emplit de frayeur les Troiens dompteurs de chevaux et les Akhaiens aux belles knèmides. Et ils se disaient entre eux : – Certes, la guerre mauvaise et le rude combat vont recommencer, ou Zeus va sceller l'alliance entre les deux peuples, car il règle la guerre parmi les hommes.’

Ils parlaient ainsi, et Athènè se mêla aux Troiens, semblable au brave Laodokos Anténoride, et cherchant Pandaros égal aux dieux.

- page 77 -

Et elle trouva debout le brave et irréprochable fils de Lykaôn, et, autour de lui, la foule des hardis porte boucliers qui l'avaient suivi des bords de l'Aisèpos. Et, s'étant approchée, Athènè lui dit en paroles ailées :

– Te laisseras-tu persuader par moi, brave fils de Lykaôn, et oserais-tu lancer une flèche rapide à Ménélaos ? Certes, tu serais comblé de gloire et de gratitude par tous les Troiens et surtout par le roi Alexandros. Et il te ferait de riches présents, s'il voyait le brave Ménélaos, fils d'Atreus, dompté par ta flèche et montant sur le bûcher funéraire. Courage ! Tire contre le noble Ménélaos, et promets une belle hécatombe à l'illustre archer Apollôn Lykien, quand tu seras de retour dans la citadelle de Zéléiè la sainte.

Athènè parla ainsi, et elle persuada l'insensé. Et il tira de l'étui un arc luisant, dépouille d'une chèvre sauvage et bondissante qu'il avait percée à la poitrine, comme elle sortait d'un creux de rocher. Et elle était tombée morte sur la pierre. Et ses cornes étaient hautes de seize palmes. Un excellent ouvrier les travailla, les polit et les dora à chaque extrémité. Et Pandaros, ayant bandé cet arc, le posa à terre, et ses braves compagnons le couvrirent de leurs boucliers, de peur que les fils des courageux Akhaiens vinssent à se ruer avant que le brave Ménélaos, chef des Akhaiens, ne fût frappé.


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Et Pandaros ouvrit le carquois et en tira une flèche neuve, ailée, source d'amères douleurs. Et il promit à l'illustre archer Apollôn Lykien une belle hécatombe d'agneaux premiers-nés, quand il serait de retour dans la citadelle de Zéléiè la sainte.

Et il saisit à la fois la flèche et le nerf de bœuf, et, les ayant attirés, le nerf toucha sa mamelle, et la pointe d'airain toucha l'arc, et le nerf vibra avec force, et la flèche aiguë s'élança, désirant voler au travers de la foule.

Mais les dieux heureux ne t'oublièrent point, Ménélaos ! Et la terrible fille de Zeus se tint la première devant toi pour détourner la flèche amère. Elle la détourna comme une mère chasse une mouche loin de son enfant enveloppé par le doux sommeil. Et elle la dirigea là où les anneaux d'or du baudrier forment comme une seconde cuirasse. Et la flèche amère tomba sur le solide baudrier, et elle le perça ainsi que la cuirasse artistement ornée et la mitre qui, par-dessous, garantissait la peau des traits. Et la flèche la perça aussi, et elle effleura la peau du héros, et un sang noir jaillit de la blessure.

Comme une femme Maionienne ou Karienne teint de pourpre l'ivoire destiné à orner le mors des chevaux, et qu'elle garde dans sa demeure, et que tous les cavaliers désirent, car il est l'ornement d'un roi, la parure du cheval et l'orgueil du cavalier, ainsi, Ménélaos, le sang rougit tes belles cuisses et tes jambes jusqu'aux chevilles.

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Et le roi des hommes, Agamemnôn, frémit de voir ce sang noir couler de la blessure ; et Ménélaos cher à Arès frémit aussi. Mais quand il vit que le fer de la flèche avait à peine pénétré, son cœur se raffermit ; et, au milieu de ses compagnons qui se lamentaient, Agamemnôn qui commande au loin, prenant la main de Ménélaos, lui dit en gémissant :

– Cher frère, c'était ta mort que je décidais par ce traité, en t'envoyant seul combattre les Troiens pour tous les Akhaiens, puisqu'ils t'ont frappé et ont foulé aux pieds des serments inviolables. Mais ces serments ne seront point vains, ni le sang des agneaux, ni les libations sacrées, ni le gage de nos mains unies. Si l'Olympien ne les frappe point maintenant, il les punira plus tard ; et ils expieront par des calamités terribles cette trahison qui retombera sur leurs têtes, sur leurs femmes et sur leurs enfants. Car je le sais, dans mon esprit, un jour viendra où la sainte Ilios périra, et Priamos, et le peuple de Priamos habile à manier la lance. Zeus Kronide qui habite l'aithèr agitera d'en haut sur eux sa terrible Aigide, indigné de cette trahison qui sera châtiée. Ô Ménélaos, ce serait une amère douleur pour moi si, accomplissant tes destinées, tu mourais. Couvert d'opprobre je retournerais dans Argos, car les Akhaiens voudraient aussitôt rentrer dans la terre natale, et nous abandonnerions l'Argienne Hélénè comme un triomphe à Priamos et aux Troiens. Et les orgueilleux Troiens diraient, foulant la tombe de l'illustre Ménélaos :


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MessageSujet: Re: L'Illiade   L'Illiade EmptyVen 20 Jan - 19:41

– Plaise aux dieux qu'Agamemnôn assouvisse toujours ainsi sa colère ! Il a conduit ici l'armée inutile des Akhaiens, et voici qu'il est retourné dans son pays bien-aimé, abandonnant le brave Ménèlaos !’

– Ils parleront ainsi un jour ; mais, alors, que la profonde terre m'engloutisse !

Et le blond Ménélaos, le rassurant, parla ainsi :

– Reprends courage, et n'effraye point le peuple des Akhaiens. Le trait aigu ne m'a point blessé à mort, et le baudrier m'a préservé, ainsi que la cuirasse, le tablier et la mitre que de bons armuriers ont forgée.

Et Agamemnôn qui commande au loin, lui répondant, parla ainsi :

– Plaise aux dieux que cela soit, ô cher Ménélaos ! Mais un médecin soignera ta blessure et mettra le remède qui apaise les noires douleurs.

Il parla ainsi, et appela le héraut divin Talthybios :

– Talthybios, appelle le plus promptement possible l'irréprochable médecin Makhaôn Asklépiade, afin qu'il voie le brave Ménélaos, prince des Akhaiens, qu'un habile archer Troien ou Lykien a frappé d'une flèche. Il triomphe, et nous sommes dans le deuil.


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Il parla ainsi, et le héraut lui obéit. Et il chercha, parmi le peuple des Akhaiens aux tuniques d'airain, le héros Makhaôn, qu'il trouva debout au milieu de la foule belliqueuse des porte boucliers qui l'avaient suivi de Trikkè, nourrice de chevaux. Et, s'approchant, il dit ces paroles ailées :

– Lève-toi, Asklépiade ! Agamemnôn, qui commande au loin, t'appelle, afin que tu voies le brave Ménélaos, fils d'Atreus, qu'un habile archer Troien ou Lykien a frappé d'une flèche. Il triomphe, et nous sommes dans le deuil.

Il parla ainsi, et le cœur de Makhaôn fut ému dans sa poitrine. Et ils marchèrent à travers l'armée immense des Akhaiens ; et quand ils furent arrivés à l'endroit où le blond Ménélaos avait été blessé et était assis, égal aux dieux, en un cercle formé par les princes, aussitôt Makhaôn arracha le trait du solide baudrier, en ployant les crochets aigus ; et il détacha le riche baudrier, et le tablier et la mitre que de bons armuriers avaient forgée. Et, après avoir examiné la plaie faite par la flèche amère, et sucé le sang, il y versa adroitement un doux baume que Khirôn avait autrefois donné à son père qu'il aimait.

Et tandis qu'ils s'empressaient autour de Ménélaos hardi au combat, l'armée des Troiens, porteurs de boucliers, s'avançait, et les Akhaiens se couvrirent de nouveau de leurs armes, désirant combattre.


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Et le divin Agamemnôn n'hésita ni se ralentit, mais il se prépara en hâte pour la glorieuse bataille. Et il laissa ses chevaux et son char orné d'airain ; et le serviteur Eurymédôn, fils de Ptolémaios Peiraide, les retint à l'écart, et l'Atréide lui ordonna de ne point s'éloigner, afin qu'il pût monter dans le char, si la fatigue l'accablait pendant qu'il donnait partout ses ordres. Et il marcha à travers la foule des hommes. Et il encourageait encore ceux des Danaens aux rapides chevaux, qu'il voyait pleins d'ardeur :

– Argiens ! ne perdez rien de cette ardeur impétueuse, car le père Zeus ne protégera point le parjure. Ceux qui, les premiers, ont violé nos traités, les vautours mangeront leur chair ; et, quand nous aurons pris leur ville, nous emmènerons sur nos nefs leurs femmes bien-aimées et leurs petits enfants.

Et ceux qu'il voyait lents au rude combat, il leur disait ces paroles irritées :

– Argiens promis à la pique ennemie ! lâches, n'avez-vous point de honte ? Pourquoi restez-vous glacés de peur, comme des biches qui, après avoir couru à travers la vaste plaine, s'arrêtent épuisées et n'ayant plus de force au cœur ? C'est ainsi que, glacés de peur, vous vous arrêtez et ne combattez point. Attendez-vous que les Troiens pénètrent jusqu'aux nefs aux belles poupes, sur le rivage de la blanche mer, et que le Kroniôn vous aide ?


- page 83 -

C'est ainsi qu'il donnait ses ordres en parcourant la foule des hommes. Et il parvint là où les Krètois s'armaient autour du brave Idoméneus. Et Idoméneus, pareil à un fort sanglier, était au premier rang ; et Mèrionès hâtait les dernières phalanges. Et le roi des hommes, Agamemnôn, ayant vu cela, s'en réjouit et dit à Idoméneus ces paroles flatteuses :

– Idoméneus, certes, je t'honore au-dessus de tous les Danaens aux rapides chevaux, soit dans le combat, soit dans les repas, quand les princes des Akhaiens mêlent le vin vieux dans les kratères. Et si les autres Akhaiens chevelus boivent avec mesure, ta coupe est toujours aussi pleine que la mienne, et tu bois selon ton désir. Cours donc au combat, et sois tel que tu as toujours été.

Et le prince des Krètois, Idoméneus, lui répondit :

Atréide, je te serai toujours fidèle comme je te l'ai promis. Va ! encourage les autres Akhaiens chevelus, afin que nous combattions promptement, puisque les Troiens ont violé nos traités. La mort et les calamités les accableront, puisque, les premiers, ils se sont parjurés.

Il parla ainsi, et l'Atréide s'éloigna, plein de joie. Et il alla vers les Aias, à travers la foule des hommes. Et les Aias s'étaient armés, suivis d'un nuage de guerriers.

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Comme une nuée qu'un chevrier a vue d'une hauteur, s'élargissant sur la mer, sous le souffle de Zéphyros, et qui, par tourbillons épais, lui apparaît de loin plus noire que la poix, de sorte qu'il s'inquiète et pousse ses chèvres dans une caverne ; de même les noires phalanges hérissées de boucliers et de piques des jeunes hommes nourrissons de Zeus se mouvaient derrière les Aias pour le rude combat. Et Agamemnôn qui commande au loin, les ayant vus, se réjouit et dit ces paroles ailées :

– Aias ! Princes des Argiens aux tuniques d'airain, il ne serait point juste de vous ordonner d'exciter vos hommes, car vous les pressez de combattre bravement. Père Zeus ! Athènè ! Apollôn ! que votre courage emplisse tous les cœurs ! Bientôt la ville du roi Priamos, s'il en était ainsi, serait renversée, détruite et saccagée par nos mains.

Ayant ainsi parlé, il les laissa et marcha vers d'autres. Et il trouva Nestôr, l'harmonieux agorète des Pyliens, qui animait et rangeait en bataille ses compagnons autour du grand Pélagôn, d'Alastôr, de Khromios, de Haimôn et de Bias, prince des peuples. Et il rangeait en avant les cavaliers, les chevaux et les chars, et en arrière les fantassins braves et nombreux, pour être le rempart de la guerre, et les lâches au milieu, afin que chacun d'eux combattît forcément. Et il enseignait les cavaliers, leur ordonnant de contenir les chevaux et de ne point courir au hasard dans la mêlée :


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– Que nul ne s'élance en avant des autres pour combattre les Troiens, et que nul ne recule, car vous serez sans force. Que le guerrier qui abandonnera son char pour un autre combatte plutôt de la pique, car ce sera pour le mieux, et c'est ainsi que les hommes anciens, qui ont eu ce courage et cette prudence, ont renversé les villes et les murailles.

Et le vieillard les exhortait ainsi, étant habile dans la guerre depuis longtemps. Et Agamemnôn qui commande au loin, l'ayant vu, se réjouit et lui dit ces paroles ailées :

– Ô vieillard ! plût aux dieux que tes genoux eussent autant de vigueur, que tu eusses autant de force que ton cœur a de courage ! Mais la vieillesse, qui est la même pour tous, t'accable. Plût aux dieux qu'elle accablât plutôt tout autre guerrier, et que tu fusses des plus jeunes

Et le cavalier Gérennien Nestôr lui répondit :

– Certes, Atréide, je voudrais être encore ce que j'étais quand je tuai le divin Éreuthaliôn. Mais les dieux ne prodiguent point tous leurs dons aux hommes. Alors, j'étais jeune, et voici que la vieillesse s'est emparée de moi. Mais tel que je suis, je me mêlerai aux cavaliers et je les exciterai par mes conseils et par mes paroles, car c'est la part des vieillards.


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Il parla ainsi, et l'Atréide, joyeux, alla plus loin. Et il trouva le cavalier Ménèstheus immobile, et autour de lui les Athènaiens belliqueux, et, auprès, le subtil Odysseus, et autour de ce dernier la foule hardie des Képhallèniens. Et ils n'avaient point entendu le cri de guerre, car les phalanges des Troiens dompteurs de chevaux et des Akhaiens commençaient de s'ébranler. Et ils se tenaient immobiles, attendant que d'autres phalanges Akhaiennes, s'élançant contre les Troiens, commençassent le combat. Et Agamemnôn, les ayant vus, les injuria et leur dit ces paroles ailées :

– Ô fils de Pétéos, d'un roi issu de Zeus, et toi, qui es toujours plein de ruses subtiles, pourquoi, saisis de terreur, attendez-vous que d'autres combattent ? Il vous appartenait de courir en avant dans le combat furieux, ainsi que vous assistez les premiers à mes festins, où se réunissent les plus vénérables des Akhaiens. Là, sans doute, il vous est doux de manger des viandes rôties et de boire des coupes de bon vin autant qu'il vous plaît. Et voici que, maintenant, vous verriez avec joie dix phalanges des Akhaiens combattre avant vous, armées de l'airain meurtrier !

Et le subtil Odysseus, avec un sombre regard, lui répondit :

– Atréide, quelle parole s'est échappée de ta bouche ? Comment oses-tu dire que nous hésitons devant le combat ?

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Lorsque nous pousserons le rude Arès contre les Troiens dompteurs de chevaux, tu verras, si tu le veux, et si cela te plaît le père bien-aimé de Tèlémakhos au milieu des Troiens dompteurs de chevaux. Mais tu as dit une parole vaine.

Et Agamemnôn qui commande au loin, le voyant irrité, sourit, et, se rétractant, lui répondit :

– Subtil Odysseus, divin Laertiade, je ne veux t'adresser ni injures ni reproches. Je sais que ton cœur, dans ta poitrine, est plein de desseins excellents, car tes pensées sont les miennes. Nous réparerons ceci, si j'ai mal parlé. Va donc, et que les dieux rendent mes paroles vaines !

Ayant ainsi parlé, il les laissa et alla vers d'autres. Et il trouva Diomèdès, l'orgueilleux fils de Tydeus, immobile au milieu de ses chevaux et de ses chars solides. Et Sthénélos, fils de Kapaneus, était auprès de lui. Et Agamemnôn qui commande au loin, les ayant vus, l'injuria et lui dit ces paroles ailées :

– Ah ! fils du brave Tydeus dompteur de chevaux, pourquoi trembles-tu et regardes-tu entre les rangs ? Certes, Tydeus n'avait point coutume de trembler, mais il combattait hardiment l'ennemi, et hors des rangs, en avant de ses compagnons. Je ne l'ai point vu dans la guerre, mais on dit qu'il était au-dessus de tous. Il vint à Mykènè avec Polyneikès égal aux dieux, pour rassembler les peuples et faire une expédition contre les saintes murailles de Thèbè.

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Et ils nous conjuraient de leur donner de courageux alliés, et tous y consentaient, mais les signes contraires de Zeus nous en empêchèrent. Et ils partirent, et quand ils furent arrivés auprès de l'Asopos plein de joncs et d'herbes, Tydeus fut l'envoyé des Akhaiens. Et il partit, et il trouva les Kadméiônes, en grand nombre, mangeant dans la demeure de la force Étéokléenne. Et là, le cavalier Tydeus ne fut point effrayé, bien qu'étranger et seul au milieu des nombreux Kadméiônes. Et il les provoqua aux luttes et les vainquit aisément, car Athènè le protégeait. Mais les cavaliers Kadméiônes, pleins de colère, lui dressèrent, à son départ, une embuscade de nombreux guerriers' commandés par Maiôn Haimonide, tel que les immortels, et par Lyképhontès, hardi guerrier, fils d'Autophonos. Et Tydeus les tua tous et n'en laissa revenir qu'un seul. Obéissant aux signes des dieux, il laissa revenir Maiôn. Tel était Tydeus l'Aitôlien ; mais il a engendré un fils qui ne le vaut point dans le combat, s'il parle mieux dans l'Agora.


Il parla ainsi, et le brave Diomèdès ne répondit rien, plein de respect pour le roi vénérable. Mais le fils de l'illustre Kapaneus répondit à l'Atréide :

– Atréide, ne mens point, sachant que tu mens. Certes nous nous glorifions de valoir beaucoup mieux que nos pères, nous qui, confiants dans les signes des dieux, et avec l'aide de Zeus, avons pris Thèbè aux sept portes, ayant conduit sous ses fortes murailles des peuples moins nombreux.

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Nos pères ont péri par leurs propres fautes. Ne compare donc point leur gloire à la nôtre.

Et le robuste Diomèdès, avec un sombre regard, lui répondit :

– Ami, tais-toi et obéis. Je ne m'irrite point de ce que le prince des peuples, Agamemnôn, excite les Akhaiens aux belles knèmides à combattre ; car si les Akhaiens détruisent les Troiens et prennent la sainte Ilios, il en aura la gloire ; mais si les Akhaiens sont détruits, il en portera le deuil. Occupons-nous tous deux de la guerre impétueuse.

Il parla ainsi, et sauta de son char à terre avec ses armes, et l'airain retentit terriblement sur la poitrine du roi, et ce bruit aurait troublé le cœur du plus brave.

Et comme le flot de la mer roule avec rapidité vers le rivage, poussé par Zéphyros, et, se gonflant d'abord sur la haute mer, se brise violemment contre terre, et se hérisse autour des promontoires en vomissant l'écume de la mer, de même les phalanges pressées des Danaens se ruaient au combat. Et chaque chef donnait ses ordres, et le reste marchait en silence. On eût dit une grande multitude muette, pleine de respect pour ses chefs. Et les armes brillantes resplendissaient tandis qu'ils marchaient en ordre. Mais, tels que les nombreuses brebis d'un homme riche, et qui bêlent sans cesse à la voix des agneaux, tandis qu'on trait leur lait blanc dans l'étable, les Troiens poussaient des cris confus et tumultueux de tous les points de la vaste armée.

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MessageSujet: Re: L'Illiade   L'Illiade EmptyVen 20 Jan - 19:42

Et leurs cris étaient poussés en beaucoup de langues diverses, par des hommes venus d'un grand nombre de pays lointains.

Et Arès excitait les uns, et Athènè aux yeux clairs excitait les autres, et partout allaient la crainte et la terreur et la furieuse et insatiable Éris, sœur et compagne d'Arès tueur d'hommes, et qui, d'abord, est faible, et qui, les pieds sur la terre, porte bientôt sa tête dans l'Ouranos. Et elle s'avançait à travers la foule, éveillant la haine et multipliant les gémissements des hommes.

Et quand ils se furent rencontrés, ils mêlèrent leurs boucliers, leurs piques et la force des hommes aux cuirasses d'airain ; et les boucliers bombés se heurtèrent, et un vaste tumulte retentit. Et on entendait les cris de victoire et les hurlements des hommes qui renversaient ou étaient renversés, et le sang inondait la terre. Comme des fleuves, gonflés par l'hiver, tombent du haut des montagnes et mêlent leurs eaux furieuses dans une vallée qu'ils creusent profondément, et dont un berger entend de loin le fracas, de même le tumulte des hommes confondus roulait.

Et, le premier, Antilokhos tua Ekhépôlos Thalysiade, courageux Troien, brave entre tous ceux qui combattaient en avant. Et il le frappa au casque couvert de crins épais, et il perça le front, et la pointe d'airain entra dans l'os. Et le Troien tomba comme une tour dans le rude combat.

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Et le roi Elphènôr Khalkodontiade, prince des magnanimes Abantes, le prit par les pieds pour le traîner à l'abri des traits et le dépouiller de ses armes ; mais sa tentative fut brève, car le magnanime Agènôr, l'ayant vu traîner le cadavre, le perça au côté, d'une pique d'airain, sous le bouclier, tandis qu'il se courbait, et le tua. Et, sur lui, se rua un combat furieux de Troiens et d'Akhaiens ; et, comme des loups, ils se jetaient les uns sur les autres, et chaque guerrier en renversait un autre.

C'est là qu'Aias Télamônien tua Simoéisios, fils d'Anthémiôn, jeune et beau, et que sa mère, descendant de l'Ida pour visiter ses troupeaux avec ses parents, avait enfanté sur les rives du Simoéis, et c'est pourquoi on le nommait Simoéisios. Mais il ne rendit pas à ses parents bien-aimés le prix de leurs soins, car sa vie fut brève, ayant été dompté par la pique du magnanime Aias. Et celui-ci le frappa à la poitrine, près de la mamelle droite, et la pique d'airain sortit par l'épaule. Et Simoéisios tomba dans la poussière comme un peuplier dont l'écorce est lisse, et qui, poussant au milieu d'un grand marais, commence à se couvrir de hauts rameaux, quand un constructeur de chars le tranche à l'aide du fer aiguisé pour en faire la roue d'un beau char ; et il gît, flétri, aux bords du fleuve. Et le divin Aias dépouilla ainsi Simoéisios Anthémionide.

Et le Priamide Antiphos à la cuirasse éclatante, du milieu de la foule, lança contre Aias sa pique aiguë ; mais elle le manqua et frappa à l'aine Leukos, brave compagnon d'Odysseus, tandis qu'il traînait le cadavre, et le cadavre lui échappa des mains.

- page 92 -

Et Odysseus, irrité de cette mort, s'avança, armé de l'airain éclatant, au-delà des premiers rangs, regardant autour de lui et agitant sa pique éclatante. Et les Troiens reculèrent devant l'homme menaçant ; mais il ne lança point sa pique en vain, car il frappa Dèmokoôn, fils naturel de Priamos, et qui était venu d'Abydos avec ses chevaux rapides. Et Odysseus, vengeant son compagnon, frappa Dèmokoôn à la tempe, et la pointe d'airain sortit par l'autre tempe, et l'obscurité couvrit ses yeux. Et il tomba avec bruit, et ses armes retentirent. Et les Troiens les plus avancés reculèrent, et même l'illustre Hektôr. Et les Akhaiens poussaient de grands cris, entraînant les cadavres et se ruant en avant. Et Apollôn s'indigna, les ayant vus du faîte de Pergamos, et d'une voix haute il excita les Troiens :

– Troiens, dompteurs de chevaux, ne le cédez point aux Akhaiens. Leur peau n'est ni de pierre ni de fer pour résister, quand elle en est frappée, à l'airain qui coupe la chair. Akhilleus, le fils de Thétis à la belle chevelure, ne combat point ; il couve, près de ses nefs, la colère qui lui ronge le cœur

Ainsi parla le dieu terrible du haut de la citadelle. Et Tritogénéia, la glorieuse fille de Zeus, marchant au travers de la foule, excitait les Akhaiens là où ils reculaient.

Et la Moire saisit Diôrès Amarynkéide, et il fut frappé à la cheville droite d'une pierre anguleuse.

- page 93 -

Et ce fut l'Imbraside Peiros, prince des Thrakiens, et qui était venu d'Ainos, qui le frappa. Et la pierre rude fracassa les deux tendons et les os. Et Diôrès tomba à la renverse dans la poussière, étendant les mains vers ses compagnons et respirant à peine. Et Peiros accourut et enfonça sa pique près du nombril, et les intestins se répandirent à terre, et l'obscurité couvrit ses yeux. Et comme Peiros s'élançait, l'Aitôlien Moas le frappa de sa pique dans la poitrine, au-dessus de la mamelle, et l'airain traversa le poumon. Puis il accourut, arracha de la poitrine la pique terrible, et, tirant son épée aiguë, il ouvrit le ventre de l'homme et le tua. Mais il ne le dépouilla point de ses armes, car les Thrakiens aux cheveux ras et aux longues lances entourèrent leur chef, et repoussèrent Moas, tout robuste, hardi et grand qu'il était. Et il recula loin d'eux. Ainsi les deux chefs, l'un des Thrakiens, l'autre des Épéiens aux tuniques d'airain, étaient couchés côte à côte dans la poussière, et les cadavres s'amassaient autour d'eux.

Si un guerrier, sans peur du combat, et que l'airain aigu n'eût encore ni frappé ni blessé, eût parcouru la mêlée furieuse, et que Pallas Athènè l'eût conduit par la main, écartant de lui l'impétuosité des traits, certes, il eût vu, en ce jour, une multitude de Troiens et d'Akhaiens renversés et couchés confusément sur la poussière.

- page 94 -

Alors, Pallas Athènè donna la force et l'audace au Tydéide Diomèdès, afin qu'il s'illustrât entre tous les Argiens et remportât une grande gloire. Et elle fit jaillir de son casque et de son bouclier un feu inextinguible, semblable à l'étoile de l'automne qui éclate et resplendit hors de l'Okéanos. Tel ce feu jaillissait de sa tête et de ses épaules. Et elle le poussa dans la mêlée où tous se ruaient tumultueusement.

Parmi les Troiens vivait Darès, riche et irréprochable sacrificateur de Hèphaistos, et il avait deux fils, Phygeus et Idaios, habiles à tous les combats. Et tous deux, sur un même char, se ruèrent contre le Tydéide, qui était à pied. Et, lorsqu'ils se furent rapprochés, Phygeus, le premier, lança sa longue pique, et la pointe effleura l'épaule gauche du Tydéide, mais il ne le blessa point. Et celui-ci, à son tour, lança sa pique, et le trait ne fut point inutile qui partit de sa main, car il s'enfonça dans la poitrine, entre les mamelles, et jeta le guerrier à bas. Et Idaios s'enfuit, abandonnant son beau char et n'osant défendre son frère tué. Certes, il n'eût point, pour cela, évité la noire mort ; mais Hèphaistos, l'ayant enveloppé d'une nuée, l'enleva, afin que la vieillesse de leur vieux père ne fût point désespérée. Et le fils du magnanime Tydeus saisit leurs chevaux, qu'il remit à ses compagnons pour être conduits aux nefs creuses.

Et les magnanimes Troiens, voyant les deux fils de Darès, l'un en fuite et l'autre mort auprès de son char, furent troublés jusqu'au fond de leurs cœurs.

- page 95 -

Mais Athènè aux yeux clairs, saisissant le furieux Arès par la main, lui parla ainsi :

– Arès, Arès, fléau des hommes, tout sanglant, et qui renverses les murailles, ne laisserons-nous point combattre les Troiens et les Akhaiens ? Que le père Zeus accorde la gloire à qui il voudra. Retirons-nous et évitons la colère de Zeus.

Ayant ainsi parlé, elle conduisit le furieux Arès hors du combat et le fit asseoir sur la haute rive du Skamandros. Et les Danaens repoussèrent les Troiens. Chacun des chefs tua un guerrier. Et, le premier, le roi Agamemnôn précipita de son char le grand Odios, chef des Alizônes. Comme celui-ci fuyait, il lui enfonça sa pique dans le dos, entre les épaules, et elle traversa la poitrine, et les armes d'Odios résonnèrent dans sa chute.

Et Idoméneus tua Phaistos, fils du Maiônien Bôros, qui était venu de la fertile Tarnè, l'illustre Idoméneus le perça à l'épaule droite, de sa longue pique, comme il montait sur son char. Et il tomba, et une ombre affreuse l'enveloppa, et les serviteurs d'Idoméneus le dépouillèrent.

Et l'Atréide Ménélaos tua de sa pique aiguë Skamandrios habile à la chasse, fils de Strophios. C'était un excellent chasseur qu'Artémis avait instruit elle-même à percer les bêtes fauves, et qu'elle avait nourri dans les bois, sur les montagnes.

- page 96 -

Mais ni son habileté à lancer les traits, ni Artémis qui se réjouit de ses flèches, ne lui servirent. Comme il fuyait, l'illustre Atréide Ménélaos le perça de sa pique dans le dos, entre les deux épaules, et lui traversa la poitrine. Et il tomba sur la face, et ses armes résonnèrent.

Et Mèrionès tua Phéréklos, fils du charpentier Harmôn, qui fabriquait adroitement toute chose de ses mains et que Pallas Athènè aimait beaucoup. Et c'était lui qui avait construit pour Alexandros ces nefs égales qui devaient causer tant de maux aux Troiens et à lui-même ; car il ignorait les oracles des dieux. Et Mèrionès, poursuivant Phéréklos, le frappa à la fesse droite, et la pointe pénétra dans l'os jusque dans la vessie. Et il tomba en gémissant, et la mort l'enveloppa.

Et Mégès tua Pèdaios, fils illégitime d'Antènôr, mais que la divine Théanô avait nourri avec soin au milieu de ses enfants bien-aimés, afin de plaire à son mari. Et l'illustre Phyléide, s'approchant de lui, le frappa de sa pique aiguë derrière la tête. Et l'airain, à travers les dents, coupa la langue, et il tomba dans la poussière en serrant de ses dents le froid airain.

Et l'Évaimonide Eurypylos tua le divin Hypsènôr, fils du magnanime Dolopiôn, sacrificateur du Skamandros, et que le peuple honorait comme un dieu. Et l'illustre fils d'Évaimôn, Eurypylos, se ruant sur lui, comme il fuyait, le frappa de l'épée à l'épaule et lui coupa le bras, qui tomba sanglant et lourd.

- page 97 -

Et la mort pourprée et la Moire violente emplirent ses yeux.

Tandis qu'ils combattaient ainsi dans la rude mêlée, nul n'aurait pu reconnaître si le Tydéide était du côté des Troiens ou du côté des Akhaiens. Il courait à travers la plaine, semblable à un fleuve furieux et débordé qui roule impétueusement et renverse les ponts. Ni les digues ne l'arrêtent, ni les enclos des vergers verdoyants, car la pluie de Zeus abonde, et les beaux travaux des jeunes hommes sont détruits. Ainsi les épaisses phalanges des Troiens se dissipaient devant le Tydéide, et leur multitude ne pouvait soutenir son choc.

Et l'illustre fils de Lykaôn, l'ayant aperçu se ruant par la plaine et dispersant les phalanges, tendit aussitôt contre lui son arc recourbé, et, comme il s'élançait, le frappa à l'épaule droite, au défaut de la cuirasse. Et la flèche acerbe vola en sifflant et s'enfonça, et la cuirasse ruissela de sang. Et l'illustre fils de Lykaôn s'écria d'une voix haute :

– Courage, Troiens, cavaliers magnanimes ! Le plus brave des Akhaiens est blessé, et je ne pense pas qu'il supporte longtemps ma flèche violente, s'il est vrai que le roi, fils de Zeus, m'ait poussé à quitter la Lykiè.

Il parla ainsi orgueilleusement, mais la flèche rapide n'avait point tué le Tydéide, qui, reculant, s'arrêta devant ses chevaux et son char, et dit à Sthénélos, fils de Kapaneus :


- page 98 -

– Hâte-toi, ami Kapanéide ! Descends du char et retire cette flèche amère.

Il parla ainsi, et Sthénélos, sautant à bas du char, arracha de l'épaule la flèche rapide. Et le sang jaillit sur la tunique, et Diomèdès hardi au combat pria ainsi :

– Entends-moi, fille indomptée de Zeus tempétueux ! Si jamais tu nous as protégés, mon père et moi, dans la guerre cruelle, Athènè ! secours-moi de nouveau. Accorde-moi de tuer ce guerrier. Amène-le au-devant de ma pique impétueuse, lui qui m'a blessé le premier, et qui s'en glorifie, et qui pense que je ne verrai pas longtemps encore la splendide lumière de Hélios.

Il parla ainsi en priant, et Pallas Athènè l'exauça. Elle rendit tous ses membres, et ses pieds et ses mains plus agiles ; et s'approchant, elle lui dit en paroles ailées :

– Reprends courage, ô Diomèdès, et combats contre les Troiens, car j'ai mis dans ta poitrine l'intrépide vigueur que possédait le porte-bouclier, le cavalier Tydeus. Et j'ai dissipé le nuage qui était sur tes yeux, afin que tu reconnaisses les dieux et les hommes. Si un immortel venait te tenter, ne lutte point contre les dieux immortels ; mais si Aphroditè, la fille de Zeus, descendait dans la mêlée, frappe-la de l'airain aigu.


- page 99 -

Ayant ainsi parlé, Athènè aux yeux clairs s'éloigna, et le Tydéide retourna à la charge, mêlé aux premiers rangs. Et, naguère, il était, certes, plein d'ardeur pour combattre les Troiens, mais son courage est maintenant trois fois plus grand. Il est comme un lion qui, dans un champ où paissaient des brebis laineuses, au moment où il sautait vers l'étable, a été blessé par un pâtre, et non tué. Cette blessure accroît ses forces. Il entre dans l'étable et disperse les brebis, qu'on n'ose plus défendre. Et celles-ci gisent égorgées, les unes sur les autres ; et le lion bondit hors de l'enclos. Ainsi le brave Diomèdès se rua sur les Troiens.

Alors, il tua Astynoos et Hypeirôn, princes des peuples. Et il perça l'un, de sa pique d'airain, au-dessus de la mamelle ; et, de sa grande épée, il brisa la clavicule de l'autre et sépara la tête de l'épaule et du dos. Puis, les abandonnant, il se jeta sur Abas et Polyeidos, fils du vieux Eurydamas, interprète des songes. Mais le vieillard ne les avait point consultés au départ de ses enfants. Et le brave Diomèdès les tua.

Et il se jeta sur Xanthos et Thoôn, fils tardifs de Phainopos, qui les avait eus dans sa triste vieillesse, et qui n'avait point engendré d'autres enfants à qui il pût laisser ses biens. Et le Tydéide les tua, leur arrachant l'âme et ne laissant que le deuil et les tristes douleurs à leur père, qui ne devait point les revoir vivants au retour du combat, et dont l'héritage serait partagé selon la loi.


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MessageSujet: Re: L'Illiade   L'Illiade EmptyVen 20 Jan - 19:42

Et Diomèdès saisit deux fils du Dardanide Priamos, montés sur un même char, Ekhémôn et Khromios. Comme un lion, bondissant sur des bœufs, brise le cou d'une génisse ou d'un taureau paissant dans les bois, ainsi le fils de Tydeus, les renversant tous deux de leur char, les dépouilla de leurs armes et remit leurs chevaux à ses compagnons pour être conduits aux nefs.

Mais Ainéias, le voyant dissiper les lignes des guerriers, s'avança à travers la mêlée et le bruissement des piques, cherchant de tous côtés le divin Pandaros. Et il rencontra le brave et irréprochable fils de Lykaôn, et, s'approchant, il lui dit :

– Pandaros ! où sont ton arc et tes flèches ? Et ta gloire, quel guerrier pourrait te la disputer ? Qui pourrait, en Lykiè, se glorifier de l'emporter sur toi ? Allons, tends les mains vers Zeus et envoie une flèche à ce guerrier. Je ne sais qui il est, mais il triomphe et il a déjà infligé de grands maux aux Troiens. Déjà il a fait ployer les genoux d'une multitude de braves. Peut-être est-ce un dieu irrité contre les Troiens à cause de sacrifices négligés. Et la colère d'un dieu est lourde.

Et l'illustre fils de Lykaôn lui répondit :

– Ainéias, conseiller des Troiens revêtus d'airain, je crois que ce guerrier est le Tydéide. Je le reconnais à son bouclier, à son casque aux trois cônes et à ses chevaux.

- page 101 -

Cependant, je ne sais si ce n'est point un dieu. Si ce guerrier est le brave fils de Tydeus, comme je l'ai dit, certes, il n'est point ainsi furieux sans l'appui d'un dieu. Sans doute, un des immortels, couvert d'une nuée, se tient auprès de lui et détourne les flèches rapides. Déjà je l'ai frappé d'un trait à l'épaule droite, au défaut de la cuirasse. J'étais certain de l'avoir envoyé chez Aidès, et voici que je ne l'ai point tué. Sans doute quelque dieu est irrité contre nous. Ni mes chevaux ni mon char ne sont ici. J'ai, dans les demeures de Lykaôn, onze beaux chars tout neufs, couverts de larges draperies. Auprès de chacun d'eux sont deux chevaux qui paissent l'orge et l'avoine. Certes, le belliqueux vieillard Lykaôn, quand je partis de mes belles demeures, me donna de nombreux conseils. Il m'ordonna, monté sur mon char et traîné par mes chevaux, de devancer tous les Troiens dans les mâles combats. J'aurais mieux fait d'obéir ; mais je ne le voulus point, désirant épargner mes chevaux accoutumés à manger abondamment, et de peur qu'ils manquassent de nourriture au milieu de guerriers assiégés. Je les laissai, et vins à pied vers Ilios, certain de mon arc, dont je ne devais pas me glorifier cependant. Déjà, je l'ai tendu contre deux chefs, l'Atréide et le Tydéide, et je les ai blessés, et j'ai fait couler leur sang, et je n'ai fait que les irriter. Certes, ce fut par une mauvaise destinée que je détachais du mur cet arc recourbé, le jour funeste où je vins, dans la riante Ilios, commander aux Troiens, pour plaire au divin Hektôr. Si je retourne jamais, et si je revois de mes yeux ma patrie et ma femme et ma haute demeure, qu'aussitôt un ennemi me coupe la tête, si je ne jette, brisé de mes mains, dans le feu éclatant, cet arc qui m'aura été un compagnon inutile !


- page 102 -

Et le chef des Troiens, Ainéias, lui répondit :

– Ne parle point tant. Rien ne changera si nous ne poussons à cet homme, sur notre char et nos chevaux, et couverts de nos armes. Tiens ! monte sur mon char, et vois quels sont les chevaux de Trôs, habiles à poursuivre ou à fuir rapidement dans la plaine. Ils nous ramèneront saufs dans la ville, si Zeus donne la victoire au Tydéide Diomèdès. Viens ! saisis le fouet et les belles rênes, et je descendrai pour combattre ; ou combats toi-même, et je guiderai les chevaux.

Et l'illustre fils de Lykaôn lui répondit :

– Ainéias, charge-toi des rênes et des chevaux. Ils traîneront mieux le char sous le conducteur accoutumé, si nous prenions la fuite devant le fils de Tydeus. Peut-être, pleins de terreur, resteraient-ils inertes et ne voudraient-ils plus nous emporter hors du combat, n'entendant plus ta voix.

Ayant ainsi parlé, ils montèrent sur le char brillant et poussèrent les chevaux rapides contre le Tydéide. Et l'illustre fils de Kapaneus, Sthénélos, les vit ; et aussitôt il dit au Tydéide ces paroles ailées :

– Tydéide Diomèdès, le plus cher à mon âme, je vois deux braves guerriers qui se préparent à te combattre. Tous deux sont pleins de force. L'un est l'habile archer Pandaros, qui se glorifie d'être le fils de Lykaôn.

- page 103 -

L'autre est Ainéias, qui se glorifie d'être le fils du magnanime Ankhisès, et qui a pour mère Aphroditè elle-même. Reculons donc, et ne te jette point en avant, si tu ne veux perdre ta chère âme.

Et le brave Diomèdès, le regardant d'un œil sombre, lui répondit :

– Ne parle point de fuir, car je ne pense point que tu me persuades. Ce n'est point la coutume de ma race de fuir et de trembler. Je possède encore toutes mes forces. J'irai au-devant de ces guerriers. Pallas Athènè ne me permet point de craindre. Leurs chevaux rapides ne nous les arracheront point tous deux, si, du moins, un seul en réchappe. Mais je te le dis, et souviens-toi de mes paroles : si la sage Athènè me donnait la gloire de les tuer tous deux, arrête nos chevaux rapides, attache les rênes au char, cours aux chevaux d'Ainéias et pousse-les parmi les Akhaiens aux belles knèmides. Ils sont de la race de ceux que le prévoyant Zeus donna à Trôs en échange de son fils Ganymèdès, et ce sont les meilleurs chevaux qui soient sous Éôs et Hélios. Le roi des hommes, Ankhisès, à l'insu de Laomédôn, fit saillir des cavales par ces étalons, et il en eut six rejetons. Il en retient quatre qu'il nourrit à la crèche, et il a donné ces deux-ci, rapides à la fuite, à Ainéias. Si nous les enlevons, nous remporterons une grande gloire.

Pendant qu'ils se parlaient ainsi, les deux Troiens poussaient vers eux leurs chevaux rapides, et le premier, l'illustre fils de Lykaôn, s'écria :


- page 104 -

– Très brave et très excellent guerrier, fils de l'illustre Tydeus, mon trait rapide, ma flèche amère, ne t'a point tué ; mais je vais tenter de te percer de ma pique.

Il parla, et, lançant sa longue pique, frappa le bouclier du Tydéide. La pointe d'airain siffla et s'enfonça dans la cuirasse, et l'illustre fils de Lykaôn cria à voix haute :

– Tu es blessé dans le ventre ! Je ne pense point que tu survives longtemps, et tu vas me donner une grande gloire.

Et le brave Diomèdès lui répondit avec calme :

– Tu m'as manqué, loin de m'atteindre ; mais je ne pense pas que vous vous reposiez avant qu'un de vous, au moins, ne tombe et ne rassasie de son sang Arès, l'audacieux combattant.

Il parla ainsi, et lança sa pique. Et Athènè la dirigea au-dessus du nez, auprès de l'œil, et l'airain indompté traversa les blanches dents, coupa l'extrémité de la langue et sortit sous le menton. Et Pandaros tomba du char, et ses armes brillantes, aux couleurs variées, résonnèrent sur lui, et les chevaux aux pieds rapides frémirent, et la vie et les forces de l'homme furent brisées.

Alors Ainéias s'élança avec son bouclier et sa longue pique, de peur que les Akhaiens n'enlevassent le cadavre.

- page 105 -

Et, tout autour, il allait comme un lion confiant dans ses forces, brandissant sa pique et son bouclier bombé, prêt à tuer celui qui oserait approcher, et criant horriblement. Mais le Tydéide saisit de sa main un lourd rocher que deux hommes, de ceux qui vivent aujourd'hui, ne pourraient soulever. Seul, il le remua facilement. Et il en frappa Ainéias à la cuisse, là où le fémur tourne dans le cotyle. Et la pierre rugueuse heurta le cotyle, rompit les deux muscles supérieurs et déchira la peau. Le héros, tombant sur les genoux, s'appuya d'une main lourde sur la terre, et une nuit noire couvrit ses yeux. Et le roi des hommes, Ainéias, eût sans doute péri, si la fille de Zeus, Aphroditè, ne l'eût aperçu : car elle était sa mère, l'ayant conçu d'Ankhisès, comme il paissait ses bœufs. Elle jeta ses bras blancs autour de son fils bien-aimé et l'enveloppa des plis de son péplos éclatant, afin de le garantir des traits, et de peur qu'un des guerriers Danaens enfonçât l'airain dans sa poitrine et lui arrachât l'âme. Et elle enleva hors de la mêlée son fils bien-aimé.

Mais le fils de Kapaneus n'oublia point l'ordre que lui avait donné Diomèdès hardi au combat. Il arrêta brusquement les chevaux aux sabots massifs, en attachant au char les rênes tendues ; et, se précipitant vers les chevaux aux longues crinières d'Ainéias, il les poussa du côté des Akhaiens aux belles knèmides. Et il les remit à son cher compagnon Deipylos, qu'il honorait au-dessus de tous, tant leurs âmes étaient d'accord, afin que celui-ci les conduisît aux nefs creuses.


- page 106 -

Puis le héros, remontant sur son char, saisit les belles rênes, et, traîné par ses chevaux aux sabots massifs, suivit le Tydéide. Et celui-ci, de l'airain meurtrier, pressait ardemment Aphroditè, sachant que c'était une déesse pleine de faiblesse, et qu'elle n'était point de ces divinités qui se mêlent aux luttes des guerriers, comme Athènè ou comme Ényô, la destructrice des citadelles. Et, la poursuivant dans la mêlée tumultueuse, le fils du magnanime Tydeus bondit, et de sa pique aiguë blessa sa main délicate. Et aussitôt l'airain perça la peau divine à travers le péplos que les Kharites avaient tissé elles-mêmes. Et le sang immortel de la déesse coula, subtil, et tel qu'il sort des dieux heureux. Car ils ne mangent point de pain, ils ne boivent point le vin ardent, et c'est pourquoi ils n'ont point notre sang et sont nommés immortels. Elle poussa un grand cri et laissa tomber son fils ; mais Phoibos Apollôn le releva de ses mains et l'enveloppa d'une noire nuée, de peur qu'un des cavaliers Danaens enfonçât l'airain dans sa poitrine et lui arrachât l'âme. Et Diomèdès hardi au combat cria d'une voix haute à la déesse :

– Fille de Zeus, fuis la guerre et le combat. Ne te suffit-il pas de tromper de faibles femmes ? Si tu retournes jamais au combat, certes, je pense que la guerre et son nom seul te feront trembler désormais.

Il parla ainsi, et Aphroditè s'envola, pleine d'affliction et gémissant profondément. Iris aux pieds rapides la conduisit hors de la mêlée, accablée de douleurs, et son beau corps était devenu noir.

- page 107 -

Et elle rencontra l'impétueux Arès assis à la gauche de la bataille. Sa pique et ses chevaux rapides étaient couverts d'une nuée. Et Aphroditè, tombant à genoux, supplia son frère bien-aimé de lui donner ses chevaux liés par des courroies d'or :

– Frère bien-aimé, secours-moi ! Donne-moi tes chevaux pour que j'aille dans l'Olympos, qui est la demeure des immortels. Je souffre cruellement d'une blessure que m'a faite le guerrier mortel Tydéide, qui combattrait maintenant le père Zeus lui-même.

Elle parla ainsi, et Arès lui donna ses chevaux aux aigrettes dorées. Et, gémissant dans sa chère âme, elle monta sur le char. Iris monta auprès d'elle, prit les rênes en mains et frappa les chevaux du fouet, et ceux-ci s'envolèrent et atteignirent aussitôt le haut Olympos, demeure des dieux. Et la rapide Iris arrêta les chevaux aux pieds prompts comme le vent, et, sautant du char, leur donna leur nourriture immortelle. Et la divine Aphroditè tomba aux genoux de Diônè sa mère ; et celle-ci, entourant sa fille de ses bras, la caressa et lui dit :

– Quel Ouranien, chère fille, t'a ainsi traitée, comme si tu avais ouvertement commis une action mauvaise ?

Et Aphroditè qui aime les sourires lui répondit :


- page 108 -

– L'audacieux Diomèdès, fils de Tydeus, m'a blessée, parce que j'emportais hors de la mêlée mon fils bien-aimé Ainéias, qui m'est le plus cher de tous les hommes. La bataille furieuse n'est plus seulement entre les Troiens et les Akhaiens, mais les Danaens combattent déjà contre les immortels.

Et l'illustre déesse Diônè lui répondit :

– Subis et endure ton mal, ma fille, bien que tu sois affligée. Déjà plusieurs habitants des demeures ouraniennes, par leurs discordes mutuelles, ont beaucoup souffert de la part des hommes. Arès a subi de grands maux quand Otos et le robuste Éphialtès, fils d'Aloè, le lièrent de fortes chaînes. Il resta treize mois enchaîné dans une prison d'airain. Et peut-être qu'Arès, insatiable de combats, eût péri, si la belle Ériboia, leur marâtre, n'eût averti Herméias, qui délivra furtivement Arès respirant à peine, tant les lourdes chaînes l'avaient dompté. Hèrè souffrit aussi quand le vigoureux Amphitryonade la blessa à la mamelle droite d'une flèche à trois pointes, et une irrémédiable douleur la saisit. Et le grand Aidès souffrit entre tous quand le même homme, fils de Zeus tempétueux, le blessa, sur le seuil du Hadès, au milieu des morts, d'une flèche rapide, et l'accabla de douleurs. Et il vint dans la demeure de Zeus, dans le grand Olympos, plein de maux et gémissant dans son cœur, car la flèche était fixée dans sa large épaule et torturait son âme. Et Paièôn, répandant de doux baumes sur la plaie, guérit Aidès, car il n'était point mortel comme un homme.

- page 109 -

Et tel était Hèraklès, impie, irrésistible, se souciant peu de commettre des actions mauvaises et frappant de ses flèches les dieux qui habitent l'Olympos. C'est la divine Athènè aux yeux clairs qui a excité un insensé contre toi. Et le fils de Tydeus ne sait pas, dans son âme, qu'il ne vit pas longtemps celui qui lutte contre les immortels. Ses enfants, assis sur ses genoux, ne le nomment point leur père au retour de la guerre et de la rude bataille. Maintenant, que le Tydéide craigne, malgré sa force, qu'un plus redoutable que toi ne le combatte. Qu'il craigne que la sage fille d'Adrèstès, Aigialéia, la noble femme du dompteur de chevaux Diomèdès, gémisse bientôt en s'éveillant et en troublant ses serviteurs, parce qu'elle pleurera son premier mari, le plus brave des Akhaiens !

Elle parla ainsi, et, de ses deux mains, étancha la plaie, et celle-ci fut guérie, et les amères douleurs furent calmées.

Mais Hèrè et Athènè, qui les regardaient, tentèrent d'irriter le Kronide Zeus par des paroles mordantes. Et la divine Athènè aux yeux clairs parla ainsi la première :

– Père Zeus, peut-être seras-tu irrité de ce que je vais dire ; mais voici qu'Aphroditè, en cherchant à mener quelque femme Akhaienne au milieu des Troiens qu'elle aime tendrement, en s'efforçant de séduire par ses caresses une des Akhaiennes au beau péplos, a déchiré sa main délicate à une agrafe d'or.


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MessageSujet: Re: L'Illiade   L'Illiade EmptyVen 20 Jan - 19:43

le parla ainsi, et le père des hommes et des dieux sourit, et, appelant Aphroditè d'or, il lui dit :

– Ma fille, les travaux de la guerre ne te sont point confiés, mais à l'impétueux Arès et à Athènè. Ne songe qu'aux douces joies des Hyménées.

Et ils parlaient ainsi entre eux. Et Diomèdès hardi au combat se ruait toujours sur Ainéias, bien qu'il sût qu'Apollôn le couvrait des deux mains. Mais il ne respectait même plus un grand dieu, désirant tuer Ainéias et le dépouiller de ses armes illustres. Et trois fois il se rua, désirant le tuer, et trois fois Apollôn repoussa son bouclier éclatant. Mais, quand il bondit une quatrième fois, semblable à un dieu, Apollôn lui dit d'une voix terrible :

– Prends garde, Tydéide, et ne t'égale point aux dieux, car la race des dieux immortels n'est point semblable à celle des hommes qui marchent sur la terre.

Il parla ainsi, et le Tydéide recula un peu, de peur d'exciter la colère de l'archer Apollôn. Et celui-ci déposa Ainéias loin de la mêlée, dans la sainte Pergamos, où était bâti son temple. Et Lètô et Artémis qui se réjouit de ses flèches prirent soin de ce guerrier et l'honorèrent dans le vaste sanctuaire. Et Apollôn à l'arc d'argent suscita une image vaine semblable à Ainéias et portant des armes pareilles. Et autour de cette image les Troiens et les divins Akhaiens se frappaient sur les peaux de bœuf qui couvraient leurs poitrines, sur les boucliers bombés et sur les cuirasses légères.

- page 111 -

Alors, le roi Phoibos Apollôn dit à l'impétueux Arès :

– Arès, Arès, fléau des hommes sanglant, et qui renverses les murailles, ne vas-tu pas chasser hors de la mêlée ce guerrier, le Tydéide, qui, certes, combattrait maintenant même contre le père Zeus ? Déjà il a blessé la main d'Aphroditè, puis il a bondi sur moi, semblable à un dieu.

Ayant ainsi parlé, il retourna s'asseoir sur la haute Pergamos, et le cruel Arès, se mêlant aux Troiens, les excita à combattre, ayant pris la forme de l'impétueux Akamas, prince des Thrakiens. Et il exhorta les fils de Priamos, nourrissons de Zeus :

– Ô fils du roi Priamos, nourris par Zeus, jusqu'à quand laisserez-vous les Akhaiens massacrer votre peuple ? Attendrez-vous qu'ils combattent autour de nos portes solides ? Un guerrier est tombé que nous honorions autant que le divin Hektôr, Ainéias, fils du magnanime Ankhisès. Allons ! Enlevons notre brave compagnon hors de la mêlée.

Ayant ainsi parlé, il excita la force et le courage de chacun. Et Sarpèdôn dit ces dures paroles au divin Hektôr :

– Hektôr, qu'est devenu ton ancien courage ? Tu te vantais naguère de sauver ta ville, sans l'aide des autres guerriers, seul, avec tes frères et tes parents, et je n'en ai guère encore aperçu aucun, car ils tremblent tous comme des chiens devant le lion.

- page 112 -

C'est nous, vos alliés, qui combattons. Me voici, moi, qui suis venu de très loin pour vous secourir. Elle est éloignée, en effet, la Lykiè où coule le Xanthos plein de tourbillons. J'y ai laissé ma femme bien-aimée et mon petit enfant, et mes nombreux domaines que le pauvre convoite. Et, cependant, j'excite les Lykiens au combat, et je suis prêt moi-même à lutter contre les hommes, bien que je n'aie rien à redouter ou à perdre des maux que vous apportent les Akhaiens, ou des biens qu'ils veulent vous enlever. Et tu restes immobile, et tu ne commandes même pas à tes guerriers de résister et de défendre leurs femmes ! Ne crains-tu pas qu'enveloppés tous comme dans un filet de lin, vous deveniez la proie des guerriers ennemis ? Sans doute, les Akhaiens renverseront bientôt votre ville aux nombreux habitants. C'est à toi qu'il appartient de songer à ces choses, nuit et jour, et de supplier les princes alliés, afin qu'ils tiennent fermement et qu'ils cessent leurs durs reproches.

Sarpèdôn parla ainsi, et il mordit l'âme de Hektôr, et celui-ci sauta aussitôt de son char avec ses armes, et, brandissant deux lances aiguës, courut de toutes parts à travers l'armée, l'excitant à combattre un rude combat. Et les Troiens revinrent à la charge et tinrent tête aux Akhaiens. Et les Argiens les attendirent de pied ferme.


- page 113 -

Ainsi que, dans les aires sacrées, à l'aide des vanneurs et du vent, la blonde Dèmètèr sépare le bon grain de la paille, et que celle-ci, amoncelée, est couverte d'une poudre blanche, de même les Akhaiens étaient enveloppés d'une poussière blanche qui montait du milieu d'eux vers l'Ouranos, et que soulevaient les pieds des chevaux frappant la terre, tandis que les guerriers se mêlaient de nouveau et que les conducteurs de chars les ramenaient au combat. Et le furieux Arès, couvert d'une nuée, allait de toutes parts, excitant les Troiens. Et il obéissait ainsi aux ordres que lui avait donnés Phoibos Apollôn qui porte une épée d'or, quand celui-ci avait vu partir Athènè, protectrice des Danaens.

Et l'archer Apollôn fit sortir Ainéias du sanctuaire et remplit de vigueur la poitrine du prince des peuples. Et ce dernier reparut au milieu de ses compagnons, pleins de joie de le voir vivant, sain et sauf et possédant toutes ses forces. Mais ils ne lui dirent rien, car les travaux que leur préparaient Arès, fléau des hommes, Apollôn et Éris, ne leur permirent point de l'interroger.

Et les deux Aias, Odysseus et Diomèdès exhortaient les Danaens au combat ; et ceux-ci, sans craindre les forces et l'impétuosité des Troiens, les attendaient de pied ferme, semblables à ces nuées que le Kroniôn arrête à la cime des montagnes, quand le Boréas et les autres vents violents se sont calmés, eux dont le souffle disperse les nuages épais et immobiles.

- page 114 -

Ainsi les Danaens attendaient les Troiens de pied ferme. Et l'Atréide, courant çà et là au milieu d'eux, les excitait ainsi :

– Amis, soyez des hommes ! ruez-vous, d'un cœur ferme, dans la rude bataille. Ce sont les plus braves qui échappent en plus grand nombre à la mort ; mais ceux qui fuient n'ont ni force ni gloire.

Il parla, et, lançant sa longue pique, il perça, au premier rang, le guerrier Dèikoôn Pergaside, compagnon du magnanime Ainéias, et que les Troiens honoraient autant que les fils de Priamos, parce qu'il était toujours parmi les premiers au combat. Et le roi Agamemnôn le frappa de sa pique dans le bouclier qui n'arrêta point le coup, car la pique le traversa et entra dans le ventre en déchirant le ceinturon. Et il tomba avec bruit, et ses armes résonnèrent sur son corps.

Alors, Ainéias tua deux braves guerriers Danaens, fils de Dioklès, Krèthôn et Orsilokhos. Et leur père habitait Phèrè bien bâtie, et il était riche, et il descendait du fleuve Alphéios qui coule largement sur la terre des Pyliens. Et l'Alphéios avait engendré Orsilokhos, chef de nombreux guerriers ; et Orsilokhos avait engendré le magnanime Dioklès, et de Dioklès étaient nés deux fils jumeaux, Krèthôn et Orsilokhos, habiles à tous les combats. Tout jeunes encore, ils vinrent sur leurs nefs noires vers Ilios aux bons chevaux, ayant suivi les Argiens pour la cause et l'honneur des Atréides, Agamemnôn et Ménélaos, et c'est là que la mort les atteignit.

- page 115 -

Comme deux jeunes lions nourris par leur mère sur le sommet des montagnes, au fond des épaisses forêts, et qui enlèvent les bœufs et les brebis, et qui dévastent les étables jusqu'à ce qu'ils soient tués de l'airain aigu par les mains des pâtres, tels ils tombèrent tous deux, frappés par les mains d'Ainéias, pareils à des pins élevés.

Et Ménélaos, hardi au combat, eut pitié de leur chute, et il s'avança au premier rang, vêtu de l'airain étincelant et brandissant sa pique. Et Arès l'excitait afin qu'il tombât sous les mains d'Ainéias. Mais Antilokhos, fils du magnanime Nestôr, le vit et s'avança au premier rang, car il craignait pour le prince des peuples, dont la mort eût rendu leurs travaux inutiles. Et ils croisaient déjà leurs piques aiguës, prêts à se combattre, quand Antilokhos vint se placer auprès du prince des peuples. Et Ainéias, bien que très brave, recula, voyant les deux guerriers prêts à l'attaquer. Et ceux-ci entraînèrent les morts parmi les Akhaiens, et, les remettant à leurs compagnons, revinrent combattre au premier rang.

Alors ils tuèrent Pylaiménès, égal à Arès, chef des magnanimes Paphlagones porteurs de boucliers. Et l'illustre Atréide Ménélaos le perça de sa pique à la clavicule. Et Antilokhos frappa au coude, d'un coup de pierre, le conducteur de son char, le brave Atymniade Mydôn, comme il faisait reculer ses chevaux aux sabots massifs. Et les blanches rênes ornées d'ivoire s'échappèrent de ses mains, et Antilokhos, sautant sur lui, le perça à la tempe d'un coup d'épée.

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Et, ne respirant plus, il tomba du beau char, la tête et les épaules enfoncées dans le sable qui était creusé en cet endroit. Ses chevaux le foulèrent aux pieds, et Antilokhos les chassa vers l'armée des Akhaiens.

Mais Hektôr, les ayant aperçus tous deux, se rua à travers la mêlée en poussant des cris. Et les braves phalanges des Troiens le suivaient, et devant elles marchaient Arès et la vénérable Ényô. Celle-ci menait le tumulte immense du combat, et Arès, brandissant une grande pique, allait tantôt devant et tantôt derrière Hektôr.

Et Diomèdès hardi au combat ayant vu Arès, frémit. Comme un voyageur troublé s'arrête, au bout d'une plaine immense, sur le bord d'un fleuve impétueux qui tombe dans la mer, et qui recule à la vue de l'onde bouillonnante, ainsi le Tydéide recula et dit aux siens :

– Ô amis, combien nous admirions justement le divin Hektôr, habile à lancer la pique et audacieux en combattant ! Quelque dieu se tient toujours à son côté et détourne de lui la mort. Maintenant, voici qu'Arès l'accompagne, semblable à un guerrier. C'est pourquoi reculons devant les Troiens et ne vous hâtez point de combattre les dieux.

Il parla ainsi, et les Troiens approchèrent. Alors, Hektôr tua deux guerriers habiles au combat et montés sur un même char, Ménèsthès et Ankhialos.


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Et le grand Télamônien Aias eut pitié de leur chute, et, marchant en avant, il lança sa pique brillante. Et il frappa Amphiôn, fils de Sélagos, qui habitait Paisos, et qui était fort riche. Mais sa Moire l'avait envoyé secourir les Priamides. Et le Télamônien Aias l'atteignit au ceinturon, et la longue pique resta enfoncée dans le bas-ventre. Et il tomba avec bruit, et l'illustre Aias accourut pour le dépouiller de ses armes. Mais les Troiens le couvrirent d'une grêle de piques aiguës et brillantes, et son bouclier en fut hérissé. Cependant, pressant du pied le cadavre, il en arracha sa pique d'airain ; mais il ne put enlever les belles armes, étant accablé de traits. Et il craignit la vigoureuse attaque des braves Troiens qui le pressaient de leurs piques et le firent reculer, bien qu'il fût grand, fort et illustre.

Et c'est ainsi qu'ils luttaient dans la rude mêlée. Et voici que la Moire violente amena, en face du divin Sarpèdôn, le grand et vigoureux Hèraklide Tlèpolémos. Et quand ils se furent rencontrés tous deux, le fils et le petit-fils de Zeus qui amasse les nuées, Tlèpolémos, le premier, parla ainsi :

– Sarpèdôn, chef des Lykiens, quelle nécessité te pousse tremblant dans la mêlée, toi qui n'es qu'un guerrier inhabile ? Des menteurs disent que tu es fils de Zeus tempétueux, tandis que tu es loin de valoir les guerriers qui naquirent de Zeus, aux temps antiques des hommes, tels que le robuste Hèraklès au cœur de lion, mon père. Et il vint ici autrefois, à cause des chevaux de Laomédôn et, avec six nefs seulement et peu de compagnons, il renversa Ilios et dépeupla ses rues.

- page 118 -

Mais toi, tu n'es qu'un lâche, et tes guerriers succombent. Et je ne pense point que, même étant brave, tu aies apporté de Lykiè un grand secours aux Troiens, car, tué par moi, tu vas descendre au seuil d'Aidès.

Et Sarpèdôn, chef des Lykiens, lui répondit :

– Tlèpolémos, certes, Hèraklès renversa la sainte Ilios, grâce à la témérité de l'illustre Laomédôn qui lui adressa injustement de mauvaises paroles et lui refusa les cavales qu'il était venu chercher de si loin. Mais, pour toi, je te prédis la mort et la noire kèr, et je vais t'envoyer, tué par ma pique et me donnant une grande gloire, vers Aidès qui a d'illustres chevaux.

Sarpèdôn parla ainsi. Et Tlèpolémos leva sa pique de frêne, et les deux longues piques s'élancèrent en même temps de leurs mains. Et Sarpèdôn le frappa au milieu du cou, et la pointe amère le traversa de part en part. Et la noire nuit enveloppa les yeux de Tlèpolémos. Mais celui-ci avait percé de sa longue pique la cuisse gauche de Sarpèdôn, et la pointe était restée engagée dans l'os, et le Kronide, son père, avait détourné la mort de lui. Et les braves compagnons de Sarpèdôn l'enlevèrent hors de la mêlée. Et il gémissait, traînant la longue pique de frêne restée dans la blessure, car aucun d'eux n'avait songé à l'arracher de la cuisse du guerrier, pour qu'il pût monter sur son char, tant ils se hâtaient.


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De leur côté, les Akhaiens aux belles knèmides emportaient Tlèpolémos hors de la mêlée. Et le divin Odysseus au cœur ferme, l'ayant aperçu, s'affligea dans son âme ; et il délibéra dans son esprit et dans son cœur s'il poursuivrait le fils de Zeus qui tonne hautement, ou s'il arracherait l'âme à une multitude de Lykiens. Mais il n'était point dans la destinée du magnanime Odysseus de tuer avec l'airain aigu le brave fils de Zeus. C'est pourquoi Athènè lui inspira de se jeter sur la foule des Lykiens. Alors il tua Koiranos et Alastôr, et Khromios et Alkandros et Halios, et Noèmôn et Prytanis. Et le divin Odysseus eût tué une plus grande foule de Lykiens, si le grand Hektôr au casque mouvant ne l'eût aperçu. Et il s'élança aux premiers rangs, armé de l'airain éclatant, jetant la terreur parmi les Danaens. Et Sarpèdôn, fils de Zeus, se réjouit de sa venue et lui dit cette parole lamentable :

– Priamide, ne permets pas que je reste la proie des Danaens, et viens à mon aide, afin que je puisse au moins expirer dans votre ville, puisque je ne dois plus revoir la chère patrie, et ma femme bien-aimée et mon petit enfant.

Mais Hektôr au casque mouvant ne lui répondit pas, et il s'élança en avant, plein du désir de repousser promptement les Argiens et d'arracher l'âme à une foule d'entre eux. Et les compagnons du divin Sarpèdôn le déposèrent sous le beau hêtre de Zeus tempétueux, et le brave Pélagôn, qui était le plus cher de ses compagnons, lui arracha hors de la cuisse la pique de frêne. Et son âme défaillit, et une nuée épaisse couvrit ses yeux.

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MessageSujet: Re: L'Illiade   L'Illiade EmptyVen 20 Jan - 19:45

is le souffle de Boréas le ranima, et il ressaisit son âme qui s'évanouissait.

Et les Akhaiens, devant Arès et Hektôr au casque d'airain, ne fuyaient point vers les nefs noires et ne se ruaient pas non plus dans la mêlée, mais reculaient toujours, ayant aperçu Arès parmi les Troiens. Alors, quel fut le guerrier qui, le premier, fut tué par Hektôr Priamide et par Arès vêtu d'airain, et quel fut le dernier ? Teuthras, semblable à un dieu, et l'habile cavalier Orestès, et Trèkhos, combattant Aitôlien ; Oinomaos et l'Oinopide Hélénos, et Oresbios qui portait une mitre brillante. Et celui-ci habitait Hylè, où il prenait soin de ses richesses, au milieu du lac Kèphisside, non loin des riches tribus des Boiôtiens.

Et la divine Hèrè aux bras blancs, voyant que les Argiens périssaient dans la rude mêlée, dit à Athènè ces paroles ailées :

– Ah ! fille indomptable de Zeus tempétueux, certes, nous aurons vainement promis à Ménélaos qu'il retournerait dans sa patrie après avoir renversé Ilios aux fortes murailles, si nous laissons ainsi le cruel Arès répandre sa fureur. Viens, et souvenons-nous de notre courage impétueux.

Elle parla ainsi, et la divine Athènè aux yeux clairs obéit. La vénérable déesse Hèrè, fille du grand Kronos, se hâta de mettre à ses chevaux leurs harnais d'or.

- page 121 -

Hèbè attacha promptement les roues au char, aux deux bouts de l'essieu de fer. Et les roues étaient d'airain à huit rayons, et les jantes étaient d'un or incorruptible, mais, par-dessus, étaient posées des bandes d'airain admirables à voir. Les deux moyeux étaient revêtus d'argent, et le siège était suspendu à des courroies d'or et d'argent, et deux cercles étaient placés en avant d'où sortait le timon d'argent, et, à l'extrémité du timon, Hèrè lia le beau joug d'or et les belles courroies d'or. Puis, avide de discorde et de cris de guerre, elle soumit au joug ses chevaux aux pieds rapides.

Et Athènè, fille de Zeus tempétueux, laissa tomber sur le pavé de la demeure paternelle le péplos subtil, aux ornements variés, qu'elle avait fait et achevé de ses mains. Et elle revêtit la cuirasse de Zeus qui amasse les nuées, et l'armure de la guerre lamentable. Elle plaça autour de ses épaules l'Aigide aux longues franges, horrible, et que la fuite environnait. Et là, se tenaient la discorde, la force et l'effrayante poursuite, et la tête affreuse, horrible et divine du monstre Gorgô. Et Athènè posa sur sa tête un casque hérissé d'aigrettes, aux quatre cônes d'or, et qui eût recouvert les habitants de cent villes. Et elle monta sur le char splendide, et elle saisit une pique lourde, grande, solide, avec laquelle elle domptait la foule des hommes héroïques, contre lesquels elle s'irritait, étant la fille d'un père puissant.

Hèrè pressa du fouet les chevaux rapides, et, devant eux, s'ouvrirent d'elles-mêmes les portes ouraniennes que gardaient les Heures.

- page 122 -

Et celles-ci, veillant sur le grand Ouranos et sur l'Olympos, ouvraient ou fermaient la nuée épaisse qui flottait autour. Et les chevaux dociles franchirent ces portes, et les déesses trouvèrent le Kroniôn assis, loin des dieux, sur le plus haut sommet de l'Olympos aux cimes sans nombre. Et la divine Hèrè aux bras blancs, retenant ses chevaux, parla ainsi au très haut Zeus Kronide :

– Zeus, ne réprimeras-tu pas les cruelles violences d'Arès qui cause impudemment tant de ravages parmi les peuples Akhaiens ? J'en ai une grande douleur ; et voici qu'Aphroditè et Apollôn à l'arc d'argent se réjouissent d'avoir excité cet insensé qui ignore toute justice. Père Zeus, ne t'irriteras-tu point contre moi, si je chasse de la mêlée Arès rudement châtié ?

Et Zeus qui amasse les nuées lui répondit :

– Va ! excite contre lui la dévastatrice Athènè, qui est accoutumée à lui infliger de rudes châtiments.

Il parla ainsi, et la divine Hèrè aux bras blancs obéit, et elle frappa ses chevaux, et ils s'envolèrent entre la terre et l'Ouranos étoilé. Autant un homme, assis sur une roche élevée, et regardant la mer pourprée, voit d'espace aérien, autant les chevaux des dieux en franchirent d'un saut. Et quand les deux déesses furent parvenues devant Ilios, là où le Skamandros et le Simoïs unissent leurs cours, la divine Hèrè aux bras blancs détela ses chevaux et les enveloppa d'une nuée épaisse.

- page 123 -

Et le Simoïs fit croître pour eux une pâture ambroisienne. Et les déesses, semblables dans leur vol à de jeunes colombes, se hâtèrent de secourir les Argiens.

Et quand elles parvinrent là où les Akhaiens luttaient en foule autour de la force du dompteur de chevaux Diomèdès, tels que des lions mangeurs de chair crue, ou de sauvages et opiniâtres sangliers, la divine Hèrè aux bras blancs s'arrêta et jeta un grand cri, ayant pris la forme du magnanime Stentôr à la voix d'airain, qui criait aussi haut que cinquante autres :

– Honte à vous, ô Argiens, fiers d'être beaux, mais couverts d'opprobre ! Aussi longtemps que le divin Akhilleus se rua dans la mêlée, jamais les Troiens n'osèrent passer les portes Dardaniennes ; et, maintenant, voici qu'ils combattent loin d'Ilios, devant les nefs creuses !

Ayant ainsi parlé, elle ranima le courage de chacun. Et la déesse Athènè aux yeux clairs, cherchant le Tydéide, rencontra ce roi auprès de ses chevaux et de son char. Et il rafraîchissait la blessure que lui avait faite la flèche de Pandaros. Et la sueur l'inondait sous le large ceinturon d'où pendait son bouclier bombé ; et ses mains étaient lasses. Il soulevait son ceinturon et étanchait un sang noir. Et la déesse, auprès du joug, lui parla ainsi :

– Certes, Tydeus n'a point engendré un fils semblable à lui. Tydeus était de petite taille, mais c'était un homme.

- page 124 -

Je lui défendis vainement de combattre quand il vint seul, envoyé à Thèbè par les Akhaiens, au milieu des innombrables Kadméiônes. Et je lui ordonnai de s'asseoir paisiblement à leurs repas, dans leurs demeures. Cependant, ayant toujours le cœur aussi ferme, il provoqua les jeunes Kadméiônes et les vainquit aisément, car j'étais sa protectrice assidue. Certes, aujourd'hui, je te protège, je te défends et je te pousse à combattre ardemment les Troiens. Mais la fatigue a rompu tes membres, ou la crainte t'a saisi le cœur, et tu n'es plus le fils de l'excellent cavalier Tydeus Oinéide.

Et le brave Diomèdès lui répondit :

– Je te reconnais, déesse, fille de Zeus tempétueux. Je te parlerai franchement et ne te cacherai rien. Ni la crainte ni la faiblesse ne m'accablent, mais je me souviens de tes ordres. Tu m'as défendu de combattre les dieux heureux, mais de frapper de l'airain aigu Aphroditè, la fille de Zeus, si elle descendait dans la mêlée. C'est pourquoi je recule maintenant, et j'ai ordonné à tous les Argiens de se réunir ici, car j'ai reconnu Arès qui dirige le combat.

Et la divine Athènè aux yeux clairs lui répondit :

– Tydéide Diomèdès, le plus cher à mon cœur, ne crains ni Arès ni aucun des autres immortels, car je suis pour toi une protectrice assidue.

- page 125 -

Viens ! pousse contre Arès tes chevaux aux sabots massifs ; frappe-le, et ne respecte pas le furieux Arès, ce dieu changeant et insensé qui, naguère, nous avait promis, à moi et à Hèrè, de combattre les Troiens et de secourir les Argiens, et qui, maintenant, s'est tourné du côté des Troiens et oublie ses promesses.

Ayant ainsi parlé, elle saisit de la main Sthénélos pour le faire descendre du char, et celui-ci sauta promptement à terre. Et elle monta auprès du divin Diomèdès, et l'essieu du char gémit sous le poids, car il portait une déesse puissante et un brave guerrier. Et Pallas Athènè, saisissant le fouet et les rênes, poussa vers Arès les chevaux aux sabots massifs. Et le dieu venait de tuer le grand Périphas, le plus brave des Aitôliens, illustre fils d'Okhèsios ; et, tout sanglant, il le dépouillait ; mais Athènè mit le casque d'Aidès, pour que le puissant Arès ne la reconnût pas. Et dès que le fléau des hommes, Arès, eut aperçu le divin Diomèdès, il laissa le grand Périphas étendu dans la poussière, là où, l'ayant tué, il lui avait arraché l'âme, et il marcha droit à l'habile cavalier Diomèdès.

Et quand ils se furent rapprochés l'un de l'autre, Arès, le premier, lança sa pique d'airain par-dessus le joug et les rênes des chevaux, voulant arracher l'âme du Tydéide ; mais la divine Athènè aux yeux clairs, saisissant le trait d'une main, le détourna du char, afin de le rendre inutile. Puis, Diomèdès hardi au combat lança impétueusement sa pique d'airain, et Pallas Athènè la dirigea dans le bas ventre, sous le ceinturon.


- page 126 -

Et le dieu fut blessé, et la pique, ramenée en arrière, déchira sa belle peau, et le féroce Arès poussa un cri aussi fort que la clameur de dix mille guerriers se ruant dans la mêlée. Et l'épouvante saisit les Akhaiens et les Troiens, tant avait retenti le cri d'Arès insatiable de combats. Et, comme apparaît, au-dessous des nuées, une noire vapeur chassée par un vent brûlant, ainsi Arès apparut au brave Tydéide Diomèdès, tandis qu'il traversait le vaste Ouranos, au milieu des nuages. Et il parvint à la demeure des dieux, dans le haut Olympos. Et il s'assit auprès de Zeus Kroniôn, gémissant dans son cœur ; et, lui montrant le sang immortel qui coulait de sa blessure, il lui dit en paroles ailées :

– Père Zeus, ne t'indigneras-tu point de voir ces violences ? Toujours, nous, les dieux, nous nous faisons souffrir cruellement pour la cause des hommes. Mais c'est toi qui es la source de nos querelles, car tu as enfanté une fille insensée, perverse et inique. Nous, les dieux Olympiens, nous t'obéissons et nous te sommes également soumis ; mais jamais tu ne blâmes ni ne réprimes celle-ci, et tu lui permets tout, parce que tu as engendré seul cette fille funeste qui pousse le fils de Tydeus, le magnanime Diomèdès, à se jeter furieux sur les dieux immortels. Il a blessé d'abord la main d'Aphroditè, puis, il s'est rué sur moi, semblable à un dieu, et si mes pieds rapides ne m'avaient emporté, je subirais mille maux, couché vivant au milieu des cadavres et livré sans force aux coups de l'airain.


- page 127 -

Et Zeus qui amasse les nuées, le regardant d'un œil sombre, lui répondit :

– Cesse de te plaindre à moi, dieu changeant ! Je te hais le plus entre tous les Olympiens, car tu n'aimes que la discorde, la guerre et le combat, et tu as l'esprit intraitable de ta mère, Hèrè, que mes paroles répriment à peine. C'est son exemple qui cause tes maux. Mais je ne permettrai pas que tu souffres plus longtemps, car tu es mon fils, et c'est de moi que ta mère t'a conçu. Méchant comme tu es, si tu étais né de quelque autre dieu, depuis longtemps déjà tu serais le dernier des Ouraniens.

Il parla ainsi et ordonna à Paièôn de le guérir, et celui-ci le guérit en arrosant sa blessure de doux remèdes liquides, car il n'était point mortel. Aussi vite le lait blanc s'épaissit quand on l'agite, aussi vite le furieux Arès fut guéri. Hèbè le baigna et le revêtit de beaux vêtements, et il s'assit, fier de cet honneur, auprès de Zeus Kroniôn. Et l'Argienne Hèrè et la protectrice Athènè rentrèrent dans la demeure du grand Zeus, après avoir chassé le cruel Arès de la mêlée guerrière.

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Livrée à elle-même, la rude bataille des Troiens et des Akhaiens se répandit confusément çà et là par la plaine. Et ils se frappaient, les uns les autres, de leurs lances d'airain, entre les eaux courantes du Simoïs et du Xanthos.

Et, le premier, Aias Télamônien enfonça la phalange des Troiens et ralluma l'espérance de ses compagnons, ayant percé un guerrier, le plus courageux d'entre les Thrakiens, le fils d'Eussôros, Akamas, qui était robuste et grand. Il frappa le cône du casque à l'épaisse crinière de cheval, et la pointe d'airain, ouvrant le front, s'enfonça à travers l'os, et les ténèbres couvrirent ses yeux.

Et Diomèdès hardi au combat tua Axylos Teuthranide qui habitait dans Arisbè bien bâtie, était riche et bienveillant aux hommes, et les recevait tous avec amitié, sa demeure étant au bord de la route. Mais nul alors ne se mit au-devant de lui pour détourner la sombre mort. Et Diomèdès le tua, ainsi que son serviteur Kalésios, qui dirigeait ses chevaux, et tous deux descendirent sous la terre.

Et Euryalos tua Drèsos et Opheltios, et il se jeta sur Aisèpos et Pèdasos, que la nymphe naïade Abarbaréè avait conçus autrefois de l'irréprochable Boukoliôn. Et Boukoliôn était fils du noble Laomédôn, et il était son premier-né, et sa mère l'avait enfanté en secret. En paissant ses brebis, il s'était uni à la nymphe sur une même couche ; et, enceinte, elle avait enfanté deux fils jumeaux ; mais le Mèkistèiade brisa leur force et leurs souples membres, et arracha leurs armures de leurs épaules.


- page 129 -

Et Polypoitès prompt au combat tua Astyalos ; et Odysseus tua Pidytès le Perkosien, par la lance d'airain ; et Teukros tua le divin Arétaôn.

Et Antilokhos Nestoréide tua Ablèros de sa lance éclatante ; et le roi des hommes, Agamemnôn, tua Élatos qui habitait la haute Pèdasos, sur les bords du Saméoïs au beau cours. Et le héros Lèitos tua Phylakos qui fuyait, et Eurypylos tua Mélanthios. Puis, Ménélaos hardi au combat prit Adrèstos vivant. Arrêtés par une branche de tamaris, les deux chevaux de celui-ci, ayant rompu le char près du timon, s'enfuyaient, épouvantés, par la plaine, du côté de la ville, avec d'autres chevaux effrayés, et Adrèstos avait roulé du char, auprès de la roue, la face dans la poussière. Et l'Atréide Ménélaos, armé d'une longue lance, s'arrêta devant lui ; et Adrèstos saisit ses genoux et le supplia :

– Laisse-moi la vie, fils d'Atreus, et accepte une riche rançon. Une multitude de choses précieuses sont dans la demeure de mon père, et il est riche. Il a de l'airain, de l'or et du fer ouvragé dont il te fera de larges dons, s'il apprend que je vis encore sur les nefs des Argiens.

Il parla ainsi, et déjà il persuadait le cœur de Ménélaos, et celui-ci allait le remettre à son serviteur pour qu'il l'emmenât vers les nefs rapides des Akhaiens ; mais Agamemnôn vint en courant au-devant de lui, et lui cria cette dure parole :


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MessageSujet: Re: L'Illiade   L'Illiade EmptyVen 20 Jan - 19:45

Ô lâche Ménélaos, pourquoi prendre ainsi pitié des hommes ? Certes, les Troiens ont accompli d'excellentes actions dans ta demeure ! que nul n'évite une fin terrible et n'échappe de nos mains ! pas même l'enfant dans le sein de sa mère ! qu'ils meurent tous avec Ilios, sans sépulture et sans mémoire !

Par ces paroles équitables, le héros changea l'esprit de son frère qui repoussa le héros Adrèstos. Et le roi Agamemnôn le frappa au front et le renversa, et l'Atréide, lui mettant le pied sur la poitrine, arracha la lance de frêne.

Et Nestôr, à haute voix, animait les Argiens :

– Ô amis, héros Danaens, serviteurs d'Arès, que nul ne s'attarde, dans son désir des dépouilles et pour en porter beaucoup vers les nefs ! Tuons des hommes ! Vous dépouillerez ensuite à loisir les morts couchés dans la plaine !

Ayant ainsi parlé, il excitait la force et le courage de chacun. Et les Troiens, domptés par leur lâcheté, eussent regagné la haute Ilios, devant les Akhaiens chers à Arès, si le Priamide Hélénos, le plus illustre de tous les divinateurs, ayant abordé Ainéias et Hektôr, ne leur eût dit :

– Ainéias et Hektôr, puisque le fardeau des Troiens et des Lykiens pèse tout entier sur vous qui êtes les princes du combat et des délibérations, debout ici, arrêtez de toutes parts ce peuple devant les portes, avant qu'ils se réfugient tous jusque dans les bras des femmes et soient en risée aux ennemis.

- page 131 -

Et quand vous aurez exhorté toutes les phalanges, nous combattrons, inébranlables, contre les Danaens, bien que rompus de lassitude ; mais la nécessité le veut. Puis, Hektôr, rends-toi à la ville, et dis à notre mère qu'ayant réuni les femmes âgées dans le temple d'Athènè aux yeux clairs, au sommet de la citadelle, et ouvrant les portes de la maison sacrée, elle pose sur les genoux d'Athènè à la belle chevelure le péplos le plus riche et le plus grand qui soit dans sa demeure, et celui qu'elle aime le plus ; et qu'elle s'engage à sacrifier dans son temple douze génisses d'un an encore indomptées, si elle prend pitié de la ville et des femmes Troiennes et de leurs enfants, et si elle détourne de la sainte Ilios le fils de Tydeus, le féroce guerrier qui répand le plus de terreur et qui est, je pense, le plus brave des Akhaiens. Jamais nous n'avons autant redouté Akhilleus, ce chef des hommes, et qu'on dit le fils d'une déesse ; car Diomèdès est plein d'une grande fureur, et nul ne peut égaler son courage.

Il parla ainsi, et Hektôr obéit à son frère. Et il sauta hors du char avec ses armes, et, agitant deux lances aiguës, il allait de tous côtés par l'armée, excitant au combat, et il suscita une rude bataille. Et tous, s'étant retournés, firent tête aux Akhaiens ; et ceux-ci, reculant, cessèrent le carnage, car ils croyaient qu'un immortel était descendu de l'Ouranos étoilé pour secourir les Troiens, ces derniers revenant ainsi à la charge. Et, d'une voix haute, Hektôr excitait les Troiens :

– Braves Troiens, et vous, alliés venus de si loin, soyez des hommes !

- page 132 -

Souvenez-vous de tout votre courage, tandis que j'irai vers Ilios dire à nos vieillards prudents et à nos femmes de supplier les dieux et de leur vouer des hécatombes.

Ayant ainsi parlé, Hektôr au beau casque s'éloigna, et le cuir noir qui bordait tout autour l'extrémité du bouclier arrondi heurtait ses talons et son cou.

Et Glaukos, fils de Hippolokhos, et le fils de Tydeus, prompts à combattre, s'avancèrent entre les deux armées. Et quand ils furent en face l'un de l'autre, le premier, Diomèdès hardi au combat lui parla ainsi :

– Qui es-tu entre les hommes mortels, ô très brave ? Je ne t'ai jamais vu jusqu'ici dans le combat qui glorifie les guerriers ; et certes, maintenant, tu l'emportes de beaucoup sur eux tous par ta fermeté, puisque tu as attendu ma longue lance. Ce sont les fils des malheureux qui s'opposent à mon courage. Mais si tu es quelque immortel, et si tu viens de l'Ouranos, je ne combattrai point contre les Ouraniens. Car le fils de Dryas, le brave Lykoorgos, ne vécut pas longtemps, lui qui combattait contre les dieux ouraniens. Et il poursuivait, sur le sacré Nysa, les nourrices du furieux Dionysos ; et celles-ci, frappées du fouet du tueur d'hommes Lykoorgos, jetèrent leurs Thyrses ; et Dionysos, effrayé, sauta dans la mer, et Thétis le reçut dans son sein, tremblant et saisi d'un grand frisson à cause des menaces du guerrier.

- page 133 -

Et les dieux qui vivent en repos furent irrités contre celui-ci ; et le fils de Kronos le rendit aveugle, et il ne vécut pas longtemps, parce qu'il était odieux à tous les immortels. Moi, je ne voudrais point combattre contre les dieux heureux. Mais si tu es un des mortels qui mangent les fruits de la terre, approche, afin d'atteindre plus promptement aux bornes de la mort.

Et l'illustre fils de Hippolokhos lui répondit :

– Magnanime Tydéide, pourquoi t'informes-tu de ma race ? La génération des hommes est semblable à celle des feuilles. Le vent répand les feuilles sur la terre, et la forêt germe et en produit de nouvelles, et le temps du printemps arrive. C'est ainsi que la génération des hommes naît et s'éteint. Mais si tu veux savoir quelle est ma race que connaissent de nombreux guerriers, sache qu'il est une ville, Éphyrè, au fond de la terre d'Argos féconde en chevaux. Là vécut Sisyphos, le plus rusé des hommes, Sisyphos Aiolidès ; et il engendra Glaukos, et Glaukos engendra l'irréprochable Bellérophontès, à qui les dieux donnèrent la beauté et la vigueur charmante. Mais Proitos, qui était le plus puissant des Argiens, car Zeus les avait soumis à son sceptre, eut contre lui de mauvaises pensées et le chassa de son peuple. Car la femme de Proitos, la divine Antéia, désira ardemment s'unir au fils de Glaukos par un amour secret ; mais elle ne persuada point le sage et prudent Bellérophontès ; et, pleine de mensonge, elle parla ainsi au roi Proitos :


- page 134 -

– Meurs, Proitos, ou tue Bellérophontès qui, par violence, a voulu s'unir d'amour à moi.

Elle parla ainsi, et, à ces paroles, la colère saisit le roi. Et il ne tua point Bellérophontès, redoutant pieusement ce meurtre dans son esprit ; mais il l'envoya en Lykiè avec des tablettes où il avait tracé des signes de mort, afin qu'il les remît à son beau-père et que celui-ci le tuât. Et Bellérophontès alla en Lykiè sous les heureux auspices des dieux. Et quand il y fut arrivé, sur les bords du rapide Xanthos, le roi de la grande Lykiè le reçut avec honneur, lui fut hospitalier pendant neuf jours et sacrifia neuf bœufs. Mais quand Eôs aux doigts rosés reparut pour la dixième fois, alors il l'interrogea et demanda à voir les signes envoyés par son gendre Proitos. Et, quand il les eut vus, il lui ordonna d'abord de tuer l'indomptable Khimaira. Celle-ci était née des dieux et non des hommes, lion par devant, dragon par l'arrière, et chèvre par le milieu du corps. Et elle soufflait des flammes violentes. Mais il la tua, s'étant fié aux prodiges des dieux. Puis, il combattit les Solymes illustres, et il disait avoir entrepris là le plus rude combat des guerriers. Enfin il tua les Amazones viriles. Comme il revenait, le roi lui tendit un piège rusé, ayant choisi et placé en embuscade les plus braves guerriers de la grande Lykiè. Mais nul d'entre eux ne revit sa demeure, car l'irréprochable Bellérophontès les tua tous. Et le roi connut alors que cet homme était de la race illustre d'un dieu, et il le retint et lui donna sa fille et la moitié de sa domination royale.

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Et les Lykiens lui choisirent un domaine, le meilleur de tous, plein d'arbres et de champs, afin qu'il le cultivât. Et sa femme donna trois enfants au brave Bellérophontès : Isandros, Hippolokhos et Laodaméia. Et le sage Zeus s'unit à Laodaméia, et elle enfanta le divin Sarpèdôn couvert d'airain. Mais quand Bellérophontès fut en haine aux dieux, il errait seul dans le désert d'Alèios. Arès insatiable de guerre tua son fils Isandros, tandis que celui-ci combattait les illustres Solymes. Artémis aux rênes d'or, irritée, tua Laodaméia ; et Hippolokhos m'a engendré, et je dis que je suis né de lui. Et il m'a envoyé à Troiè, m'ordonnant d'être le premier parmi les plus braves, afin de ne point déshonorer la génération de mes pères qui ont habité Éphyrè et la grande Lykiè. Je me glorifie d'être de cette race et de ce sang.

Il parla ainsi, et Diomèdès brave au combat fut joyeux, et il enfonça sa lance dans la terre nourricière, et il dit avec bienveillance au prince des peuples :

– Tu es certainement mon ancien hôte paternel. Autrefois, le noble Oineus reçut pendant vingt jours dans ses demeures hospitalières l'irréprochable Bellérophontès. Et ils se firent de beaux présents. Oineus donna un splendide ceinturon de pourpre, et Bellérophontès donna une coupe d'or très creuse que j'ai laissée, en partant, dans mes demeures. Je ne me souviens point de Tydeus, car il me laissa tout petit quand l'armée des Akhaiens périt devant Thèbè. C'est pourquoi je suis un ami pour toi dans Argos, et tu seras le mien en Lykiè quand j'irai vers ce peuple.

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Évitons nos lances, même dans la mêlée. J'ai à tuer assez d'autres Troiens illustres et d'alliés, soit qu'un dieu me les amène, soit que je les atteigne, et toi assez d'Akhaiens, si tu le peux. Echangeons nos armes, afin que tous sachent que nous sommes des hôtes paternels.

Ayant ainsi parlé tous deux, ils descendirent de leurs chars et se serrèrent la main et échangèrent leur foi. Mais le Kronide Zeus troubla l'esprit de Glaukos qui donna au Tydéide Diomèdès des armes d'or du prix de cent bœufs pour des armes d'airain du prix de neuf bœufs.

Dès que Hektôr fut arrivé aux portes Skaies et au hêtre, toutes les femmes et toutes les filles des Troiens couraient autour de lui, s'inquiétant de leurs fils, de leurs frères, de leurs concitoyens et de leurs maris. Et il leur ordonna de supplier toutes ensemble les dieux, un grand deuil étant réservé à beaucoup d'entre elles. Et quand il fut parvenu à la belle demeure de Priamos aux portiques éclatants, – et là s'élevaient cinquante chambres nuptiales de pierre polie, construites les unes auprès des autres, où couchaient les fils de Priamos avec leurs femmes légitimes ; et, en face, dans la cour, étaient douze hautes chambres nuptiales de pierre polie, construites les unes auprès des autres, où couchaient les gendres de Priamos avec leurs femmes chastes, – sa mère vénérable vint au-devant de lui, comme elle allait chez Laodikè, la plus belle de ses filles, et elle lui prit la main et parla ainsi :


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– Enfant, pourquoi as-tu quitté la rude bataille ? Les fils odieux des Akhaiens nous pressent sans doute et combattent autour de la ville, et tu es venu tendre les mains vers Zeus, dans la citadelle ? Attends un peu, et je t'apporterai un vin mielleux afin que tu en fasses des libations au père Zeus et aux autres immortels, et que tu sois ranimé, en ayant bu ; car le vin augmente la force du guerrier fatigué ; et ta fatigue a été grande, tandis que tu défendais tes concitoyens.

Et le grand Hektôr au casque mouvant lui répondit :

– Ne m'apporte pas un vin mielleux, mère vénérable, de peur que tu m'affaiblisses et que je perde force et courage. Je craindrais de faire des libations de vin pur à Zeus avec des mains souillées, car il n'est point permis, plein de sang et de poussière, d'implorer le Krôniôn qui amasse les nuées. Donc, porte des parfums et réunis les femmes âgées dans le temple d'Athènè dévastatrice ; et dépose sur les genoux d'Athènè à la belle chevelure le péplos le plus riche et le plus grand qui soit dans ta demeure, et celui que tu aimes le plus ; et promets de sacrifier dans son temple douze génisses d'un an, encore indomptées, si elle prend pitié de la ville et des femmes Troiennes et de leurs enfants, et si elle détourne de la sainte Ilios le fils de Tydeus, le féroce guerrier qui répand le plus de terreur. Va donc au temple d'Athènè dévastatrice, et moi, j'irai vers Pâris, afin de l'appeler, si pourtant il veut entendre ma voix.

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Plût aux dieux que la terre s'ouvrît sous lui ! car l'Olympien l'a certainement nourri pour la ruine entière des Troiens, du magnanime Priamos et de ses fils. Si je le voyais descendre chez Aidès, mon âme serait délivrée de ses amères douleurs.

Il parla ainsi, et Hékabè se rendit à sa demeure et commanda aux servantes ; et celles-ci, par la ville, réunirent les femmes âgées. Puis Hékabè entra dans sa chambre nuptiale parfumée où étaient des péplos diversement peints, ouvrage des femmes Sidoniennes que le divin Alexandros avait ramenées de Sidôn, dans sa navigation sur la haute mer par où il avait conduit Hélènè née d'un père divin. Et, pour l'offrir à Athènè, Hékabè en prit un, le plus beau, le plus varié et le plus grand ; et il brillait comme une étoile et il était placé le dernier. Et elle se mit en marche, et les femmes âgées la suivaient.

Et quand elles furent arrivées dans le temple d'Athènè, Théanô aux belles joues, fille de Kissèis, femme du dompteur de chevaux Antènôr, leur ouvrit les portes, car les Troiens l'avaient faite prêtresse d'Athènè. Et toutes, avec un gémissement, tendirent les mains vers Athènè. Et Théanô aux belles joues, ayant reçu le péplos, le déposa sur les genoux d'Athènè à la belle chevelure, et, en le lui vouant, elle priait la fille du grand Zeus :


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– Vénérable Athènè, gardienne de la ville, très divine déesse, brise la lance de Diomèdès, et fais-le tomber lui-même devant les portes Skaies, afin que nous te sacrifiions dans ton temple douze génisses d'un an, encore indomptées, si tu prends pitié de la ville, des femmes Troiennes et de leurs enfants.

Elle parla ainsi dans son vœu, et elles suppliaient ainsi la fille du grand Zeus ; mais Pallas Athènè les refusa.

Et Hektôr gagna les belles demeures d'Alexandros, que celui-ci avait construites lui-même à l'aide des meilleurs ouvriers de la riche Troiè. Et ils avaient construit une chambre nuptiale, une maison et une cour, auprès des demeures de Priamos et de Hektôr, au sommet de la citadelle. Ce fut là que Hektôr, cher à Zeus, entra. Et il tenait à la main une lance haute de dix coudées ; et une pointe d'airain étincelait à l'extrémité de la lance, fixée par un anneau d'or. Et, dans la chambre nuptiale, il trouva Alexandros qui s'occupait de ses belles armes, polissant son bouclier, sa cuirasse et ses arcs recourbés. Et l'Argienne Hélénè était assise au milieu de ses femmes, dirigeant leurs beaux travaux.

Et Hektôr, ayant regardé Pâris, lui dit ces paroles outrageantes :

– Misérable ! la colère que tu as ressentie n'était point bonne. Nos troupes périssent autour de la ville, sous les hautes murailles.

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MessageSujet: Re: L'Illiade   L'Illiade EmptyVen 20 Jan - 19:46

Ôe à toi, les clameurs de la guerre montent avec fureur autour de cette ville, et tu blâmerais toi-même celui que tu verrais s'éloigner de la rude bataille. Lève-toi donc, si tu ne veux voir la ville consumée bientôt par la flamme ardente.

Et le divin Alexandros lui répondit :

– Hektôr, puisque tu ne m'as point blâmé avec violence, mais dans la juste mesure, je te répondrai. Je ne restais point dans ma chambre nuptiale par colère ou par indignation contre les Troiens, mais pour me livrer à la douleur. Maintenant que mon épouse me conseille par de douces paroles de retourner au combat, je crois, comme elle, que cela est pour le mieux. La victoire exauce tour à tour les guerriers. Mais attends que je revête mes armes belliqueuses, ou précède-moi, je vais te suivre.

Il parla ainsi, et Hektôr ne lui répondit rien ; et Hélénè dit à Hektôr ces douces paroles :

– Mon frère, frère d'une misérable chienne de malheur, et horrible ! Plût aux dieux qu'au jour même où ma mère m'enfanta un furieux souffle de vent m'eût emportée sur une montagne ou abîmée dans la mer tumultueuse, et que l'onde m'eût engloutie, avant que ces choses fussent arrivées ! Mais, puisque les dieux avaient résolu ces maux, je voudrais être la femme d'un meilleur guerrier, et qui souffrît au moins de l'indignation et des exécrations des hommes.

- page 141 -

Mais celui-ci n'a point un cœur inébranlable, et il ne l'aura jamais, et je pense qu'il en portera bientôt la peine. Viens, mon frère, entre et prends ce siège, car ton âme est pleine d'un lourd souci, grâce à moi, chienne que je suis, et grâce au crime d'Alexandros. Zeus nous a fait à tous deux une mauvaise destinée, afin que nous soyons célèbres par là chez les hommes qui naîtront dans l'avenir.

Et le grand Hektôr au casque mouvant lui répondit :

– Ne me fais point asseoir, Hélénè, bien que tu m'aimes, car tu ne me persuaderas point. Mon cœur est plein du désir de secourir les Troiens qui regrettent vivement mon absence. Mais excite Pâris, et qu'il se hâte de me suivre, tandis que je serai encore dans la ville. Je vais, dans ma demeure, revoir mes serviteurs, ma femme bien-aimée et mon petit enfant. Je ne sais s'il me sera permis de les revoir jamais plus, ou si les dieux me dompteront par les mains des Akhaiens.

Ayant ainsi parlé, Hektôr au casque mouvant sortit et parvint bientôt à ses demeures, et il n'y trouva point Andromakhè aux bras blancs, car elle était sortie avec son fils et une servante au beau péplos, et elle se tenait sur la tour, pleurant et gémissant. Hektôr, n'ayant point trouvé dans ses demeures sa femme irréprochable, s'arrêta sur le seuil et parla ainsi aux servantes :

– Venez, servantes, et dites-moi la vérité. Où est allée, hors des demeures, Andromakhè aux bras blancs ?

- page 142 -

Est-ce chez mes sœurs, ou chez mes belles-sœurs au beau péplos, ou dans le temple d'Athènè avec les autres Troiennes qui apaisent la puissante déesse à la belle chevelure ?

Et la vigilante intendante lui répondit :

– Hektôr, puisque tu veux que nous disions la vérité, elle n'est point allée chez tes sœurs, ni chez tes belles-sœurs au beau péplos, ni dans le temple d'Athènè avec les autres Troiennes qui apaisent la puissante déesse à la belle chevelure ; mais elle est au faîte de la vaste tour d'Ilios, ayant appris une grande victoire des Akhaiens sur les Troiens. Et, pleine d'égarement, elle s'est hâtée de courir aux murailles, et la nourrice, auprès d'elle, portait l'enfant.

Et la femme intendante parla ainsi. Hektôr, étant sorti de ses demeures, reprit son chemin à travers les rues magnifiquement construites et populeuses, et, traversant la grande ville, il arriva aux portes Skaies par où il devait sortir dans la plaine. Et sa femme, qui lui apporta une riche dot, accourut au-devant de lui, Andromakhè, fille du magnanime Êétiôn qui habita sous le Plakos couvert de forêts, dans Thèbè Hypoplakienne, et qui commanda aux Kilikiens. Et sa fille était la femme de Hektôr au casque d'airain. Et quand elle vint au-devant de lui, une servante l'accompagnait qui portait sur le sein son jeune fils, petit enfant encore, le Hektoréide bien-aimé, semblable à une belle étoile. Hektôr le nommait Skamandrios, mais les autres Troiens Astyanax, parce que Hektôr seul protégeait Troiè.

- page 143 -

Et il sourit en regardant son fils en silence ; mais Andromakhè, se tenant auprès de lui en pleurant, prit sa main et lui parla ainsi :

– Malheureux, ton courage te perdra ; et tu n'as pitié ni de ton fils enfant, ni de moi, misérable, qui serai bientôt ta veuve, car les Akhaiens te tueront en se ruant tous contre toi. Il vaudrait mieux pour moi, après t'avoir perdu, subir la sépulture, car rien ne me consolera quand tu auras accompli ta destinée, et il ne me restera que mes douleurs. Je n'ai plus ni mon père ni ma mère vénérable. Le divin Akhilleus tua mon père, quand il saccagea la ville populeuse des Kilikiens, Thèbè aux portes hautes. Il tua Êétiôn, mais il ne le dépouilla point, par un respect pieux. Il le brûla avec ses belles armes et il lui éleva un tombeau, et les nymphes orestiades, filles de Zeus tempétueux, plantèrent des ormes autour. J'avais sept frères dans nos demeures ; et tous descendirent en un jour chez Aidès, car le divin Akhilleus aux pieds rapides les tua tous, auprès de leurs bœufs aux pieds lents et de leurs blanches brebis. Et il emmena, avec les autres dépouilles, ma mère qui régnait sous le Plakos planté d'arbres, et il l'affranchit bientôt pour une grande rançon ; mais Artémis qui se réjouit de ses flèches la perça dans nos demeures. Hektôr ! Tu es pour moi un père, une mère vénérable, un frère et un époux plein de jeunesse ! Aie pitié ! Reste sur cette tour ; ne fais point ton fils orphelin et ta femme veuve. Réunis l'armée auprès de ce figuier sauvage où l'accès de la ville est le plus facile.

- page 144 -

Déjà, trois fois, les plus courageux des Akhaiens ont tenté cet assaut, les deux Aias, l'illustre Idoméneus, les Atréides et le brave fils de Tydeus, soit par le conseil d'un divinateur, soit par le seul élan de leur courage.

Et le grand Hektôr au casque mouvant lui répondit :

– Certes, femme, ces inquiétudes me possèdent aussi, mais je redouterais cruellement les Troiens et les Troiennes aux longs péplos traînants, si, comme un lâche, je fuyais le combat. Et mon cœur ne me pousse point à fuir, car j'ai appris à être toujours audacieux et à combattre, parmi les premiers, pour la gloire de mon père et pour la mienne. Je sais, dans mon esprit et dans mon cœur, qu'un jour viendra où la sainte Troiè périra, et Priamos, et le brave peuple de Priamos. Mais ni le malheur futur des Troiens ni celui de Hékabè elle-même, du roi Priamos et de mes frères courageux qui tomberont en foule sous les guerriers ennemis, ne m'afflige autant que le tien, quand un Akhaien cuirassé d'airain te ravira la liberté et t'emmènera pleurante ! Et tu tisseras la toile de l'étranger, et tu porteras de force l'eau de Messèis et de Hypéréiè, car la dure nécessité le voudra. Et, sans doute, quelqu'un dira, te voyant répandre des larmes : – Celle-ci est la femme de Hektôr qui était le plus brave des Troiens dompteurs de chevaux quand il combattait autour de Troiè.’ – Quelqu'un dira cela, et tu seras déchirée d'une grande douleur, en songeant à cet époux que tu auras perdu, et qui, seul, pourrait finir ta servitude.

- page 145 -

Mais que la lourde terre me recouvre mort, avant que j'entende tes cris et que je te voie arracher d'ici !

Ayant ainsi parlé, l'illustre Hektôr tendit les mains vers son fils, mais l'enfant se rejeta en arrière dans le sein de la nourrice à la belle ceinture, épouvanté à l'aspect de son père bien-aimé, et de l'airain et de la queue de cheval qui s'agitait terriblement sur le cône du casque. Et le père bien-aimé sourit et la mère vénérable aussi. Et l'illustre Hektôr ôta son casque et le déposa resplendissant sur la terre. Et il baisa son fils bien-aimé, et, le berçant dans ses bras, il supplia Zeus et les autres dieux :

– Zeus, et vous, dieux, faites que mon fils s'illustre comme moi parmi les Troiens, qu'il soit plein de force et qu'il règne puissamment dans Troiè ! Qu'on dise un jour, le voyant revenir du combat : Celui-ci est plus brave que son père ! Qu'ayant tué le guerrier ennemi, il rapporte de sanglantes dépouilles, et que le cœur de sa mère en soit réjoui !

Ayant ainsi parlé, il déposa son enfant entre les bras de sa femme bien-aimée, qui le reçut sur son sein parfumé, en pleurant et en souriant ; et le guerrier, voyant cela, la caressa de la main et lui dit :

– Malheureuse, ne te désespère point à cause de moi. Aucun guerrier ne m'enverra chez Aidès contre ma destinée, et nul homme vivant ne peut fuir sa destinée, lâche ou brave.

- page 146 -

Mais retourne dans tes demeures, prends soin de tes travaux, de la toile et de la quenouille, et mets tes servantes à leur tâche. Le souci de la guerre appartient à tous les guerriers qui sont nés dans Ilios, et surtout à moi.

Ayant ainsi parlé, l'illustre Hektôr reprit son casque à flottante queue de cheval. Et l'épouse bien-aimée retourna vers ses demeures, regardant en arrière et versant des larmes. Et aussitôt qu'elle fut arrivée aux demeures du tueur d'hommes Hektôr, elle y trouva ses nombreuses servantes en proie à une grande douleur. Et celles-ci pleuraient, dans ses demeures, Hektôr encore vivant, ne pensant pas qu'il revînt jamais plus du combat, ayant échappé aux mains guerrières des Akhaiens.

Et Pâris ne s'attardait point dans ses hautes demeures mais, ayant revêtu ses armes excellentes, d'un airain varié, il parcourait la ville, de ses pieds rapides, tel qu'un étalon qui, longtemps nourri d'orge à la crèche, ses liens étant rompus, court dans la plaine en frappant la terre et saute dans le fleuve au beau cours où il a coutume de se baigner. Et il redresse la tête, et ses crins flottent épars sur ses épaules, et, fier de sa beauté, ses jarrets le portent d'un trait aux lieux où paissent les chevaux. Ainsi Pâris Priamide, sous ses armes éclatantes comme l'éclair, descendait de la hauteur de Pergamos ; et ses pieds rapides le portaient ; et voici qu'il rencontra le divin Hektôr, son frère, comme celui-ci quittait le lieu où il s'était entretenu avec Andromakhè.


- page 147 -

Et, le premier, le roi Alexandros lui dit :

– Frère vénéré, sans doute je t'ai retardé et je ne suis point venu promptement comme tu me l'avais ordonné.

Hektôr au casque mouvant lui répondit :

– Ami, aucun guerrier, avec équité, ne peut te blâmer dans le combat, car tu es brave ; mais tu te lasses vite, et tu refuses alors de combattre, et mon cœur est attristé par les outrages que t'adressent les Troiens qui subissent tant de maux à cause de toi. Mais, allons ! et nous apaiserons ces ressentiments, si Zeus nous donne d'offrir un jour, dans nos demeures, un libre kratère aux dieux ouraniens qui vivent toujours, après avoir chassé loin de Troiè les Akhaiens aux belles knèmides.

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Ayant ainsi parlé, l'illustre Hektôr sortit des portes, et son frère Alexandros l'accompagnait, et tous deux, dans leur cœur, étaient pleins du désir de combattre. Comme un dieu envoie un vent propice aux matelots suppliants qui se sont épuisés à battre la mer de leurs avirons polis, de sorte que leurs membres sont rompus de fatigue, de même les Priamides apparurent aux Troiens qui les désiraient.

Et aussitôt Alexandros tua le fils du roi Arèithoos, Ménèsthios, qui habitait dans Arnè, et que Arèithoos qui combattait avec une massue engendra de Philomédousa aux yeux de bœuf. Et Hektôr tua, de sa pique aiguë, Eionèos ; et l'airain le frappa au cou, sous le casque, et brisa ses forces. Et Glaukos, fils de Hippolokhos, chef des Lykiens, blessa, de sa pique, entre les épaules, au milieu de la mêlée, Iphinoos Dexiade qui sautait sur ses chevaux rapides. Et il tomba sur la terre, et ses forces furent brisées.

Et la divine Athènè aux yeux clairs, ayant vu les Argiens qui périssaient dans la rude bataille, descendit à la hâte du faîte de l'Olympos devant la sainte Ilios, et Apollôn accourut vers elle, voulant donner la victoire aux Troiens, et l'ayant vue de la hauteur de Pergamos. Et ils se rencontrèrent auprès du hêtre, et le roi Apollôn, fils de Zeus, parla le premier :

– Pourquoi, pleine d'ardeur, viens-tu de nouveau de l'Olympos, fille du grand Zeus ? Est-ce pour assurer aux Danaens la victoire douteuse ?

- page 149 -

Car tu n'as nulle pitié des Troiens qui périssent. Mais, si tu veux m'en croire, ceci sera pour le mieux. Arrêtons pour aujourd'hui la guerre et le combat. Tous lutteront ensuite jusqu'à la chute de Troiè, puisqu'il vous plaît, à vous, immortels, de renverser cette ville.

Et la déesse aux yeux clairs, Athènè, lui répondit :

– Qu'il en soit ainsi, ô archer ! C'est dans ce même dessein que je suis venue de l'Olympos vers les Troiens et les Akhaiens. Mais comment arrêteras-tu le combat des guerriers ?

Et le roi Apollôn, fils de Zeus, lui répondit :

– Excitons le solide courage de Hektôr dompteur de chevaux, et qu'il provoque, seul, un des Danaens à combattre un rude combat. Et les Akhaiens aux knèmides d'airain exciteront un des leurs à combattre le divin Hektôr.

Il parla ainsi, et la divine Athènè aux yeux clairs consentit. Et Hélénos, le cher fils de Priamos, devina dans son esprit ce qu'il avait plu aux dieux de décider, et il s'approcha de Hektôr et lui parla ainsi :

– Hektôr Priamide, égal à Zeus en sagesse, voudras-tu m'en croire, moi qui suis ton frère ? Fais que les Troiens et tous les Akhaiens s'arrêtent, et provoque le plus brave des Akhaiens à combattre contre toi un rude combat.

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MessageSujet: Re: L'Illiade   L'Illiade EmptyVen 20 Jan - 19:48

Ômoire n'est point de mourir et de subir aujourd'hui ta destinée, car j'ai entendu la voix des dieux qui vivent toujours.

Il parla ainsi, et Hektôr s'en réjouit, et, s'avançant en tête des Troiens, il arrêta leurs phalanges à l'aide de la pique qu'il tenait par le milieu, et tous s'arrêtèrent. Et Agamemnôn contint aussi les Akhaiens aux belles knèmides. Et Athènè et Apollôn qui porte l'arc d'argent, semblables à des vautours, s'assirent sous le hêtre élevé du père Zeus tempétueux qui se réjouit des guerriers. Et les deux armées, par rangs épais, s'assirent, hérissées et brillantes de boucliers, de casques et de piques. Comme, au souffle de Zéphyros, l'ombre se répand sur la mer qui devient toute noire, de même les rangs des Akhaiens et des Troiens couvraient la plaine. Et Hektôr leur parla ainsi :

– Écoutez-moi, Troiens et Akhaiens aux belles knèmides, afin que je vous dise ce que mon cœur m'ordonne de dire. Le sublime Kronide n'a point scellé notre alliance, mais il songe à nous accabler tous de calamités, jusqu'à ce que vous preniez Troiè aux fortes tours, ou que vous soyez domptés auprès des nefs qui fendent la mer. Puisque vous êtes les princes des Panakhaiens, que celui d'entre vous que son courage poussera à combattre contre moi sorte des rangs et combatte le divin Hektôr.

- page 151 -

Je vous le dis, et que Zeus soit témoin : si celui-là me tue de sa pique d'airain, me dépouillant de mes armes, il les emportera dans ses nefs creuses ; mais il renverra mon corps dans ma demeure, afin que les Troiens et les femmes des Troiens brûlent mon cadavre sur un bûcher ; et, si je le tue, et qu'Apollôn me donne cette gloire, j'emporterai ses armes dans la sainte Ilios et je les suspendrai dans le temple de l'archer Apollôn ; mais je renverrai son corps aux nefs solides, afin que les Akhaiens chevelus l'ensevelissent. Et ils lui élèveront un tombeau sur le rivage du large Hellèspontos. Et quelqu'un d'entre les hommes futurs, naviguant sur la noire mer, dans sa nef solide, dira, voyant ce tombeau d'un guerrier mort depuis longtemps : – Celui-ci fut tué autrefois par l'illustre Hektôr dont le courage était grand.’ Il le dira, et ma gloire ne mourra jamais.

Il parla ainsi, et tous restèrent muets, n'osant refuser ni accepter. Alors Ménélaos se leva et dit, plein de reproches, et soupirant profondément :

– Hélas ! Akhaiennes menaçantes, et non plus Akhaiens ! certes, ceci nous sera un grand opprobre, si aucun des Danaens ne se lève contre Hektôr. Mais que la terre et l'eau vous manquent, à vous qui restez assis sans courage et sans gloire ! Moi, je m'armerai donc contre Hektôr, car la victoire enfin est entre les mains des dieux immortels.

Il parla ainsi, et il se couvrait de ses belles armes.

- page 152 -

Alors, Ménélaos, tu aurais trouvé la fin de ta vie sous les mains de Hektôr, car il était beaucoup plus fort que toi, si les rois des Akhaiens, s'étant levés, ne t'eussent retenu. Et l'Atréide Agamemnôn qui commande au loin lui prit la main et lui dit :

– Insensé Ménélaos, nourrisson de Zeus, d'où te vient cette démence ? Contiens-toi, malgré ta douleur. Cesse de vouloir combattre contre un meilleur guerrier que toi, le Priamide Hektôr, que tous redoutent. Akhilleus, qui est beaucoup plus fort que toi dans la bataille qui illustre les guerriers, craint de le rencontrer. Reste donc assis dans les rangs de tes compagnons, et les Akhaiens exciteront un autre combattant. Bien que le Priamide soit brave et insatiable de guerre, je pense qu'il se reposera volontiers, s'il échappe à ce rude combat.

Il parla ainsi, et l'esprit du héros fut persuadé par les paroles sages de son frère, et il lui obéit. Et ses serviteurs, joyeux, enlevèrent les armes de ses épaules. Et Nestôr se leva au milieu des Argiens et dit :

– Ah ! certes, un grand deuil envahit la terre Akhaienne ! Et le vieux cavalier Pèleus, excellent et sage agorète des Myrmidônes, va gémir grandement, lui qui, autrefois, m'interrogeant dans sa demeure, apprenait, plein de joie, quels étaient les pères et les fils de tous les Akhaiens !

- page 153 -

Quand il saura que tous sont épouvantés par Hektôr, il étendra souvent les mains vers les immortels, afin que son âme, hors de son corps, descende dans la demeure d'Aidès ! Plût à vous, ô Zeus, Athènè et Apollôn, que je fusse plein de jeunesse, comme au temps où, près du rapide Kéladontès, les Pyliens combattaient les Arkadiens armés de piques, sous les murs de Phéia où viennent les eaux courantes du Iardanos. Au milieu d'eux était le divin guerrier Éreuthaliôn, portant sur ses épaules les armes du roi Arèithoos, du divin Arèithoos que les hommes et les femmes aux belles ceintures appelaient le porte-massue, parce qu'il ne combattait ni avec l'arc, ni avec la longue pique, mais qu'il rompait les rangs ennemis à l'aide d'une massue de fer. Lykoorgos le tua par ruse, et non par force, dans une route étroite, où la massue de fer ne put écarter de lui la mort. Là, Lykoorgos, le prévenant, le perça de sa pique dans le milieu du corps, et le renversa sur la terre. Et il le dépouilla des armes que lui avait données le rude Arès. Dès lors, Lykoorgos les porta dans la guerre ; mais, devenu vieux dans ses demeures, il les donna à son cher compagnon Éreuthaliôn, qui, étant ainsi armé, provoquait les plus braves. Et tous tremblaient, pleins de crainte, et nul n'osait. Et mon cœur hardi me poussa à combattre, confiant dans mes forces, bien que le plus jeune de tous. Et je combattis, et Athènè m'accorda la victoire, et je tuai ce très robuste et très brave guerrier dont le grand corps couvrit un vaste espace. Plût aux dieux que je fusse ainsi plein de jeunesse et que mes forces fussent intactes ! Hektôr au casque mouvant commencerait aussitôt le combat.

- page 154 -

Mais vous ne vous hâtez point de lutter contre Hektôr, vous qui êtes les plus braves des Panakhaiens.

Et le vieillard leur fit ces reproches, et neuf d'entre eux se levèrent. Et le premier fut le roi des hommes, Agamemnôn. Puis, le brave Diomèdès Tydéide se leva. Et après eux se levèrent les Aias revêtus d'une grande force, et Idoméneus et le compagnon d'Idoméneus, Mèrionès, semblable au tueur de guerriers Arès, et Eurypylos, l'illustre fils d'Évaimôn, et Thoas Andraimonide et le divin Odysseus. Tous voulaient combattre contre le divin Hektôr. Et le cavalier Gérennien Nestôr dit au milieu d'eux :

– Remuez maintenant tous les sorts, et celui qui sera choisi par le sort combattra pour tous les Akhaiens aux belles knèmides, et il se réjouira de son courage, s'il échappe au rude combat et à la lutte dangereuse.

Il parla ainsi, et chacun marqua son signe, et tous furent mêlés dans le casque de l'Atréide Agamemnôn. Et les peuples priaient, élevant les mains vers les dieux, et chacun disait, regardant le large Ouranos :

– Père Zeus, fais sortir le signe d'Aias, ou du fils de Tydeus, ou du roi de la très riche Mykènè !

Ils parlèrent ainsi, et le cavalier Gérennien Nestôr agita le casque et en fit sortir le signe d'Aias que tous désiraient.

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Un héraut le prit, le présentant par la droite aux princes Akhaiens. Et ceux qui ne le reconnaissaient point le refusaient. Mais quand il parvint à celui qui l'avait marqué et jeté dans le casque, à l'illustre Aias, celui-ci le reconnut aussitôt, et, le laissant tomber à ses pieds, il dit, plein de joie :

– Ô amis, ce signe est le mien ; et je m'en réjouis dans mon cœur, et je pense que je dompterai le divin Hectôr. Allons ! pendant que je revêtirai mes armes belliqueuses, suppliez tout bas, afin que les Troiens ne vous entendent point, le roi Zeus Kroniôn ; ou priez-le tout haut, car nous ne craignons personne. Quel guerrier pourrait me dompter aisément, à l'aide de sa force ou de ma faiblesse ? Je suis né dans Salamis, et je n'y ai point été élevé sans gloire.

Il parla ainsi, et tous suppliaient le père Zeus Kroniôn, et chacun disait, regardant le vaste Ouranos :

– Père Zeus, qui commandes de l'Ida, très auguste, très grand, donne la victoire à Aias et qu'il remporte une gloire brillante ; mais, si tu aimes Hektôr et le protèges, fais que le courage et la gloire des deux guerriers soient égaux.

Ils parlèrent ainsi, et Aias s'armait de l'airain éclatant. Et après qu'il eut couvert son corps de ses armes, il marcha en avant, pareil au monstrueux Arès que le Kroniôn envoie au milieu des guerriers qu'il pousse à combattre, le cœur plein de fureur.

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Ainsi marchait le grand Aias, rempart des Akhaiens, avec un sourire terrible, à grands pas, et brandissant sa longue pique. Et les Argiens se réjouissaient en le regardant, et un tremblement saisit les membres des Troiens, et le cœur de Hektôr lui-même palpita dans sa poitrine ; mais il ne pouvait reculer dans la foule des siens, ni fuir le combat, puisqu'il l'avait demandé. Et Aias s'approcha, portant un bouclier fait d'airain et de sept peaux de bœuf, et tel qu'une tour. Et l'excellent ouvrier Tykhios qui habitait Hylè l'avait fabriqué à l'aide de sept peaux de forts taureaux, recouvertes d'une plaque d'airain. Et Aias Télamônien, portant ce bouclier devant sa poitrine, s'approcha de Hektôr, et dit ces paroles menaçantes :

– Maintenant, Hektôr, tu sauras, seul à seul, quels sont les chefs des Danaens, sans compter Akhilleus au cœur de lion, qui rompt les phalanges des guerriers. Il repose aujourd'hui, sur le rivage de la mer, dans ses nefs aux poupes recourbées, irrité contre Agamemnôn le prince des peuples ; mais nous pouvons tous combattre contre toi. Commence donc le combat.

Et Hektôr au casque mouvant lui répondit :

– Divin Aias Télamônien, prince des peuples, ne m'éprouve point comme si j'étais un faible enfant ou une femme qui ignore les travaux de la guerre. Je sais combattre et tuer les hommes, et mouvoir mon dur bouclier de la main droite ou de la main gauche, et il m'est permis de combattre audacieusement.

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Je sais, dans la rude bataille, de pied ferme marcher au son d'Arès, et me jeter dans la mêlée sur mes cavales rapides. Mais je ne veux point frapper un homme tel que toi par surprise, mais en face, si je puis.

Il parla ainsi, et il lança sa longue pique vibrante et frappa le grand bouclier d'Aias. Et la pique irrésistible pénétra à travers les sept peaux de bœuf jusqu'à la dernière lame d'airain. Et le divin Aias lança aussi sa longue pique, et il en frappa le bouclier égal du Priamide ; et la pique solide pénétra dans le bouclier éclatant, et, perçant la cuirasse artistement faite, déchira la tunique sur le flanc. Mais le Priamide se courba et évita la noire kèr.

Et tous deux, relevant leurs piques, se ruèrent, semblables à des lions mangeurs de chair crue, ou à des sangliers dont la vigueur est grande. Et le Priamide frappa de sa pique le milieu du bouclier, mais il n'en perça point l'airain, et la pointe s'y tordit. Et Aias, bondissant, frappa le bouclier, qu'il traversa de sa pique, et il arrêta Hektôr qui se ruait, et il lui blessa la gorge, et un sang noir en jaillit. Mais Hektôr au casque mouvant ne cessa point de combattre, et, reculant, il prit de sa forte main une pierre grande, noire et rugueuse, qui gisait sur la plaine, et il frappa le milieu du grand bouclier couvert de sept peaux de bœuf, et l'airain résonna sourdement. Et Aias, soulevant à son tour une pierre plus grande encore, la lança en lui imprimant une force immense.

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Et, de cette pierre, il brisa le bouclier, et les genoux du Priamide fléchirent, et il tomba à la renverse sous le bouclier. Mais Apollôn le releva aussitôt. Et déjà ils se seraient frappés tous deux de leurs épées, en se ruant l'un contre l'autre, si les hérauts, messagers de Zeus et des hommes, n'étaient survenus, l'un du côté des Troiens, l'autre du côté des Akhaiens cuirassés, Talthybios et Idaios, sages tous deux. Et ils levèrent leurs sceptres entre les deux guerriers, et Idaios, plein de conseils prudents, leur dit :

– Ne combattez pas plus longtemps, mes chers fils. Zeus qui amasse les nuées vous aime tous deux, et tous deux vous êtes très braves, comme nous le savons tous. Mais voici la nuit, et il est bon d'obéir à la nuit.

Et le Télamônien Aias lui répondit :

– Idaios, ordonne à Hektôr de parler. C'est lui qui a provoqué au combat les plus braves d'entre nous. Qu'il décide, et j'obéirai, et je ferai ce qu'il fera.

Et le grand Hektôr au casque mouvant lui répondit :

– Aias, un dieu t'a donné la prudence, la force et la grandeur, et tu l'emportes par ta lance sur tous les Akhaiens. Cessons pour aujourd'hui la lutte et le combat. Nous combattrons de nouveau plus tard, jusqu'à ce qu'un dieu en décide et donne à l'un de nous la victoire.

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Voici la nuit, et il est bon d'obéir à la nuit, afin que tu réjouisses, auprès des nefs Akhaiennes, tes concitoyens et tes compagnons, et que j'aille, dans la grande ville du roi Priamos, réjouir les Troiens et les Troiennes ornées de longues robes, qui prieront pour moi dans les temples divins. Mais faisons-nous de mutuels et illustres dons, afin que les Akhaiens et les Troiens disent : Ils ont combattu pour la discorde qui brûle le cœur, et voici qu'ils se sont séparés avec amitié.

Ayant ainsi parlé, il offrit à Aias l'épée aux clous d'argent, avec la gaine et les courroies artistement travaillées, et Aias lui donna un ceinturon éclatant, couleur de pourpre. Et ils se retirèrent, l'un vers l'armée des Akhaiens, l'autre vers les Troiens. Et ceux-ci se réjouirent en foule, quand ils virent Hektôr vivant et sauf, échappé des mains invaincues et de la force d'Aias. Et ils l'emmenèrent vers la ville, après avoir désespéré de son salut.

Et, de leur côté, les Akhaiens bien armés conduisirent au divin Agamemnôn Aias joyeux de sa victoire. Et quand ils furent arrivés aux tentes de l'Atréide, le roi des hommes Agamemnôn sacrifia au puissant Kroniôn un taureau de cinq ans. Après l'avoir écorché, disposé et coupé adroitement en morceaux, ils percèrent ceux-ci de broches, les firent rôtir avec soin et les retirèrent du feu. Puis, ils préparèrent le repas et se mirent à manger, et aucun ne put se plaindre, en son âme, de manquer d'une part égale.

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MessageSujet: Re: L'Illiade   L'Illiade EmptyVen 20 Jan - 19:48

Ôs le héros Atréide Agamemnôn, qui commande au loin, honora Aias du dos entier. Et, tous ayant bu et mangé selon leur soif et leur faim, le vieillard Nestôr ouvrit le premier le conseil et parla ainsi, plein de prudence :

– Atréides, et vous, chefs des Akhaiens, beaucoup d'Akhaiens chevelus sont morts, dont le rude Arès a répandu le sang noir sur les bords du clair Skamandros, et dont les âmes sont descendues chez Aidès. C'est pourquoi il faut suspendre le combat dès la lueur du matin. Puis, nous étant réunis, nous enlèverons les cadavres à l'aide de nos bœufs et de nos mulets, et nous les brûlerons devant les nefs, afin que chacun en rapporte les cendres à ses fils, quand tous seront de retour dans la terre de la patrie. Et nous leur élèverons, autour d'un seul bûcher, un même tombeau dans la plaine. Et tout auprès, nous construirons aussitôt de hautes tours qui nous protégeront nous et nos nefs. Et nous y mettrons des portes solides pour le passage des cavaliers, et nous creuserons en dehors un fossé profond qui arrêtera les cavaliers et les chevaux, si les braves Troiens poussent le combat jusque là.

Il parla ainsi, et tous les rois l'approuvèrent.

Et l'agora tumultueuse et troublée des Troiens s'était réunie devant les portes de Priamos, sur la haute citadelle d'Ilios. Et le sage Antènôr parla ainsi le premier :


- page 161 -

– Écoutez-moi, Troiens, Dardaniens et alliés, afin que je dise ce que mon cœur m'ordonne. Allons ! rendons aux Atréides l'Argienne Hélénè et toutes ses richesses, et qu'ils les emmènent. Nous combattons maintenant contre les serments sacrés que nous avons jurés, et je n'espère rien de bon pour nous, si vous ne faites ce que je dis.

Ayant ainsi parlé, il s'assit. Et alors se leva du milieu de tous le divin Alexandros, l'époux de Hélénè à la belle chevelure. Et il répondit en paroles ailées :

– Antènôr, ce que tu as dit ne m'est point agréable. Tu aurais pu concevoir de meilleurs desseins, et, si tu as parlé sérieusement, certes, les dieux t'ont ravi l'esprit. Mais je parle devant les Troiens dompteurs de chevaux, et je repousse ce que tu as dit. Je ne rendrai point cette femme. Pour les richesses que j'ai emportées d'Argos dans ma demeure, je veux les rendre toutes, et j'y ajouterai des miennes.

Ayant ainsi parlé, il s'assit. Et, au milieu de tous, se leva le Dardanide Priamos, semblable à un dieu par sa prudence. Et, plein de sagesse, il parla ainsi et dit :

– Écoutez-moi, Troiens, Dardaniens et alliés, afin que je dise ce que mon cœur m'ordonne. Maintenant, prenez votre repas comme d'habitude, et faites tour à tour bonne garde.

- page 162 -

Que dès le matin Idaios se rende aux nefs creuses, afin de porter aux Atréides Agamemnôn et Ménélaos l'offre d'Alexandros d'où viennent nos discordes. Et qu'il leur demande, par de sages paroles, s'ils veulent suspendre la triste guerre jusqu'à ce que nous ayons brûlé les cadavres. Nous combattrons ensuite de nouveau, en attendant que le sort décide entre nous et donne la victoire à l'un des deux peuples.

Il parla ainsi, et ceux qui l'écoutaient obéirent, et l'armée prit son repas comme d'habitude. Dès le matin, Idaios se rendit aux nefs creuses. Et il trouva les Danaens, nourrissons de Zeus, réunis dans l'agora, auprès de la poupe de la nef d'Agamemnôn. Et, se tenant au milieu d'eux, il parla ainsi :

– Atréides et Akhaiens aux belles knèmides, Priamos et les illustres Troiens m'ordonnent de vous porter l'offre d'Alexandros d'où viennent nos discordes, si toutefois elle vous est agréable. Toutes les richesses qu'Alexandros a rapportées dans Ilios sur ses nefs creuses, – plût aux dieux qu'il fût mort auparavant ! – il veut les rendre et y ajouter des siennes ; mais il refuse de rendre la jeune épouse de l'illustre Ménélaos, malgré les supplications des Troiens. Et ils m'ont aussi ordonné de vous demander si vous voulez suspendre la triste guerre jusqu'à ce que nous ayons brûlé les cadavres. Nous combattrons ensuite de nouveau, en attendant que le sort décide entre nous et donne la victoire à l'un des deux peuples.


- page 163 -

Il parla ainsi, et tous restèrent muets. Et Diomèdès hardi au combat parla ainsi :

– Qu'aucun de nous n'accepte les richesses d'Alexandros ni Hélénè elle-même. Il est manifeste pour tous, fût-ce pour un enfant, que le suprême désastre est suspendu sur la tête des Troiens.

Il parla ainsi, et tous les fils des Akhaiens poussèrent des acclamations, admirant les paroles du dompteur de chevaux Diomèdès. Et le roi Agamemnôn dit à Idaios

– Idaios, tu as entendu la réponse des Akhaiens. Ils t'ont répondu, et ce qu'ils disent me plaît. Cependant, je ne vous refuse point de brûler vos morts et d'honorer par le feu les cadavres de ceux qui ont succombé. Que l'époux de Hèrè, Zeus qui tonne dans les hauteurs, soit témoin de notre traité !

Ayant ainsi parlé, il éleva son sceptre vers tous les dieux. Et Idaios retourna dans la sainte Ilios, où les Troiens et les Dardaniens étaient réunis en agora, attendant son retour. Et il arriva, et, au milieu d'eux, il rendit compte de son message. Et aussitôt ils s'empressèrent de transporter, ceux-ci les cadavres, ceux-là le bois du bûcher. Et les Argiens, de leur côté, s'exhortaient, loin des nefs creuses, à relever leurs morts et à construire le bûcher.


- page 164 -

Hélios, à son lever, frappait les campagnes de ses rayons, et, montant dans l'Ouranos, sortait doucement du cours profond de l'Okéanos. Et les deux armées accouraient l'une vers l'autre. Alors, il leur fut difficile de reconnaître leurs guerriers ; mais quand ils eurent lavé leur poussière sanglante, ils les déposèrent sur les chars en répandant des larmes brûlantes. Et le grand Priamos ne leur permit point de gémir, et ils amassèrent les morts sur le bûcher, se lamentant dans leur cœur. Et, après les avoir brûlés, ils retournèrent vers la sainte Ilios.

De leur côté, les Akhaiens aux belles knèmides amassèrent les cadavres sur le bûcher, tristes dans leur cœur. Et, après les avoir brûlés, ils s'en retournèrent vers les nefs creuses. Éôs n'était point levée encore, et déjà la nuit était douteuse, quand un peuple des Akhaiens vint élever dans la plaine un seul tombeau sur l'unique bûcher. Et, non loin, d'autres guerriers construisirent, pour se protéger eux-mêmes et les nefs, de hautes tours avec des portes solides pour le passage des cavaliers. Et ils creusèrent, au dehors et tout autour, un fossé profond, large et grand, qu'ils défendirent avec des pieux. Et c'est ainsi que travaillaient les Akhaiens chevelus.

Et les dieux, assis auprès du foudroyant Zeus, regardaient avec admiration ce grand travail des Akhaiens aux tuniques d'airain. Et, au milieu d'eux, Poseidaôn qui ébranle la terre parla ainsi :


- page 165 -

– Père Zeus, qui donc, parmi les mortels qui vivent sur la terre immense, fera connaître désormais aux immortels sa pensée et ses desseins ? Ne vois-tu pas que les Akhaiens chevelus ont construit une muraille devant leurs nefs, avec un fossé tout autour, et qu'ils n'ont point offert d'illustres hécatombes aux dieux ? La gloire de ceci se répandra autant que la lumière d'Éôs ; et les murs que Phoibos Apollôn et moi avons élevés au héros Laomédôn seront oubliés.

Et Zeus qui amasse les nuées, avec un profond soupir, lui répondit :

– Ah ! Très puissant, qui ébranles la terre, qu'as-tu dit ? Un dieu, moins doué de force que toi, n'aurait point cette crainte. Certes, ta gloire se répandra aussi loin que la lumière d'Éôs. Reprends courage, et quand les Akhaiens chevelus auront regagné sur leurs nefs la terre bien-aimée de la patrie, engloutis tout entier dans la mer ce mur écroulé, couvre de nouveau de sables le vaste rivage, et que cette immense muraille des Akhaiens s'évanouisse devant toi.

Et ils s'entretenaient ainsi. Et Hélios se coucha, et le travail des Akhaiens fut terminé. Et ceux-ci tuaient des bœufs sous les tentes, et ils prenaient leurs repas. Et plusieurs nefs avaient apporté de Lemnos le vin qu'avait envoyé le Ièsonide Eunèos, que Hypsipylè avait conçu du prince des peuples Ièsôn. Et le Ièsonide avait donné aux Atréides mille mesures de vin.

- page 166 -

Et les Akhaiens chevelus leur achetaient ce vin, ceux-ci avec de l'airain, ceux-là avec du fer brillant ; les uns avec des peaux de bœufs, les autres avec les bœufs eux-mêmes, et d'autres avec leurs esclaves. Et tous enfin préparaient l'excellent repas.

Et, pendant toute la nuit, les Akhaiens chevelus mangeaient ; et les Troiens aussi et les alliés mangeaient dans la ville. Et, au milieu de la nuit, le sage Zeus, leur préparant de nouvelles calamités, tonna terriblement ; et la pâle crainte les saisit. Et ils répandaient le vin hors des coupes, et aucun n'osa boire avant de faire des libations au très puissant Kroniôn. Enfin, s'étant couchés, ils goûtèrent la douceur du sommeil.

- page 167 -

Éôs au péplos couleur de safran éclairait toute la terre, et Zeus qui se réjouit de la foudre convoqua l'agora des dieux sur le plus haut faîte de l'Olympos aux sommets sans nombre. Et il leur parla, et ils écoutaient respectueusement :

– Écoutez-moi tous, dieux et déesses, afin que je vous dise ce que j'ai résolu dans mon cœur. Et que nul dieu, mâle ou femelle, ne résiste à mon ordre ; mais obéissez tous, afin que j'achève promptement mon œuvre. Car si j'apprends que quelqu'un des dieux est allé secourir soit les Troiens, soit les Danaens, celui-là reviendra dans l'Olympos honteusement châtié. Et je le saisirai, et je le jetterai au loin, dans le plus creux des gouffres de la terre, au fond du noir Tartaros qui a des portes de fer et un seuil d'airain, au-dessous de la demeure d'Aidès, autant que la terre est au-dessous de l'Ouranos. Et il saura que je suis le plus fort de tous les dieux. Debout, dieux ! tentez-le, et vous le saurez. Suspendez une chaîne d'or du faîte de l'Ouranos, et tous, dieux et déesses, attachez-vous à cette chaîne. Vous n'entraînerez jamais, malgré vos efforts, de l'Ouranos sur la terre, Zeus le modérateur suprême. Et moi, certes, si je le voulais, je vous enlèverais tous, et la terre et la mer, et j'attacherais cette chaîne au faîte de l'Olympos, et tout y resterait suspendu, tant je suis au-dessus des dieux et des hommes !

Il parla ainsi, et tous restèrent muets, stupéfaits de ces paroles, car il avait durement parlé. Et Athènè, la déesse aux yeux clairs, lui dit :


- page 168 -

– Ô notre père ! Kronide, le plus haut des rois, nous savons bien que ta force ne le cède à aucune autre ; mais nous gémissons sur les Danaens, habiles à lancer la pique, qui vont périr par une destinée mauvaise. Certes, nous ne combattrons pas, si tu le veux ainsi, mais nous conseillerons les Argiens, afin qu'ils ne périssent point tous, grâce à ta colère.

Et Zeus qui amasse les nuées, souriant, lui dit :

– Reprends courage, Tritogénéia, chère enfant. Certes, j'ai parlé très rudement, mais je veux être doux pour toi.

Ayant ainsi parlé, il lia au char les chevaux aux pieds d'airain, rapides, ayant pour crinières des chevelures d'or ; et il s'enveloppa d'un vêtement d'or ; et il prit un fouet d'or bien travaillé, et il monta sur son char. Et il frappa les chevaux du fouet, et ils volèrent aussitôt entre la terre et l'Ouranos étoilé. Il parvint sur l'Ida qui abonde en sources, où vivent les bêtes sauvages, et sur le Gargaros, où il possède une enceinte sacrée et un autel parfumé. Le père des hommes et des dieux y arrêta ses chevaux, les délia et les enveloppa d'une grande nuée. Et il s'assit sur le faîte, plein de gloire, regardant la ville des Troiens et les nefs des Akhaiens.

Et les Akhaiens chevelus s'armaient, ayant mangé en hâte sous les tentes ; et les Troiens aussi s'armaient dans la ville ; et ils étaient moins nombreux, mais brûlants du désir de combattre, par nécessité, pour leurs enfants et pour leurs femmes.

- page 169 -

Et les portes s'ouvraient, et les peuples, fantassins et cavaliers, se ruaient au dehors, et il s'élevait un bruit immense.

Et quand ils se furent rencontrés, les piques et les forces des guerriers aux cuirasses d'airain se mêlèrent confusément, et les boucliers bombés se heurtèrent, et il s'éleva un bruit immense. On entendait les cris de joie et les lamentations de ceux qui tuaient ou mouraient, et la terre ruisselait de sang ; et tant qu'Éôs brilla et que le jour sacré monta, les traits frappèrent les hommes, et les hommes tombaient. Mais quand Hélios fut parvenu au faîte de l'Ouranos, le père Zeus étendit ses balances d'or, et il y plaça deux kères de la mort qui rend immobile à jamais, la kèr des Troiens dompteurs de chevaux et la kèr des Akhaiens aux cuirasses d'airain. Il éleva les balances, les tenant par le milieu, et le jour fatal des Akhaiens s'inclina ; et la destinée des Akhaiens toucha la terre nourricière, et celle des Troiens monta vers le large Ouranos. Et il roula le tonnerre immense sur l'Ida, et il lança l'ardent éclair au milieu du peuple guerrier des Akhaiens ; et, l'ayant vu, ils restèrent stupéfaits et pâles de terreur.

Ni Idoméneus, ni Agamemnôn, ni les deux Aias, serviteurs d'Arès, n'osèrent rester. Le Gérennien Nestôr, rempart des Akhaiens, resta seul, mais contre son gré, par la chute de son cheval. Le divin Alexandros, l'époux de Hélénè aux beaux cheveux, avait percé le cheval d'une flèche au sommet de la tête, endroit mortel, là où croissent les premiers crins.

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MessageSujet: Re: L'Illiade   L'Illiade EmptyVen 20 Jan - 19:49

Ô l'airain ayant pénétré dans la cervelle, le cheval, saisi de douleur, se roulait et épouvantait les autres chevaux. Et, comme le vieillard se hâtait de couper les rênes avec l'épée, les rapides chevaux de Hektôr, portant leur brave conducteur, approchaient dans la mêlée, et le vieillard eût perdu la vie, si Diomèdès ne l'eût vu. Et il jeta un cri terrible, appelant Odysseus :

– Divin Laertiade, subtil Odysseus, pourquoi fuis-tu, tournant le dos comme un lâche dans la mêlée ? Crains qu'on ne te perce d'une pique dans le dos, tandis que tu fuis. Reste, et repoussons ce rude guerrier loin de ce vieillard.

Il parla ainsi, mais le divin et patient Odysseus ne l'entendit point et passa outre vers les nefs creuses des Akhaiens. Et le Tydéide, bien que seul, se mêla aux combattants avancés, et se tint debout devant les chevaux du vieux Nèlèide, et il lui dit ces paroles ailées :

– Ô vieillard, voici que de jeunes guerriers te pressent avec fureur. Ta force est dissoute, la lourde vieillesse t'accable, ton serviteur est faible et tes chevaux sont lents. Mais monte sur mon char, et tu verras quels sont les chevaux de Trôs que j'ai pris à Ainéias, et qui savent, avec une rapidité égale, poursuivre l'ennemi ou fuir à travers la plaine. Que nos serviteurs prennent soin de tes chevaux, et poussons ceux-ci sur les Troiens dompteurs de chevaux, et que Hektôr sache si ma pique est furieuse entre mes mains.


- page 171 -

Il parla ainsi, et le cavalier Gérennien Nestôr lui obéit. Et les deux braves serviteurs, Sthénélos et Eurymédôn, prirent soin de ses cavales. Et les deux rois montèrent sur le char de Diomèdès, et Nestôr saisit les rênes brillantes et fouetta les chevaux ; et ils approchèrent. Et le fils de Tydeus lança sa pique contre le Priamide qui venait à lui, et il le manqua ; mais il frappa dans la poitrine, près de la mamelle, Éniopeus, fils du magnanime Thèbaios, et qui tenait les rênes des chevaux. Et celui-ci tomba du char, et ses chevaux rapides reculèrent, et il perdit l'âme et la force. Une amère douleur enveloppa l'âme de Hektôr à cause de son compagnon ; mais il le laissa gisant, malgré sa douleur, et chercha un autre brave conducteur. Et ses chevaux n'en manquèrent pas longtemps, car il trouva promptement le hardi Arképtolémos Iphitide ; et il lui confia les chevaux rapides, et il lui remit les rênes en main.

Alors, il serait arrivé un désastre, et des actions furieuses auraient été commises, et les Troiens auraient été renfermés dans Ilios comme des agneaux, si le père des hommes et des dieux ne s'était aperçu de ceci. Et il tonna fortement, lançant la foudre éclatante devant les chevaux de Diomèdès ; et l'ardente flamme du soufre brûlant jaillit. Les chevaux effrayés s'abattirent sous le char, et les rênes splendides échappèrent des mains de Nestôr ; et il craignit dans son cœur, et il dit à Diomèdès :


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– Tydéide ! retourne, fais fuir les chevaux aux sabots épais. Ne vois-tu point que Zeus ne t'aide pas ? Voici que Zeus Kronide donne maintenant la victoire à Hektôr, et il nous la donnera aussi, selon sa volonté. Le plus brave des hommes ne peut rien contre la volonté de Zeus dont la force est sans égale.

Et Diomèdès hardi au combat lui répondit :

– Oui, vieillard, tu as dit vrai, et selon la justice ; mais une amère douleur envahit mon âme. Hektôr dira, haranguant les Troiens : Le Tydéide a fui devant moi vers ses nefs !' Avant qu'il se glorifie de ceci, que la terre profonde m'engloutisse !

Et le cavalier Gérennien Nestôr lui répondit :

– Ah ! fils du brave Tydeus, qu'as-tu dit ? Si Hektôr te nommait lâche et faible, ni les Troiens, ni les Dardaniens, ne l'en croiraient, ni les femmes des magnanimes Troiens porteurs de boucliers, elles dont tu as renversé dans la poussière les jeunes époux.

Ayant ainsi parlé, il prit la fuite, poussant les chevaux aux sabots massifs à travers la mêlée. Et les Troiens et Hektôr, avec de grands cris, les accablaient de traits ; et le grand Hektôr au casque mouvant cria d'une voix haute :


- page 173 -

– Tydéide, certes, les cavaliers Danaens t'honoraient entre tous, te réservant la meilleure place, et les viandes, et les coupes pleines. Aujourd'hui, ils t'auront en mépris, car tu n'es plus qu'une femme ! Va donc, fille lâche ! Tu es par ma faute sur nos tours, et tu emmèneras point nos femmes dans tes nefs. Auparavant, je t'aurai donné la mort.

Il parla ainsi, et le Tydéide hésita, voulant fuir et combattre face à face. Et il hésita trois fois dans son esprit et dans son cœur ; et trois fois le sage Zeus tonna du haut des monts Idaiens, en signe de victoire pour les Troiens. Et Hektôr, d'une voix puissante, animait les Troiens :

– Troiens, Lykiens et hardis Dardaniens, amis, soyez des hommes et souvenez-vous de votre force et de votre courage. Je sens que le Kroniôn me promet la victoire et une grande gloire, et réserve la défaite aux Danaens. Les insensés ! Ils ont élevé ces murailles inutiles et méprisables qui n'arrêteront point ma force ; et mes chevaux sauteront aisément par-dessus le fossé profond. Mais quand j'aurai atteint les nefs creuses, souvenez-vous de préparer le feu destructeur, afin que je brûle les nefs, et qu'auprès des nefs je tue les Argiens eux-mêmes, aveuglés par la fumée.

Ayant ainsi parlé, il dit à ses chevaux :

– Xanthos, Podargos, Aithôn et divin Lampos, payez-moi les soins infinis d'Andromakhè, fille du magnanime Êétiôn, qui vous présente le doux froment et vous verse du vin, quand vous le désirez, même avant moi qui me glorifie d'être son jeune époux.

- page 174 -

Hâtez-vous donc, courez ! Si nous ne pouvons enlever le bouclier de Nestôr, qui est tout en or ainsi que ses poignées, et dont la gloire est parvenue jusqu'à l'Ouranos, et la riche cuirasse de Diomèdès dompteur de chevaux, et que Hèphaistos a forgée avec soin, j'espère que les Akhaiens remonteront cette nuit même dans leurs nefs rapides.

Il parla ainsi dans son désir, et le vénérable Hèrè s'en indigna ; et elle s'agita sur son trône, et le vaste Olympos s'ébranla. Et elle dit en face au grand Poseidaôn :

– Toi qui ébranle la terre, ah ! Tout-puissant, ton cœur n'est-il point ému dans ta poitrine quand les Danaens périssent ? Ils t'offrent cependant, dans Hélikè et dans Aigas, un grand nombre de beaux présents. Donne-leur donc la victoire. Si nous voulions, nous tous qui soutenons les Danaens, repousser les Troiens et résister à Zeus dont la voix sonne au loin, il serait bientôt seul assis sur l'Ida.

Et le puissant qui ébranle la terre, plein de colère, lui dit :

– Audacieuse Hèrè, qu'as-tu dit ? Je ne veux point que nous combattions Zeus Kroniôn, car il est bien plus fort que nous.

Et tandis qu'ils se parlaient ainsi, tout l'espace qui séparait les nefs du fossé était empli confusément de chevaux et de porteurs de boucliers, car Hektôr Priamide, semblable à l'impétueux Arès, les avait enfermés là, Zeus l'ayant glorifié.

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Et il eût consumé les nefs égales, à l'aide du feu, si la vénérable Hèrè n'eût inspiré à Agamemnôn de ranimer à la hâte les Akhaiens. Et il parcourut les tentes et les nefs des Akhaiens, portant à sa main robuste un grand manteau pourpré. Et il s'arrêta sur la grande et noire nef d'Odysseus, qui était au centre de toutes, afin d'être entendu des deux extrémités, des tentes d'Aias Télamôniade à celles d'Akhilleus, car tous deux avaient tiré sur le sable leurs nefs égales aux bouts du camp, certains de leur force et de leur courage. Et là, d'une voix haute, il cria aux Akhaiens :

– Honte à vous, Argiens couverts d'opprobre, qui n'avez qu'une vaine beauté ! Que sont devenues vos paroles orgueilleuses, quand, à Lemnos, mangeant la chair des bœufs aux longues cornes, et buvant les kratères pleins de vin, vous vous vantiez d'être les plus braves et de vaincre les Troiens, un contre cent et contre deux cents ? Et maintenant, nous ne pouvons même résister à un seul d'entre eux, à Hektôr qui va consumer nos nefs par le feu. Père Zeus ! as-tu déjà accablé d'un tel désastre quelqu'un des rois tout-puissants, et l'as-tu privé de tant de gloire ? Certes, je n'ai jamais passé devant tes temples magnifiques, quand je vins ici pour ma ruine, sur ma nef chargée de rameurs, plein du désir de renverser les hautes murailles de Troiè, sans brûler sur tes nombreux autels la graisse et les cuisses des bœufs. Ô Zeus ! exauce donc mon vœu : que nous puissions au moins échapper et nous enfuir, et que les Troiens ne tuent pas tous les Akhaiens !


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Il parla ainsi, et le père Zeus eut pitié de ses larmes, et il promit par un signe que les peuples ne périraient pas. Et il envoya un aigle, le plus sûr des oiseaux, tenant entre ses serres le jeune faon d'une biche agile. Et l'aigle jeta ce faon sur l'autel magnifique de Zeus, où les Akhaiens sacrifiaient à Zeus, source de tous les oracles. Et quand ils virent l'oiseau envoyé par Zeus, il retournèrent dans la mêlée et se ruèrent sur les Troiens.

Et alors aucun des Danaens innombrables ne put se glorifier, poussant ses chevaux rapides au-delà du fossé, d'avoir devancé le Tydéide et combattu le premier. Et, tout d'abord, il tua un guerrier Troien, Agélaos Phradmonide, qui fuyait. Et il lui enfonça sa pique dans le dos, entre les épaules ; et la pique traversa la poitrine. Le Troien tomba du char, et ses armes retentirent.

Et les Atréides le suivaient, et les deux Aias pleins d'une vigueur indomptable, et Idoméneus, et Mèrionès, tel qu'Arès, compagnon d'Idoméneus, et le tueur d'hommes Euryalos, et Eurypylos, fils illustre d'Évaimôn. Et Teukros survint le neuvième, avec son arc tendu, et se tenant derrière le bouclier d'Aias Télamôniade. Et quand le grand Aias soulevait le bouclier, Teukros, regardant de toutes parts, ajustait et frappait un ennemi dans la mêlée, et celui-ci tombait mort. Et il revenait auprès d'Aias comme un enfant vers sa mère, et Aias l'abritait de l'éclatant bouclier.


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Quel fut le premier Troien que tua l'irréprochable Teukros ? D'abord Orsilokhos, puis Orménos, et Ophélestès, et Daitôr, et Khromios, et le divin Lykophontès, et Amopaôn Polyaimonide, et Ménalippos. Et il les coucha tour à tour sur la terre nourricière. Et le roi des hommes, Agamemnôn, plein de joie de le voir renverser de ses flèches les phalanges des Troiens, s'approcha et lui dit :

– Cher Teukros Télamônien, prince des peuples, continue à lancer tes flèches pour le salut des Danaens, et pour glorifier ton père Télamôn qui t'a nourri et soigné dans ses demeures tout petit et bien que bâtard. Et je te le dis, et ma parole s'accomplira : si Zeus tempétueux et Athènè me donnent de renverser la forte citadelle d'Ilios, le premier après moi tu recevras une glorieuse récompense : un trépied, deux chevaux et un char, et une femme qui partagera ton lit.

Et l'irréprochable Teukros lui répondit :

– Très illustre Atréide, pourquoi m'excites-tu quand je suis plein d'ardeur ? Certes, je ferai de mon mieux et selon mes forces. Depuis que nous les repoussons vers Ilios, je tue les guerriers de mes flèches. J'en ai lancé huit, et toutes se sont enfoncées dans la chair des jeunes hommes impétueux ; mais je ne puis frapper ce chien enragé !

Il parla ainsi, et il lança une flèche contre Hektôr, plein du désir de l'atteindre, et il le manqua.

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Et la flèche perça la poitrine de l'irréprochable Gorgythiôn, brave fils de Priamos, qu'avait enfanté la belle Kathanéira, venue d'Aisimè, et semblable aux déesses par sa beauté. Et, comme un pavot, dans un jardin, penche la tête sous le poids de ses fruits et des rosées printanières, de même le Priamide pencha la tête sous le poids de son casque. Et Teukros lança une autre flèche contre Hektôr, plein du désir de l'atteindre, et il le manqua encore ; et il perça, près de la mamelle, le brave Arkhéptolémos, conducteur des chevaux de Hektôr ; et Arkhéptolémos tomba du char ; ses chevaux rapides reculèrent, et sa vie et sa force furent anéanties. Le regret amer de son compagnon serra le cœur de Hektôr, mais, malgré sa douleur, il le laissa gisant, et il ordonna à son frère Kébriôn de prendre les rênes, et ce dernier obéit.

Alors, Hektôr sauta du char éclatant, poussant un cri terrible ; et, saisissant une pierre, il courut à Teukros, plein du désir de l'en frapper. Et le Télamônien avait tiré du carquois une flèche amère, et il la plaçait sur le nerf, quand Hektôr au casque mouvant, comme il tendait l'arc, le frappa de la pierre dure à l'épaule, là où la clavicule sépare le cou de la poitrine, à un endroit mortel. Et le nerf de l'arc fut brisé, et le poignet fut écrasé, et l'arc s'échappa de sa main, et il tomba à genoux. Mais Aias n'abandonna point son frère tombé, et il accourut, le couvrant de son bouclier. Puis, ses deux chers compagnons, Mèkisteus, fils d'Ekhios, et le divin Alastôr, emportèrent vers les nefs creuses Teukros qui poussait des gémissements.


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Et l'Olympien rendit de nouveau le courage aux Troiens, et ils repoussèrent les Akhaiens jusqu'au fossé profond ; et Hektôr marchait en avant, répandant la terreur de sa force. Comme un chien qui poursuit de ses pieds rapides un sanglier sauvage ou un lion, le touche aux cuisses et aux fesses, épiant l'instant où il se retournera, de même Hektôr poursuivait les Akhaiens chevelus, tuant toujours celui qui restait en arrière. Et les Akhaiens fuyaient. Et beaucoup tombaient sous les mains des Troiens, en traversant les pieux et le fossé. Mais les autres s'arrêtèrent auprès des nefs, s'animant entre eux, levant les bras et suppliant tous les dieux. Et Hektôr poussait de tous côtés ses chevaux aux belles crinières, ayant les yeux de Gorgô et du sanguinaire Arès. Et la divine Hèrè aux bras blancs, à cette vue, fut saisie de pitié et dit à Athènè ces paroles ailées :

– Ah ! fille de Zeus tempétueux, ne secourrons-nous point, en ce combat suprême, les Danaens qui périssent ? Car voici que, par une destinée mauvaise, ils vont périr sous la violence d'un seul homme. Le Priamide Hektôr est plein d'une fureur intolérable, et il les accable de maux.

Et la divine Athènè aux yeux clairs lui répondit :

– Certes, le Priamide aurait déjà perdu la force avec la vie et serait tombé mort sous la main des Argiens, sur sa terre natale, si mon père, toujours irrité, dur et inique, ne s'opposait à ma volonté.

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MessageSujet: Re: L'Illiade   L'Illiade EmptyVen 20 Jan - 19:50

Ô l ne se souvient plus que j'ai souvent secouru son fils accablé de travaux par Eurystheus. Hèraklès criait vers l'Ouranos, et Zeus m'envoya pour le secourir. Certes, si j'avais prévu ceci, quand Hèraklès fut envoyé dans les demeures aux portes massives d'Aidès, pour enlever, de l'Érébos, le chien du haïssable Aidès, certes, il n'aurait point repassé l'eau courante et profonde de Styx ! Et Zeus me hait, et il cède aux désirs de Thétis qui a embrassé ses genoux et lui a caressé la barbe, le suppliant d'honorer Akhilleus le destructeur de citadelles. Et il me nommera encore sa chère fille aux yeux clairs ! Mais attelle nos chevaux aux sabots massifs, tandis que j'irai dans la demeure de Zeus prendre l'Aigide et me couvrir de mes armes guerrières. Je verrai si le Priamide Hektôr au casque mouvant sera joyeux de nous voir descendre toutes deux dans la mêlée. Certes, plus d'un Troien couché devant les nefs des Akhaiens va rassasier les chiens et les oiseaux carnassiers de sa graisse et de sa chair !

Elle parla ainsi, et la divine Hèrè aux bras blancs obéit. Et la divine et vénérable Hèrè, fille du grand Kronos, se hâta d'atteler les chevaux liés par des harnais d'or. Et Athènè, fille de Zeus tempétueux, laissa tomber son riche péplos, qu'elle avait travaillé de ses mains, sur le pavé de la demeure de son père, et elle prit la cuirasse de Zeus qui amasse les nuées, et elle se revêtit de ses armes pour la guerre lamentable.


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Et elle monta dans le char flamboyant, et elle saisit la lance lourde, grande et solide, avec laquelle, étant la fille d'un père tout-puissant, elle dompte la foule des héros contre qui elle s'irrite. Et Hèrè frappa du fouet les chevaux rapides, et les portes de l'Ouranos s'ouvrirent d'elles-mêmes en criant, gardées par les Heures qui sont chargées d'ouvrir le grand Ouranos et l'Olympos, ou de les fermer avec un nuage épais. Et ce fut par là que les déesses poussèrent les chevaux obéissant à l'aiguillon. Et le père Zeus, les ayant vues de l'Ida, fut saisi d'une grande colère, et il envoya la messagère Iris aux ailes d'or :

– Va ! hâte-toi, légère Iris ! Fais-les reculer, et qu'elles ne se présentent point devant moi, car ceci serait dangereux pour elles. Je le dis, et ma parole s'accomplira : J'écraserai les chevaux rapides sous leur char que je briserai, et je les en précipiterai, et, avant dix ans, elles ne guériront point des plaies que leur fera la foudre. Athènè aux yeux clairs saura qu'elle a combattu son père. Ma colère n'est point aussi grande contre Hèrè, car elle est habituée à toujours résister à ma volonté.

Il parla ainsi, et la messagère Iris aux pieds prompts comme le vent s'élança, et elle descendit des cimes Idaiennes dans le grand Olympos, et elle les arrêta aux premières portes de l'Olympos aux vallées sans nombre, et elle leur dit les paroles de Zeus :


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– Où allez-vous ? Pourquoi votre cœur est-il ainsi troublé ? Le Kronide ne veut pas qu'on vienne en aide aux Argiens. Voici la menace du fils de Kronos, s'il agit selon sa parole : il écrasera les chevaux rapides sous votre char qu'il brisera, et il vous en précipitera, et, avant dix ans, vous ne guérirez point des plaies que vous fera la foudre. Athènè aux yeux clairs, tu sauras que tu as combattu ton père ! Sa colère n'est point aussi grande contre Hèrè, car elle est habituée à toujours résister à sa volonté. Mais toi, très violente et audacieuse chienne, oseras-tu lever ta lance terrible contre Zeus ?

Ayant ainsi parlé, Iris aux pieds rapides s'envola, et Hèrè dit à Athènè :

– Ah ! fille de Zeus tempétueux, je ne puis permettre que nous combattions contre Zeus pour des mortels. Que l'un meure, que l'autre vive, soit ! Et que Zeus décide, comme il est juste, et selon sa volonté, entre les Troiens et les Danaens.

Ayant ainsi parlé, elle fit retourner les chevaux aux sabots massifs, et les Heures dételèrent les chevaux aux belles crinières et les attachèrent aux crèches divines, et appuyèrent le char contre le mur éclatant. Et les déesses, le cœur triste, s'assirent sur des sièges d'or au milieu des autres dieux. Et le père Zeus poussa du haut de l'Ida, vers l'Olympos, son char aux belles roues et ses chevaux, et il parvint aux sièges des dieux.

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Et l'illustre qui ébranle la terre détela les chevaux, posa le char sur un autel et le couvrit d'un voile de lin. Et Zeus à la grande voix s'assit sur son trône d'or, et le large Olympos trembla sous lui. Et Athènè et Hèrè étaient assises loin de Zeus, et elles ne lui parlaient ni ne l'interrogeaient ; mais il les devina et dit :

– Athènè et Hèrè, pourquoi êtes-vous ainsi affligées ? Vous ne vous êtes point longtemps fatiguées, du moins, dans la bataille qui illustre les guerriers, afin d'anéantir les Troiens pour qui vous avez tant de haine. Non ! Tous les dieux de l'Olympos ne me résisteront point, tant la force de mes mains invincibles est grande. La terreur a fait trembler vos beaux membres avant d'avoir vu la guerre et la mêlée violente. Et je le dis, et ma parole se serait accomplie : frappées toutes deux de la foudre, vous ne seriez point revenues sur votre char dans l'Olympos qui est la demeure des immortels.

Et il parla ainsi, et Athènè et Hèrè gémissaient, assises à côté l'une de l'autre, et méditant le malheur des Troiens. Et Athènè restait muette, irritée contre son père Zeus, et une sauvage colère la brûlait ; mais Hèrè ne put contenir la sienne, et elle dit :

– Très dur Kronide, quelle parole as-tu dite ? Nous savons bien que ta force est grande, mais nous gémissons sur les belliqueux Danaens qui vont périr par une destinée mauvaise.

- page 184 -

Nous ne combattrons point, si tu le veux ; mais nous aiderons les Argiens de nos conseils, afin qu'ils ne périssent point tous par ta colère.

Et Zeus qui amasse les nuées lui répondit :

– Certes, au retour d'Éôs, tu pourras voir, vénérable Hèrè aux yeux de bœuf, le tout-puissant Kroniôn mieux détruire encore l'armée innombrable des Argiens ; car le brave Hektôr ne cessera point de combattre, que le rapide Pèléiôn ne se soit levé auprès des nefs, le jour où les Akhaiens combattront sous leurs poupes, luttant dans un étroit espace sur le cadavre de Patroklos. Ceci est fatal. Je me soucie peu de ta colère, quand même tu irais aux dernières limites de la terre et de la mer, où sont couchés Iapétos et Kronos, loin des vents et de la lumière de Hélios, fils de Hypériôn, dans l'enceinte du creux Tartaros. Quand même tu irais là, je me soucie peu de ta colère, car rien n'est plus impudent que toi.

Il parla ainsi, et Hèrè aux bras blancs ne répondit rien. Et la brillante lumière Hélienne tomba dans l'Okéanos, laissant la noire nuit sur la terre nourricière. La lumière disparut contre le gré des Troiens, mais la noire nuit fut la bienvenue des Akhaiens qui la désiraient ardemment.

Et l'illustre Hektôr réunit l'agora des Troiens, les ayant conduits loin des nefs, sur les bords du fleuve tourbillonnant, en un lieu où il n'y avait point de cadavres.

- page 185 -

Et ils descendirent de leurs chevaux pour écouter les paroles de Hektôr cher à Zeus. Et il tenait à la main une pique de onze coudées, à la brillante pointe d'airain retenue par un anneau d'or. Et, appuyé sur cette pique, il dit aux Troiens ces paroles ailées :

– Écoutez-moi, Troiens, Dardaniens et alliés. J'espérais ne retourner dans Ilios battue des vents qu'après avoir détruit les nefs et tous les Akhaiens ; mais les ténèbres sont venues qui ont sauvé les Argiens et les nefs sur le rivage de la mer. C'est pourquoi, obéissons à la nuit noire, et préparons le repas. Dételez les chevaux aux belles crinières et donnez-leur de la nourriture. Amenez promptement de la ville des bœufs et de grasses brebis, et apportez un doux vin de vos demeures, et amassez beaucoup de bois, afin que, toute la nuit, jusqu'au retour d'Éôs qui naît le matin, nous allumions beaucoup de feux dont l'éclat s'élève dans l'Ouranos, et afin que les Akhaiens chevelus ne profitent pas de la nuit pour fuir sur le vaste dos de la mer. Qu'ils ne montent point tranquillement du moins sur leurs nefs, et que chacun d'eux, en montant sur sa nef, emporte dans son pays une blessure faite par nos piques et nos lances aiguës ! Que tout autre redoute désormais d'apporter la guerre lamentable aux Troiens dompteurs de chevaux. Que les hérauts chers à Zeus appellent, par la ville, les jeunes enfants et les vieillards aux tempes blanches à se réunir sur les tours élevées par les dieux ; et que les femmes timides, chacune dans sa demeure, allument de grands feux, afin qu'on veille avec vigilance, de peur qu'on entre par surprise dans la ville, en l'absence des hommes.

- page 186 -

Qu'il soit fait comme je le dis, magnanimes Troiens, car mes paroles sont salutaires. Dès le retour d'Éôs je parlerai encore aux Troiens dompteurs de chevaux. Je me vante, ayant supplié Zeus et les autres dieux, de chasser bientôt d'ici ces chiens que les kères ont amenés sur les nefs noires. Veillons sur nous-mêmes pendant la nuit ; mais, dès la première heure du matin, couvrons-nous de nos armes et poussons l'impétueux Arès sur les nefs creuses. Je saurai si le brave Diomèdès Tydéide me repoussera loin des nefs jusqu'aux murailles, ou si, le perçant de l'airain, j'emporterai ses dépouilles sanglantes. Demain, il pourra se glorifier de sa force, s'il résiste à ma pique ; mais j'espère plutôt que, demain, quand Hélios se lèvera, il tombera des premiers, tout sanglant, au milieu d'une foule de ses compagnons. Et plût aux dieux que je fusse immortel et toujours jeune, et honoré comme Athènè et Apollôn, autant qu'il est certain que ce jour sera funeste aux Argiens !

Hektôr parla ainsi, et les Troiens poussèrent des acclamations. Et ils détachèrent du joug les chevaux mouillés de sueur, et ils les lièrent avec des lanières auprès des chars ; et ils amenèrent promptement de la ville des bœufs et des brebis grasses ; et ils apportèrent un doux vin et du pain de leurs demeures, et ils amassèrent beaucoup de bois. Puis, ils sacrifièrent de complètes hécatombes aux immortels, et le vent en portait la fumée épaisse et douce dans l'Ouranos.

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Mais les dieux heureux n'en voulurent point et la dédaignèrent, car ils haîssaient la sainte Ilios, et Priamos, et le peuple de Priamos aux piques de frêne.

Et les Troiens, pleins d'espérance, passaient la nuit sur le sentier de la guerre, ayant allumé de grands feux. Comme, lorsque les astres étincellent dans l'Ouranos autour de la claire Sélènè, et que le vent ne trouble point l'air, on voit s'éclairer les cimes et les hauts promontoires et les vallées, et que l'aithèr infini s'ouvre au faîte de l'Ouranos, et que le berger joyeux voit luire tous les astres ; de même, entre les nefs et l'eau courante du Xanthos, les feux des Troiens brillaient devant Ilios. Mille feux brûlaient ainsi dans la plaine ; et, près de chacun, étaient assis cinquante guerriers autour de la flamme ardente. Et les chevaux, mangeant l'orge et l'avoine, se tenaient auprès des chars, attendant Éôs au beau trône.

- page 188 -

Tandis que les Troiens plaçaient ainsi leurs gardes, le désir de la fuite, qui accompagne la froide terreur, saisissait les Akhaiens. Et les plus braves étaient frappés d'une accablante tristesse.

De même, lorsque les deux vents Boréas et Zéphyros, soufflant de la Thrèkè, bouleversent la haute mer poissonneuse, et que l'onde noire se gonfle et se déroule en masses d'écume, ainsi, dans leurs poitrines, se déchirait le cœur des Akhaiens. Et l'Atréide, frappé d'une grande douleur, ordonna aux hérauts à la voix sonore d'appeler, chacun par son nom, et sans clameurs, les hommes à l'agora. Et lui-même appela les plus proches. Et tous vinrent s'asseoir dans l'agora, pleins de tristesse. Et Agamemnôn se leva, versant des larmes, comme une source abondante qui tombe largement d'une roche élevée. Et, avec un profond soupir, il dit aux Argiens :

– Ô amis, rois et chefs des Argiens, le Kronide Zeus m'a accablé d'un lourd malheur, lui qui m'avait solennellement promis que je ne m'en retournerais qu'après avoir détruit Ilios aux murailles solides. Maintenant, il médite une fraude funeste, et il m'ordonne de retourner sans gloire dans Argos, quand j'ai perdu tant de guerriers déjà ! Et ceci plaît au tout-puissant Zeus qui a renversé les citadelles de tant de villes, et qui en renversera encore, car sa puissance est très grande. Allons ! obéissez tous à mes paroles : fuyons sur nos nefs vers la terre bien-aimée de la patrie.

- page 189 -

Nous ne prendrons jamais Ilios aux larges rues.

Il parla ainsi, et tous restèrent muets, et les fils des Akhaiens étaient tristes et silencieux. Enfin, Diomèdès hardi au combat parla au milieu d'eux :

– Atréide, je combattrai le premier tes paroles insensées, comme il est permis, ô roi, dans l'agora ; et tu ne t'en irriteras pas, car toi-même tu m'as outragé déjà au milieu des Danaens, me nommant faible et lâche. Et ceci, les Argiens le savent, jeunes et vieux. Certes, le fils du subtil Kronos t'a doué inégalement. Il t'a accordé le sceptre et les honneurs suprêmes, mais il ne t'a point donné la fermeté de l'âme, qui est la plus grande vertu. Malheureux ! penses-tu que les fils des Akhaiens soient aussi faibles et aussi lâches que tu le dis ? Si ton cœur te pousse à retourner en arrière, va ! voici la route ; et les nombreuses nefs qui t'ont suivi de Mykènè sont là, auprès du rivage de la mer. Mais tous les autres Akhaiens chevelus resteront jusqu'à ce que nous ayons renversé Ilios. Et s'ils veulent eux-mêmes fuir sur leurs nefs vers la terre bien-aimée de la patrie, moi et Sthénélos nous combattrons jusqu'à ce que nous ayons vu la fin d'Ilios, car nous sommes venus ici sur la foi des dieux !

Il parla ainsi, et tous les fils des Akhaiens applaudirent, admirant le discours du dompteur de chevaux Diomèdès. Et le cavalier Nestôr, se levant au milieu d'eux, parla ainsi :


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MessageSujet: Re: L'Illiade   L'Illiade EmptyVen 20 Jan - 19:51

Ô déide, tu es le plus hardi au combat, et tu es aussi le premier à l'agora parmi tes égaux en âge. Nul ne blâmera tes paroles, et aucun des Akhaiens ne les contredira mais tu n'as pas tout dit. À la vérité, tu es jeune, et tu pourrais être le moins âgé de mes fils ; et, cependant, tu parles avec prudence devant les rois des Argiens, et comme il convient. C'est à moi de tout prévoir et de tout dire, car je me glorifie d'être plus vieux que toi. Et nul ne blâmera mes paroles, pas même le roi Agamemnôn. Il est sans intelligence, sans justice et sans foyers domestiques, celui qui aime les affreuses discordes intestines. Mais obéissons maintenant à la nuit noire : préparons notre repas, plaçons des gardes choisies auprès du fossé profond, en avant des murailles. C'est aux jeunes hommes de prendre ce soin, et c'est à toi, Atréide, qui es le chef suprême, de le leur commander. Puis, offre un repas aux chefs, car ceci est convenable et t'appartient. Tes tentes sont pleines du vin que les nefs des Akhaiens t'apportent chaque jour de la Thrèkè, à travers l'immensité de la haute mer. Tu peux aisément beaucoup offrir, et tu commandes à un grand nombre de serviteurs. Quand les chefs seront assemblés, obéis à qui te donnera le meilleur conseil ; car les Akhaiens ont tous besoin de sages conseils au moment où les ennemis allument tant de feux auprès des nefs. Qui de nous pourrait s'en réjouir ? Cette nuit, l'armée sera perdue ou sauvée.


- page 191 -

Il parla ainsi, et tous, l'ayant écouté, obéirent. Et les gardes armées sortirent, conduites par le Nestoréide Thrasymèdès, prince des peuples, par Askalaphos et Ialménos, fils d'Arès, par Mèrionès, Apharèos et Dèipiros, et par le divin Lykomèdès, fils de Kréôn. Et les sept chefs des gardes conduisaient, chacun, cent jeunes guerriers armés de longues piques. Et ils se placèrent entre le fossé et la muraille, et ils allumèrent des feux et prirent leur repas. Et l'Atréide conduisit les chefs des Akhaiens sous sa tente et leur offrit un abondant repas. Et tous étendirent les mains vers les mets. Et, quand ils eurent assouvi la soif et la faim, le premier d'entre eux, le vieillard Nestôr, qui avait déjà donné le meilleur conseil, parla ainsi, plein de sagesse, et dit :

– Très illustre Atréide Agamemnôn, roi des hommes, je commencerai et je finirai par toi, car tu commandes à de nombreux peuples, et Zeus t'a donné le sceptre et les droits afin que tu les gouvernes. C'est pourquoi il faut que tu saches parler et entendre, et accueillir les sages conseils, si leur cœur ordonne aux autres chefs de t'en donner de meilleurs. Et je te dirai ce qu'il y a de mieux à faire, car personne n'a une meilleure pensée que celle que je médite maintenant, et depuis longtemps, depuis le jour où tu as enlevé, ô race divine, contre notre gré, la vierge Breisèis de la tente d'Akhilleus irrité. Et j'ai voulu te dissuader, et, cédant à ton cœur orgueilleux, tu as outragé le plus brave des hommes, que les immortels mêmes honorent, et tu lui as enlevé sa récompense.

- page 192 -

Délibérons donc aujourd'hui, et cherchons comment nous pourrons apaiser Akhilleus par des présents pacifiques et par des paroles flatteuses.

Et le roi des hommes, Agamemnôn, lui répondit :

– Ô vieillard, tu ne mens point en rappelant mes injustices. J'ai commis une offense, et je ne le nie point. Un guerrier que Zeus aime dans son cœur l'emporte sur tous les guerriers. Et c'est pour l'honorer qu'il accable aujourd'hui l'armée des Akhaiens. Mais, puisque j'ai failli en obéissant à de funestes pensées, je veux maintenant apaiser Akhilleus et lui offrir des présents infinis. Et je vous dirai quels sont ces dons illustres : sept trépieds vierges du feu, dix talents d'or, vingt bassins qu'on peut exposer à la flamme, douze chevaux robustes qui ont toujours remporté les premiers prix par la rapidité de leur course. Et il ne manquerait plus de rien, et il serait comblé d'or celui qui posséderait les prix que m'ont rapportés ces chevaux aux sabots massifs. Et je donnerai encore au Pèléide sept belles femmes Lesbiennes, habiles aux travaux, qu'il a prises lui-même dans Lesbos bien peuplée, et que j'ai choisies, car elles étaient plus belles que toutes les autres femmes. Et je les lui donnerai, et, avec elles, celle que je lui ai enlevée, la vierge Breisèis ; et je jurerai un grand serment qu'elle n'a point connu mon lit, et que je l'ai respectée. Toutes ces choses lui seront livrées aussitôt. Et si les dieux nous donnent de renverser la grande ville de Priamos, il remplira abondamment sa nef d'or et d'airain.

- page 193 -

Et quand nous, Akhaiens, partagerons la proie, qu'il choisisse vingt femmes Troiennes, les plus belles après l'Argienne Hélénè. Et si nous retournons dans la fertile Argos, en Akhaiè, qu'il soit mon gendre, et je l'honorerai autant qu'Orestès, mon unique fils nourri dans les délices. J'ai trois filles dans mes riches demeures, Khrysothémis, Laodikè et Iphianassa. Qu'il emmène, sans lui assurer une dot, celle qu'il aimera le mieux, dans les demeures de Pèleus. Ce sera moi qui la doterai, comme jamais personne n'a doté sa fille, car je lui donnerai sept villes très illustres : Kardamylè, Énopè, Hira aux prés verdoyants, la divine Phèra, Anthéia aux gras pâturages, la belle Aipéia et Pèdasos riche en vignes. Toutes sont aux bords de la mer, auprès de la sablonneuse Pylos. Leurs habitants abondent en bœufs et en troupeaux, et, par leurs dons, ils l'honoreront comme un dieu ; et, sous son sceptre, ils lui payeront de riches tributs. Je lui donnerai tout cela s'il dépose sa colère. Qu'il s'apaise donc. Aidès seul est implacable et indompté, et c'est pourquoi, de tous les dieux, il est le plus haï des hommes. Qu'il me cède comme il est juste, puisque je suis plus puissant et plus âgé que lui.

Et le cavalier Gérennien Nestôr lui répondit :

– Très illustre Atréide Agamemnôn, roi des hommes, certes, ils ne sont point à mépriser les présents que tu offres au roi Akhilleus. Allons ! envoyons promptement des messagers choisis sous la tente du Pèléide Akhilleus.

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Je les désignerai moi-même, et ils obéiront. Que Phoinix aimé de Zeus les conduise, et ce seront le grand Aias et le divin Odysseus, suivis des hérauts Hodios et Eurybatès. Trempons nos mains dans l'eau, et supplions en silence Zeus Kronide de nous prendre en pitié.

Il parla ainsi, et tous furent satisfaits de ses paroles. Et les hérauts versèrent aussitôt de l'eau sur leurs mains, et les jeunes hommes emplirent les kratères de vin qu'ils distribuèrent, selon l'ordre, à pleines coupes. Et, après avoir bu autant qu'ils le voulaient, ils sortirent de la tente de l'Atréide Agamemnôn. Et le cavalier Gérennien Nestôr exhorta longuement chacun d'eux, et surtout Odysseus, à faire tous leurs efforts pour apaiser et fléchir l'irréprochable Pèléide. Et ils allaient le long du rivage de la mer aux bruits sans nombre, suppliant celui qui entoure la terre de leur accorder de toucher le grand cœur de l'Aiakide.

Et ils parvinrent aux nefs et aux tentes des Myrmidones. Et ils trouvèrent le Pèléide qui charmait son âme en jouant d'une kithare aux doux sons, belle, artistement faite et surmontée d'un joug d'argent, et qu'il avait prise parmi les dépouilles, après avoir détruit la ville d'Êétiôn. Et il charmait son âme, et il chantait les actions glorieuses des hommes. Et Patroklos, seul, était assis auprès de lui, l'écoutant en silence jusqu'à ce qu'il eût cessé de chanter.


- page 195 -

Et ils s'avancèrent, précédés par le divin Odysseus, et ils s'arrêtèrent devant le Pèléide. Et Akhilleus, étonné, se leva de son siège, avec sa kithare, et Patroklos se leva aussi en voyant les guerriers. Et Akhilleus aux pieds rapides leur parla ainsi :

– Je vous salue, guerriers. Certes, vous êtes les bienvenus, mais quelle nécessité vous amène, vous qui, malgré ma colère, m'êtes les plus chers parmi les Akhaiens ?

Ayant ainsi parlé, le divin Akhilleus les conduisit et les fit asseoir sur des sièges aux draperies pourprées. Et aussitôt il dit à Patroklos :

– Fils de Ménoitios, apporte un grand kratère, fais un doux mélange, et prépare des coupes pour chacun de nous, car des hommes très chers sont venus sous ma tente.

Il parla ainsi, et Patroklos obéit à son cher compagnon. Et Akhilleus étendit sur un grand billot, auprès du feu, le dos d'une brebis, celui d'une chèvre grasse et celui d'un porc gras. Et tandis qu'Automédôn maintenait les chairs, le divin Akhilleus les coupait par morceaux et les embrochait. Et le Ménoitiade, homme semblable à un dieu, allumait un grand feu. Et quand la flamme tomba et s'éteignit, il étendit les broches au-dessus des charbons en les appuyant sur des pierres, et il les aspergea de sel sacré. Et Patroklos, ayant rôti les chairs et les ayant posées sur la table, distribua le pain dans de belles corbeilles.

- page 196 -

Et Akhilleus coupa les viandes, et il s'assit en face du divin Odysseus, et il ordonna à Patroklos de sacrifier aux dieux. Et celui-ci fit des libations dans le feu. Et tous étendirent les mains vers les mets offerts. Et quand ils eurent assouvi la faim et la soif, Aias fit signe à Phoinix. Aussitôt le divin Odysseus le comprit, et, remplissant sa coupe de vin, il parla ainsi à Akhilleus :

– Salut, Akhilleus ! Aucun de nous n'a manqué d'une part égale, soit sous la tente de l'Atréide Agamemnôn, soit ici. Les mets y abondent également. Mais il ne nous est point permis de goûter la joie des repas, car nous redoutons un grand désastre, ô race divine ! et nous l'attendons, et nous ne savons si nos nefs solides périront ou seront sauvées, à moins que tu ne t'armes de ton courage. Voici que les Troiens orgueilleux et leurs alliés venus de loin ont assis leur camp devant nos murailles et nos nefs. Et ils ont allumé des feux sans nombre, et ils disent que rien ne les retiendra plus et qu'ils vont se jeter sur nos nefs noires. Et le Kronide Zeus a lancé l'éclair, montrant à leur droite des signes propices. Hektôr, appuyé par Zeus, et très orgueilleux de sa force, est plein d'une fureur terrible, n'honorant plus ni les hommes ni les dieux. Une rage s'est emparée de lui. Il fait des imprécations pour que la divine Éôs reparaisse promptement. Il se vante de rompre bientôt les éperons de nos nefs et de consumer celles-ci dans le feu ardent, et de massacrer les Akhaiens aveuglés par la fumée. Je crains bien, dans mon esprit, que les dieux n'accomplissent ses menaces, et que nous périssions inévitablement devant Troiè, loin de la fertile Argos nourrice de chevaux.

- page 197 -

Lève-toi, si tu veux, au dernier moment, sauver les fils des Akhaiens de la rage des Troiens. Sinon, tu seras saisi de douleur, car il n'y a point de remède contre un mal accompli. Songe donc maintenant à reculer le dernier jour des Danaens. Ô ami, ton père Pèleus te disait, le jour où il t'envoya, de la Phthiè, vers Agamemnôn : – Mon fils, Athènè et Hèrè te donneront la victoire, s'il leur plaît ; mais réprime ton grand cœur dans ta poitrine, car la bienveillance est au-dessus de tout. Fuis la discorde qui engendre les maux, afin que les Argiens, jeunes et vieux, t'honorent.' Ainsi parlait le vieillard, et tu as oublié ses paroles ; mais aujourd'hui apaise-toi, refrène la colère qui ronge le cœur, et Agamemnôn te fera des présents dignes de toi. Si tu veux m'écouter, je te dirai ceux qu'il promet de remettre sous tes tentes : – sept trépieds vierges du feu, dix talents d'or, vingt bassins qu'on peut exposer à la flamme, douze chevaux robustes qui ont toujours remporté les premiers prix par la rapidité de leur course. Et il ne manquerait plus de rien, et il serait comblé d'or, celui qui posséderait les prix qu'ont rapportés à l'Atréide Agamemnôn ces chevaux aux sabots massifs. Et il te donnera encore sept belles femmes Lesbiennes, habiles aux travaux, que tu as prises toi-même dans Lesbos bien peuplée, et qu'il a choisies, car elles étaient plus belles que toutes les autres femmes. Et il te les donnera, et, avec elles, celle qu'il t'a enlevée, la vierge Breisèis ; et il jurera un grand serment qu'elle n'a point connu son lit et qu'il l'a respectée. Toutes ces choses te seront livrées aussitôt.

- page 198 -

Mais si les dieux nous donnent de renverser la grande ville de Priamos, tu rempliras abondamment ta nef d'or et d'airain. Et quand nous, Akhaiens, nous partagerons la proie, tu choisiras vingt femmes Troiennes, les plus belles après l'Argienne Hélénè. Et si nous retournons dans la fertile Argos, en Akhaiè, tu seras son gendre, et il t'honorera autant qu'Orestès, son unique fils nourri dans les délices. Il a trois filles dans ses riches demeures : Krysothémis, Laodikè et Iphianassa. Tu emmèneras, sans lui assurer une dot, celle que tu aimeras le mieux, dans les demeures de Pèleus. Ce sera lui qui la dotera comme jamais personne n'a doté sa fille, car il te donnera sept villes très illustres : Kardamylè, Énopè, Hira aux prés verdoyants, la divine Phèra, Anthéia aux gras pâturages, la belle Aipéia et Pèdasos riche en vignes. Toutes sont aux bords de la mer, auprès de la sablonneuse Pylos. Leurs habitants abondent en bœufs et en troupeaux. Et, par leurs dons, ils t'honoreront comme un dieu ; et, sous ton sceptre, ils te payeront de riches tributs. Et il te donnera tout cela si tu déposes ta colère. Mais si l'Atréide et ses présents te sont odieux, aie pitié du moins des Panakhaiens accablés de douleur dans leur camp et qui t'honoreront comme un dieu. Certes, tu leur devras une grande gloire, et tu tueras Hektôr qui viendra à ta rencontre et qui se vante que nul ne peut se comparer à lui de tous les Danaens que les nefs ont apportés ici.

Et Akhilleus aux pieds rapides lui répondit :


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– Divin Laertiade, très subtil Odysseus, il faut que je dise clairement ce que j'ai résolu et ce qui s'accomplira, afin que vous n'insistiez pas tour à tour. Celui qui cache sa pensée dans son âme et ne dit point la vérité m'est plus odieux que le seuil d'Aidès. Je dirai donc ce qui me semble préférable. Ni l'Atréide Agamemnôn, ni les autres Danaens ne me persuaderont, puisqu'il ne m'a servi à rien de combattre sans relâche les guerriers ennemis. Celui qui reste au camp et celui qui combat avec courage ont une même part. Le lâche et le brave remportent le même honneur, et l'homme oisif est tué comme celui qui agit. Rien ne m'est resté d'avoir souffert des maux sans nombre et d'avoir exposé mon âme en combattant. Comme l'oiseau qui porte à ses petits sans plume la nourriture qu'il a ramassée et dont il n'a rien gardé pour lui-même, j'ai passé sans sommeil d'innombrables nuits, j'ai lutté contre les hommes pendant des journées sanglantes, pour la cause de vos femmes ; j'ai dévasté, à l'aide de mes nefs, douze villes, demeures des hommes ; sur terre, j'en ai pris onze autour de la fertile Ilios ; j'ai rapporté de toutes ces villes mille choses précieuses et superbes, et j'ai tout donné à l'Atréide Agamemnôn, tandis qu'assis auprès des nefs rapides, il n'en distribuait qu'une moindre part aux rois et aux chefs et se réservait la plus grande. Du moins ceux-ci ont gardé ce qu'il leur a donné ; mais, de tous les Akhaiens, à moi seul il m'a enlevé ma récompense ! Qu'il se réjouisse donc de cette femme et qu'il en jouisse ! Pourquoi les Argiens combattent-ils les Troiens ? Pourquoi les Atréides ont-ils conduit ici cette nombreuse armée ? N'est-ce point pour la cause de Hélénè à la belle chevelure ?

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MessageSujet: Re: L'Illiade   L'Illiade EmptyVen 20 Jan - 19:52

Ô -ils les seuls de tous les hommes qui aiment leurs femmes ? Tout homme sage et bon aime la sienne et en prend soin. Et moi aussi, j'aimais celle-ci dans mon cœur, bien que captive. Maintenant que, de ses mains, il m'a arraché ma récompense, et qu'il m'a volé, il ne me persuadera, ni ne me trompera plus, car je suis averti. Qu'il délibère avec toi, ô Odysseus, et avec les autres rois, afin d'éloigner des nefs la flamme ardente. Déjà il a fait sans moi de nombreux travaux ; il a construit un mur et creusé un fossé profond et large, défendu par des pieux. Mais il n'en a pas réprimé davantage la violence du tueur d'hommes Hektôr. Quand je combattais au milieu des Akhaiens, Hektôr ne sortait que rarement de ses murailles. À peine se hasardait-il devant les portes Skaies et auprès du hêtre. Et il m'y attendit une fois, et à peine put-il échapper à mon impétuosité. Maintenant, puisque je ne veux plus combattre le divin Hektôr, demain, ayant sacrifié à Zeus et à tous les dieux, je traînerai à la mer mes nefs chargées ; et tu verras, si tu le veux et si tu t'en soucies, mes nefs voguer, dès le matin, sur le Hellespontos poissonneux, sous l'effort vigoureux des rameurs. Et si l'illustre qui entoure la terre me donne une heureuse navigation, le troisième jour j'arriverai dans la fertile Phthiè, où sont les richesses que j'y ai laissées quand je vins ici pour mon malheur. Et j'y conduirai l'or et le rouge airain, et les belles femmes et le fer luisant que le sort m'a accordés, car le roi Atréide Agamemnôn m'a arraché la récompense qu'il m'avait donnée. Et répète-lui ouvertement ce que je dis, afin que les Akhaiens s'indignent, s'il espère tromper de nouveau quelqu'autre des Danaens.

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Mais, bien qu'il ait l'impudence d'un chien, il n'oserait me regarder en face. Je ne veux plus ni délibérer, ni agir avec lui, car il m'a trompé et outragé. C'est assez. Mais qu'il reste en repos dans sa méchanceté, car le très sage Zeus lui a ravi l'esprit. Ses dons me sont odieux, et lui, je l'honore autant que la demeure d'Aidès. Et il me donnerait dix et vingt fois plus de richesses qu'il n'en a et qu'il n'en aura, qu'il n'en vient d'Orkhoménos, ou de Thèba dans l'Aigyptia, où les trésors abondent dans les demeures, qui a cent portes, et qui, par chacune, voit sortir deux cents guerriers avec chevaux et chars ; et il me ferait autant de présents qu'il y a de grains de sable et de poussière, qu'il n'apaiserait point mon cœur avant d'avoir expié l'outrage sanglant qu'il m'a fait. Et je ne prendrai point pour femme légitime la fille de l'Atréide Agamemnôn, fût-elle plus belle qu'Aphroditè d'or et plus habile aux travaux qu'Athènè aux yeux clairs. Je ne la prendrai point pour femme légitime. Qu'il choisisse un autre Akhaien qui lui plaise et qui soit un roi plus puissant. Si les dieux me gardent, et si je rentre dans ma demeure, Pèleus me choisira lui-même une femme légitime. Il y a, dans l'Akhaiè, la Hellas et la Phthiè, de nombreuses jeunes filles de chefs guerriers qui défendent les citadelles, et je ferai de l'une d'elles ma femme légitime bien-aimée. Et mon cœur généreux me pousse à prendre une femme légitime et à jouir des biens acquis par le vieillard Pèleus. Toutes les richesses que renfermait la grande Ilios aux nombreux habitants pendant la paix, avant la venue des fils des Akhaiens, ne sont point d'un prix égal à la vie, non plus que celles que renferme le sanctuaire de pierre de l'archer Phoibos Apollôn, dans l'âpre Pythô.

- page 202 -

Les bœufs, les grasses brebis, les trépieds, les blondes crinières des chevaux, tout cela peut être conquis ; mais l'âme qui s'est une fois échappée d'entre nos dents ne peut être ressaisie ni rappelée. Ma mère, la déesse Thétis aux pieds d'argent, m'a dit que deux kères m'étaient offertes pour arriver à la mort. Si je reste et si je combats autour de la ville des Troiens, je ne retournerai jamais dans mes demeures, mais ma gloire sera immortelle. Si je retourne vers ma demeure, dans la terre bien-aimée de ma patrie, je perdrai toute gloire, mais je vivrai très vieux, et la mort ne me saisira qu'après de très longues années. Je conseille à tous les Akhaiens de retourner vers leurs demeures, car vous ne verrez jamais le dernier jour de la haute Ilios. Zeus qui tonne puissamment la protège de ses mains et a rempli son peuple d'une grande audace. Pour vous, allez porter ma réponse aux chefs des Akhaiens, car c'est là le partage des anciens ; et ils chercheront dans leur esprit un meilleur moyen de sauver les nefs et les tribus Akhaiennes, car ma colère rend inutile celui qu'ils avaient trouvé. Et Phoinix restera et couchera ici, afin de me suivre demain, sur mes nefs, dans notre patrie, s'il le désire, du moins, car je ne le contraindrai point.

Il parla ainsi, et tous restèrent muets, accablés de ce discours et de ce dur refus. Enfin, le vieux cavalier Phoinix parla ainsi, versant des larmes, tant il craignait pour les nefs des Akhaiens :


- page 203 -

– Si déjà tu as résolu ton retour, illustre Akhilleus, et si tu refuses d'éloigner des nefs rapides la violence du feu destructeur, parce que la colère est tombée dans ton cœur, comment, cher fils, pourrai-je t'abandonner et rester seul ici ? Le vieux cavalier Pèleus m'ordonna de t'accompagner le jour où il t'envoya, loin de la Phthiè, vers Agamemnôn, tout jeune encore, ignorant la guerre lamentable et l'agora où les hommes deviennent illustres. Et il m'ordonna de t'accompagner afin que je pusse t'enseigner à parler et à agir. C'est pourquoi je ne veux point me séparer de toi, cher fils, même quand un dieu me promettrait de m'épargner la vieillesse et me rendrait à ma jeunesse florissante, tel que j'étais quand je quittai pour la première fois la Hellas aux belles femmes, fuyant la colère de mon père Amyntôr Orménide. Et il s'était irrité contre moi à cause de sa concubine aux beaux cheveux qu'il aimait et pour laquelle il méprisait sa femme légitime, ma mère. Et celle-ci me suppliait toujours, à genoux, de séduire cette concubine, pour que le vieillard la prît en haine. Et je lui obéis, et mon père, s'en étant aperçu, se répandit en imprécations, et supplia les odieuses Erinnyes, leur demandant que je ne sentisse jamais sur mes genoux un fils bien-aimé, né de moi ; et les dieux, Zeus le souterrain et la cruelle Perséphonéia accomplirent ses imprécations. Alors je ne pus me résoudre dans mon âme à rester dans les demeures de mon père irrité. Et de nombreux amis et parents, venus de tous côtés, me retinrent. Et ils tuèrent beaucoup de grasses brebis et de bœufs noirs aux pieds lents ; et ils passèrent à l'ardeur du feu les porcs lourds de graisse, et ils burent, par grandes cruches, le vin du vieillard.

- page 204 -

Et pendant neuf nuits ils dormirent autour de moi, et chacun me gardait tour à tour. L'un se tenait sous le portique de la cour, l'autre dans le vestibule de la salle bien fermée. Et le feu ne s'éteignait jamais. Mais, dans l'obscurité de la dixième nuit, ayant rompu les portes de la salle, j'échappai facilement à mes gardiens et aux serviteurs, et je m'enfuis loin de la grande Hellas, et j'arrivai dans la fertile Phthiè, nourrice de brebis, auprès du roi Pèleus. Et il me reçut avec bienveillance, et il m'aima comme un père aime un fils unique, né dans son extrême vieillesse, au milieu de ses domaines. Et il me fit riche, et il me donna à gouverner un peuple, aux confins de la Phthiè, et je commandai aux Dolopiens. Et je t'ai aimé de même dans mon cœur, ô Akhilleus égal aux dieux. Et tu ne voulais t'asseoir aux repas et manger dans tes demeures qu'assis sur mes genoux, et rejetant parfois le vin et les mets dont tu étais rassasié, sur ma poitrine et ma tunique, comme font les petits enfants. Et j'ai beaucoup souffert et beaucoup travaillé pour toi, pensant que, si les dieux m'avaient refusé une postérité, je t'adopterais pour fils, ô Akhilleus semblable aux dieux, afin que tu pusses un jour me défendre des outrages et de la mort. Ô Akhilleus, apaise ta grande âme, car il ne te convient pas d 'avoir un cœur sans pitié. Les dieux eux-mêmes sont exorables, bien qu'ils n'aient point d'égaux en vertu, en honneurs et en puissance ; et les hommes les fléchissent cependant par les prières, par les vœux, par les libations et par l'odeur des sacrifices, quand ils les ont offensés en leur désobéissant.

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MessageSujet: Re: L'Illiade   L'Illiade EmptyVen 20 Jan - 19:52

Les prières, filles du grand Zeus, boiteuses, ridées et louches, suivent à grand'peine Atè. Et celle-ci, douée de force et de rapidité, les précède de très loin et court sur la face de la terre en maltraitant les hommes. Et les prières la suivent, en guérissant les maux qu'elle a faits, secourant et exauçant celui qui les vénère, elles qui sont filles de Zeus. Mais elles supplient Zeus Kroniôn de faire poursuivre et châtier par Atè celui qui les repousse et les renie. C'est pourquoi, ô Akhilleus, rends aux filles de Zeus l'honneur qui fléchit l'âme des plus braves. Si l'Atréide ne t'offrait point de présents, s'il ne t'en annonçait point d'autres encore, s'il gardait sa colère, je ne t'exhorterais point à déposer la tienne, et à secourir les Argiens qui, cependant, désespèrent du salut. Mais voici qu'il t'offre dès aujourd'hui de nombreux présents et qu'il t'en annonce d'autres encore, et qu'il t'envoie, en suppliants, les premiers chefs de l'armée Akhaienne, ceux qui te sont chers entre tous les Argiens. Ne méprise donc point leurs paroles, afin que nous ne blâmions point la colère que tu ressentais ; car nous avons appris que les anciens héros qu'une violente colère avait saisis se laissaient fléchir par des présents et par des paroles pacifiques. Je me souviens d'une histoire antique. Certes, elle n'est point récente. Amis, je vous la dirai : les Kourètes combattaient les Aitôliens belliqueux, autour de la ville de Kalidôn ; et les Kourètes voulaient la saccager. Et Artémis au siège d'or avait attiré cette calamité sur les Aitôliens, irritée qu'elle était de ce qu'Oineus ne lui eût point offert de prémices dans ses grasses prairies.

- page 206 -

Tous les dieux avaient joui de ses hécatombes ; mais, oublieux ou imprudent, il n'avait point sacrifié à la seule fille du grand Zeus, ce qui causa des maux amers ; car, dans sa colère, la race divine qui se réjouit de ses flèches suscita un sanglier sauvage, aux blanches défenses, qui causa des maux innombrables, dévasta les champs d'Oineus et arracha de grands arbres, avec racines et fleurs.

Et le fils d'Oineus, Méléagros, tua ce sanglier, après avoir appelé, des villes prochaines, des hommes chasseurs et des chiens. Et cette bête sauvage ne fut point domptée par peu de chasseurs, et elle en fit monter plusieurs sur le bûcher. Mais Artémis excita la discorde et la guerre entre les Kourètes et les magnanimes Aitôliens, à cause de la hure du sanglier et de sa dépouille hérissée. Aussi longtemps que Méléagros cher à Arès combattit, les Kourètes, vaincus, ne purent rester hors de leurs murailles ; mais la colère, qui trouble l'esprit des plus sages, envahit l'âme de Méléagros, et irrité dans son cœur contre sa mère Althaiè, il resta inactif auprès de sa femme légitime, la belle Kléopatrè, fille de la vierge Marpissè Événide et d'Idaios, le plus brave des hommes qui fussent alors sur la terre. Et celui-ci avait tendu son arc contre le roi Phoibos Apollôn, à cause de la belle nymphe Marpissè. Et le père et la mère vénérable de Kléopatrè l'avaient surnommée Alkyonè, parce que la mère d' Alkyôn avait gémi amèrement quand l' archer Phoibos Apollôn la ravit.

- page 207 -

Et Méléagros restait auprès de Kléopatrè, couvant une ardente colère dans son cœur, à cause des imprécations de sa mère qui suppliait en gémissant les dieux de venger le meurtre fraternel. Et, les genoux ployés, le sein baigné de pleurs, frappant de ses mains la terre nourricière, elle conjurait Aidès et la cruelle Perséphonéia de donner la mort à son fils Méléagros. Et Érinnys à l'âme implacable, qui erre dans la nuit, l'entendit du fond de l'Érébos. Et les Kourètes se ruèrent, en fureur et en tumulte, contre les portes de la ville, et ils heurtaient les tours. Et les vieillards Aitôliens supplièrent Méléagros ; et ils lui envoyèrent les sacrés sacrificateurs des dieux, afin qu'il sortît et secourût les siens. Et ils lui offrirent un très riche présent, lui disant de choisir le plus fertile et le plus beau domaine de l'heureuse Kalydôn, vaste de cinquante arpents, moitié en vignes, moitié en terres arables. Et le vieux cavalier Oineus le suppliait, debout sur le seuil élevé de la chambre nuptiale et frappant les portes massives. Et ses sœurs et sa mère vénérable le suppliaient aussi ; mais il ne les écoutait point, non plus que ses plus chers compagnons, et ils ne pouvaient apaiser son cœur. Mais déjà les Kourètes escaladaient les tours, incendiaient la ville et approchaient de la chambre nuptiale. Alors, la belle jeune femme le supplia à son tour, et elle lui rappela les calamités qui accablent les habitants d'une ville prise d'assaut : les hommes tués, les demeures réduites en cendre, les enfants et les jeunes femmes emmenés. Et enfin son âme fut ébranlée au tableau de ces misères. Et il se leva, revêtit ses armes éclatantes, et recula le dernier jour des Aitôliens, car il avait déposé sa colère.

- page 208 -

Et ils ne lui firent point de nombreux et riches présents, et cependant il les sauva ainsi. Mais ne songe point à ces choses, ami, et qu'un dieu contraire ne te détermine point à faire de même. Il serait plus honteux pour toi de ne secourir les nefs que lorsqu' elles seront en flammes. Viens ! reçois ces présents, et les Akhaiens t'honoreront comme un dieu. Si tu combattais plus tard, sans accepter ces dons, tu serais moins honoré, même si tu repoussais le danger loin des nefs.

Et Akhilleus aux pieds rapides lui répondit :

– Ô Phoinix, père divin et vénérable, je n'ai nul besoin d'honneurs. Je suis assez honoré par la volonté de Zeus qui me retient auprès de mes nefs aux poupes recourbées, et je le serai tant qu'il y aura un souffle dans ma poitrine et que mes genoux pourront se mouvoir. Mais je te le dis, garde mes paroles dans ton esprit : Ne trouble point mon cœur, en pleurant et en gémissant, à cause du héros Atréide, car il ne te convient point de l'aimer, à moins de me devenir odieux, à moi qui t'aime. Il est juste que tu haïsses celui qui me hait. Règne avec moi et défends ta part de mon honneur. Ceux-ci vont partir, et tu resteras ici, couché sur un lit moelleux ; et, aux premières lueurs d'Éôs, nous délibérerons s'il nous faut retourner vers notre patrie, ou rester.

Il parla, et, de ses sourcils, il fit signe à Patroklos, afin que celui-ci préparât le lit épais de Phoinix et que les envoyés sortissent promptement de la tente. Mais le Télamônien Aias, semblable à un dieu, parla ainsi :


- page 209 -

– Divin Laertiade, très subtil Odysseus, allons-nous-en ! Ces discours n' auront point de fin, et il nous faut rapporter promptement une réponse, bien que mauvaise, aux Danaens qui nous attendent. Akhilleus garde une colère orgueilleuse dans son cœur implacable. Dur, il se soucie peu de l'amitié de ses compagnons qui l'honorent entre tous auprès des nefs. Ô inexorable ! n'accepte-t-on point le prix du meurtre d'un frère ou d'un fils ? Et celui qui a tué reste au milieu de son peuple, dès qu'il a expié son crime, et son ennemi, satisfait, s'apaise. Les dieux ont allumé dans ta poitrine une sombre et inextinguible colère, à cause d'une seule jeune fille, quand nous t'en offrons sept très belles et un grand nombre d'autres présents. C'est pourquoi, prends un esprit plus doux, et respecte ta demeure, puisque nous sommes tes hôtes domestiques envoyés par la foule des Danaens, et que nous désirons être les plus chers de tes amis, entre tous les Akhaiens.

Et Akhilleus aux pieds rapides lui répondit :

– Divin Aias Télamônien, prince des peuples, ce que tu as dit est sage, mais mon cœur se gonfle de colère quand je songe à l'Atréide qui m'a outragé au milieu des Danaens, comme il eût fait d'un misérable. Allez donc, et rapportez votre message. Je ne me soucierai plus de la guerre sanglante avant que le divin Hektôr, le fils du brave Priamos, ne soit parvenu jusqu'aux tentes et aux nefs des Myrmidones, après avoir massacré les Argiens et incendié leurs nefs.

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MessageSujet: Re: L'Illiade   L'Illiade EmptyVen 20 Jan - 19:53

C'est devant ma tente et ma nef noire que je repousserai le furieux Hektôr loin de la mêlée.

Il parla ainsi. Et chacun, ayant saisi une coupe profonde, fit ses libations, et ils s'en retournèrent vers les nefs, et Odysseus les conduisait.

Et Patroklos commanda à ses compagnons et aux servantes de préparer promptement le lit épais de Phoinix. Et, lui obéissant, elles préparèrent le lit, comme il l'avait commandé. Et elles le firent de peaux de brebis, de couvertures et de fins tissus de lin. Et le vieillard se coucha, en attendant la divine Éôs. Et Akhilleus se coucha dans le fond de la tente bien construite, et, auprès de lui, se coucha une femme qu'il avait amenée de Lesbos, la fille de Phorbas, Diomèda aux belles joues. Et Patroklos se coucha dans une autre partie de la tente, et, auprès de lui, se coucha la belle Iphis que lui avait donnée le divin Akhilleus quand il prit la haute Skyros, citadelle d'Ényeus.

Et, les envoyés étant arrivés aux tentes de l'Atréide, les fils des Akhaiens, leur offrant des coupes d'or, s'empressèrent autour d'eux, et ils les interrogeaient. Et, le premier, le roi des hommes, Agamemnôn, les interrogea ainsi :

– Dis-moi, Odysseus, très digne de louanges, illustre gloire des Akhaiens, veut-il défendre les nefs de la flamme ardente, ou refuse-t-il, ayant gardé sa colère dans son cœur orgueilleux ?


- page 211 -

Et le patient et divin Odysseus lui répondit :

– Très illustre Atréide Agamemnôn, roi des hommes, il ne veut point éteindre sa colère, et il n'est que plus irrité. Il refuse tes dons. Il te conseille de délibérer avec les autres Argiens comment tu sauveras les nefs et l'armée des Akhaiens. Il menace, dès les premières lueurs d'Éôs, de traîner à la mer ses nefs solides ; et il exhorte les autres Argiens à retourner vers leur patrie, car il dit que vous ne verrez jamais le dernier jour de la haute Ilios, et que Zeus qui tonne puissamment la protège de ses mains et a rempli son peuple d'une grande audace. Il a parlé ainsi, et ceux qui m'ont suivi, Aias et les deux hérauts pleins de prudence peuvent l'affirmer. Et le vieillard Phoinix s'est couché sous sa tente, et il l'emmènera demain sur ses nefs vers leur chère patrie, s'il le désire, car il ne veut point le contraindre.

Il parla ainsi, et tous restèrent muets, accablés de ce discours et de ces dures paroles. Et les fils des Akhaiens restèrent longtemps muets et tristes. Enfin, Diomèdès hardi au combat parla ainsi :

– Très illustre roi des hommes, Atréide Agamemnôn, plût aux dieux que tu n'eusses point supplié l'irréprochable Pèléide, en lui offrant des dons infinis ! Il avait un cœur orgueilleux, et tu as enflé son orgueil. Laissons-le ; qu'il parte ou qu'il reste. Il combattra de nouveau quand il lui plaira et qu'un dieu l'y poussera. Allons ! faites tous ce que je vais dire.

- page 212 -

Reposons-nous, puisque nous avons ranimé notre âme en buvant et en mangeant, ce qui donne la force et le courage. Mais aussitôt que la belle Éôs aux doigts rosés paraîtra, rangeons l'armée et les chars devant les nefs. Alors, Atréide, exhorte les hommes au combat, et combats toi-même aux premiers rangs.

Il parla ainsi, et tous les rois applaudirent, admirant les paroles de l'habile cavalier Diomèdès. Et après avoir fait des libations, ils se retirèrent sous leurs tentes, où ils se couchèrent et s'endormirent.

- page 213 -

Les chefs des Panakhaiens dormaient dans la nuit, auprès des nefs, domptés par le sommeil ; mais le doux sommeil ne saisissait point l'Atréide Agamemnôn, prince des peuples, et il roulait beaucoup de pensées dans son esprit.

De même que l'époux de Hèrè lance la foudre, ce grand bruit précurseur des batailles amères, ou de la pluie abondante, ou de la grêle pressée, ou de la neige qui blanchit les campagnes ; de même Agamemnôn poussait de nombreux soupirs du fond de sa poitrine, et tout son cœur tremblait quand il contemplait le camp des Troiens et la multitude des feux qui brûlaient devant Ilios, et qu'il entendait le son des flûtes et la rumeur des hommes. Et il regardait ensuite l'armée des Akhaiens, et il arrachait ses cheveux qu'il vouait à l'éternel Zeus, et il gémissait dans son cœur magnanime.

Et il vit que le mieux était de se rendre auprès du Nèlèiôn Nestôr pour délibérer sur le moyen de sauver ses guerriers et de trouver un remède aux maux qui accablaient tous les Danaens. Et, s'étant levé, il revêtit une tunique, attacha de belles sandales à ses pieds robustes, s'enveloppa de la peau rude d'un lion grand et fauve, et saisit une lance.

Et voici que la même terreur envahissait Ménélaos. Le sommeil n'avait point fermé ses paupières, et il tremblait en songeant aux souffrances des Argiens qui, pour sa cause ayant traversé la vaste mer, étaient venus devant Troiè, pleins d'ardeur belliqueuse.

- page 214 -

Et il couvrit son large dos de la peau tachetée d'un léopard, posa un casque d'airain sur sa tête, saisit une lance de sa main robuste et sortit pour éveiller son frère qui commandait à tous les Argiens, et qu'ils honoraient comme un dieu. Et il le rencontra, revêtu de ses belles armes, auprès de la poupe de sa nef ; et Agamemnôn fut joyeux de le voir, et le brave Ménélaos parla ainsi le premier :

– Pourquoi t'armes-tu, frère ? Veux-tu envoyer un de nos compagnons épier les Troiens ? Je crains qu'aucun de ceux qui te le promettront n'ose, seul dans la nuit divine, épier les guerriers ennemis. Celui qui le fera, certes, sera plein d'audace.

Et le roi Agamemnôn, lui répondant, parla ainsi :

– Il nous faut à tous deux un sage conseil, ô Ménélaos, nourrisson de Zeus, qui nous aide à sauver les Argiens et les nefs, puisque l'esprit de Zeus nous est contraire, et qu'il se complaît aux sacrifices de Hektôr beaucoup plus qu'aux nôtres ; car je n'ai jamais ni vu, ni entendu dire qu'un seul homme ait accompli, en un jour, autant de rudes travaux que Hektôr cher à Zeus contre les fils des Akhaiens, bien qu'il ne soit né ni d'une déesse ni d'un dieu. Et je pense que les Argiens se souviendront amèrement et longtemps de tous les maux qu'il leur a faits. Mais, va ! Cours vers les nefs ; appelle Aias et Idoméneus. Moi, je vais trouver le divin Nestôr, afin qu'il se lève et vienne vers la troupe sacrée des gardes, et qu'il leur commande.

- page 215 -

Ils l'écouteront avec plus de respect que d'autres, car son fils est à leur tête, avec Mèrionès, le compagnon d'Idoméneus. C'est à eux que nous avons donné le commandement des gardes.

Et le brave Ménélaos lui répondit :

– Comment faut-il obéir à ton ordre ? Resterai-je au milieu d'eux, en t'attendant, ou reviendrai-je promptement vers toi, après les avoir avertis ?

Et le roi des hommes, Agamemnôn, lui répondit :

– Reste, afin que nous ne nous égarions point tous deux en venant au hasard au-devant l'un de l'autre, car le camp a de nombreuses routes. Parle à voix haute sur ton chemin et recommande la vigilance. Adjure chaque guerrier au nom de ses pères et de ses descendants ; donne des louanges à tous, et ne montre point un esprit orgueilleux. Il faut que nous agissions ainsi par nous-mêmes, car, dès le berceau, Zeus nous a infligé cette lourde tâche.

Ayant ainsi parlé, il congédia son frère, après lui avoir donné de sages avis, et il se rendit auprès de Nestôr, prince des peuples. Et il le trouva sous sa tente, non loin de sa nef noire, couché sur un lit épais. Et autour de lui étaient répandues ses armes aux reflets variés, le bouclier, les deux lances, et le casque étincelant, et le riche ceinturon que ceignait le vieillard quand il s'armait pour la guerre terrible, à la tête des siens ; car il ne se laissait point accabler par la triste vieillesse.

- page 216 -

Et, s'étant soulevé, la tête appuyée sur le bras, il parla ainsi à l'Atréide :

– Qui es-tu, qui viens seul vers les nefs, à travers le camp, au milieu de la nuit noire, quand tous les hommes mortels sont endormis ? Cherches-tu quelque garde ou quelqu'un de tes compagnons ? Parle, ne reste pas muet en m'approchant. Que te faut-il ?

Et le roi des hommes, Agamemnôn, lui répondit :

– Ô Nestôr Nèlèiade, illustre gloire des Akhaiens, reconnais l'Atréide Agamemnôn, celui que Zeus accable entre tous de travaux infinis, jusqu'à ce que le souffle manque à ma poitrine et que mes genoux cessent de se mouvoir. J'erre ainsi, parce que le doux sommeil n'abaisse point mes paupières, et que la guerre et la ruine des Akhaiens me rongent de soucis. Je tremble pour les Danaens, et je suis troublé, et mon cœur n'est plus ferme, et il bondit hors de mon sein, et mes membres illustres frémissent. Si tu sais ce qu'il faut entreprendre, et puisque tu ne dors pas, viens ; rendons-nous auprès des gardes, et sachons si, rompus de fatigue, ils dorment et oublient de veiller. Les guerriers ennemis ne sont pas éloignés, et nous ne savons s'ils ne méditent point de combattre cette nuit.

Et le cavalier Gérennien Nestôr lui répondit :


- page 217 -

– Atréide Agamemnôn, très illustre roi des hommes, le prudent Zeus n'accordera peut-être pas à Hektôr tout ce qu'il espère ; et je pense qu'il ressentira à son tour de cruelles douleurs si Akhilleus arrache de son cœur sa colère fatale. Mais je te suivrai volontiers, et nous appellerons les autres chefs : le Tydéide illustre par sa lance, et Odysseus, et l'agile Aias, et le robuste fils de Phyleus, et le divin Aias aussi, et le roi Idoméneus. Les nefs de ceux-ci sont très éloignées. Cependant, je blâme hautement Ménélaos, bien que je l'aime et le vénère, et même quand tu t'en irriterais contre moi. Pourquoi dort-il et te laisse-t-il agir seul ? Il devrait lui-même exciter tous les chefs, car une inexorable nécessité nous assiège.

Et le roi des hommes, Agamemnôn, lui répondit :

– Ô vieillard, je t'ai parfois poussé à le blâmer, car il est souvent négligent et ne veut point agir, non qu'il manque d'intelligence ou d'activité, mais parce qu'il me regarde et attend que je lui donne l'exemple. Mais voici qu'il s'est levé avant moi et qu'il m'a rencontré. Et je l'ai envoyé appeler ceux que tu nommes. Allons ! nous les trouverons devant les portes, au milieu des gardes ; car c'est là que j'ai ordonné qu'ils se réunissent.

Et le cavalier Gérennien Nestôr lui répondit :

– Nul d'entre les Argiens ne s'irritera contre lui et ne résistera à ses exhortations et à ses ordres.


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Ayant ainsi parlé, il se couvrit la poitrine d'une tunique, attacha de belles sandales à ses pieds robustes, agrafa un manteau fait d'une double laine pourprée, saisit une forte lance à pointe d'airain et s'avança vers les nefs des Akhaiens cuirassés. Et le cavalier Gérennien Nestôr, parlant à haute voix, éveilla Odysseus égal à Zeus en prudence ; et celui-ci, aussitôt qu'il eut entendu, sortit de sa tente et leur dit :

– Pourquoi errez-vous seuls auprès des nefs, à travers le camp, au milieu de la nuit divine ? Quelle nécessité si grande vous y oblige ?

Et le cavalier Gérennien Nestôr lui répondit :

– Laertiade, issu de Zeus, subtil Odysseus, ne t'irrite pas. Une profonde inquiétude trouble les Akhaiens. Suis-nous donc et éveillons chaque chef, afin de délibérer s'il faut fuir ou combattre.

Il parla ainsi, et le subtil Odysseus, étant rentré sous sa tente, jeta un bouclier éclatant sur ses épaules et revint à eux. Et ils se rendirent auprès du Tydéide Diomèdès, et ils le virent hors de sa tente avec ses armes. Et ses compagnons dormaient autour, le bouclier sous la tête. Leurs lances étaient plantées droites, et l'airain brillait comme l'éclair de Zeus. Et le héros dormait aussi, couché sur la peau d'un bœuf sauvage, un tapis splendide sous la tête. Et le cavalier Gérennien Nestôr, s'approchant, le poussa du pied et lui parla rudement :


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– Lève-toi, fils de Tydeus ! Pourquoi dors-tu pendant cette nuit ? N'entends-tu pas les Troiens, dans leur camp, sur la hauteur, non loin des nefs ? Peu d'espace nous sépare d'eux.

Il parla ainsi, et Diomèdès, sortant aussitôt de son repos, lui répondit par ces paroles ailées :

– Tu ne te ménages pas assez, vieillard. Les jeunes fils des Akhaiens ne peuvent-ils aller de tous côtés dans le camp éveiller chacun des rois ? Vieillard, tu es infatigable, en vérité.

Et le cavalier Gérennien Nestôr lui répondit :

– Certes, ami, tout ce que tu as dit est très sage. J'ai des guerriers nombreux et des fils irréprochables. Un d'entre eux aurait pu parcourir le camp. Mais une dure nécessité assiège les Akhaiens ; la vie ou la mort des Argiens est sur le tranchant de l'épée. Viens donc, et, si tu me plains, car tu es plus jeune que moi, éveille l'agile Aias et le fils de Phyleus.

Il parla ainsi et Diomèdès, se couvrant les épaules de la peau d'un grand lion fauve, prit une lance, courut éveiller les deux rois et les amena. Et bientôt ils arrivèrent tous au milieu des gardes, dont les chefs ne dormaient point et veillaient en armes, avec vigilance. Comme des chiens qui gardent activement des brebis dans l'étable, et qui, entendant une bête féroce sortie des bois sur les montagnes, hurlent contre elle au milieu des cris des pâtres ; de même veillaient les gardes, et le doux sommeil n'abaissait point leurs paupières pendant cette triste nuit ; mais ils étaient tournés du côté de la plaine, écoutant si les Troiens s'avançaient.

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MessageSujet: Re: L'Illiade   L'Illiade EmptySam 28 Jan - 17:38

Et le vieillard Nestôr, les ayant vus, en fut réjoui ; et, les félicitant, il leur dit en paroles ailées :

– C'est ainsi, chers enfants, qu'il faut veiller. Que le sommeil ne saisisse aucun d'entre vous, de peur que nous ne soyons le jouet de l'ennemi.

Ayant ainsi parlé, il passa le fossé, et les rois Argiens convoqués au conseil le suivirent, et, avec eux, Mèrionès et l'illustre fils de Nestôr, appelés à délibérer aussi. Et, lorsqu'ils eurent passé le fossé, ils s'arrêtèrent en un lieu d'où l'on voyait le champ de bataille, là où le robuste Hektôr, ayant défait les Argiens, avait commencé sa retraite dès que la nuit eut répandu ses ténèbres. Et c'est là qu'ils délibéraient entre eux. Et le cavalier Gérennien Nestôr parla ainsi le premier :

– Ô amis, quelque guerrier, sûr de son cœur audacieux, veut-il aller au milieu des Troiens magnanimes ? Peut-être se saisirait-il d'un ennemi sorti de son camp, ou entendrait-il les Troiens qui délibèrent entre eux, soit qu'ils veuillent rester loin des nefs, soit qu'ils ne veuillent retourner dans leur ville, qu'ayant dompté les Akhaiens. Il apprendrait tout et reviendrait vers nous, sans blessure, et il aurait une grande gloire sous l'Ouranos, parmi les hommes, ainsi qu'une noble récompense. Les chefs qui commandent sur nos nefs, tous, tant qu'ils sont, lui donneraient, chacun, une brebis noire allaitant un agneau, et ce don serait sans égal ; et toujours il serait admis à nos repas et à nos fêtes.


- page 221 -

Il parla ainsi, et tous restèrent muets, mais le brave Diomèdès répondit :

– Nestôr, mon cœur et mon esprit courageux me poussent à entrer dans le camp prochain des guerriers ennemis ; mais, si quelque héros veut me suivre, mon espoir sera plus grand et ma confiance sera plus ferme. Quand deux hommes marchent ensemble, l'un conçoit avant l'autre ce qui est utile. Ce n'est pas qu'un seul ne le puisse, mais son esprit est plus lent et sa résolution est moindre.

Il parla ainsi, et beaucoup voulurent le suivre : les deux Aias, nourrissons d'Arès, et le fils de Nestôr, et Mèrionès, et l'Atréide Ménélaos illustre par sa lance. L’audacieux Odysseus voulut aussi pénétrer dans le camp des Troiens. Et le roi des hommes, Agamemnôn, parla ainsi au milieu d'eux :

– Tydéide Diomèdès, le plus cher à mon âme, choisis, dans le meilleur de ces héros, le compagnon que tu voudras, puisque tous s'offrent à toi ; mais ne néglige point, par respect, le plus robuste pour un plus faible, même s'il était un roi plus puissant.

Il parla ainsi, et il craignait pour le blond Ménélaos mais le brave Diomèdès répondit :


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– Puisque tu m'ordonnes de choisir moi-même un compagnon, comment pourrais-je oublier le divin Odysseus qui montre dans tous les travaux un cœur irréprochable et un esprit viril, et qui est aimé de Pallas Athènè ? S'il m'accompagne, nous reviendrons tous deux du milieu des flammes, car il est plein d'intelligence.

Et le patient et divin Odysseus lui répondit :

– Tydéide Diomèdès, ne me loue ni ne me blâme outre mesure. Tu parles au milieu des Argiens qui me connaissent. Allons ! la nuit passe ; déjà l'aube est proche ; les étoiles s'inclinent. Les deux premières parties de la nuit se sont écoulées, et la troisième seule nous reste.

Ayant ainsi parlé, ils se couvrirent de leurs lourdes armes. Thrasymèdès, ferme au combat, donna au Tydéide une épée à deux tranchants, car la sienne était restée sur les nefs, et un bouclier. Et Diomèdès mit sur sa tête un casque fait d'une peau de taureau, terne et sans crinière, tel qu'en portaient les plus jeunes guerriers. Et Mèrionès donna à Odysseus un arc, un carquois et une épée. Et le Laertiade mit sur sa tête un casque fait de peau, fortement lié, en dedans, de courroies, que les dents blanches d'un sanglier hérissaient de toutes parts au dehors, et couvert de poils au milieu. Autolykos avait autrefois enlevé ce casque dans Éléôn, quand il força la solide demeure d'Amyntôr Orménide ; et il le donna, dans Skandéia, au Kythérien Amphidamas ; et Amphidamas le donna à son hôte Molos, et Molos à son fils Mèrionès.

- page 223 -

Maintenant Odysseus le mit sur sa tête.

Et après avoir revêtu leurs armes, les deux guerriers partirent, quittant les autres chefs. Et Pallas Athènè envoya, au bord de la route, un héron propice, qu'ils ne virent point dans la nuit obscure, mais qu'ils entendirent crier. Et Odysseus, tout joyeux, pria Athènè :

– Entends-moi, fille de Zeus tempétueux, toi qui viens à mon aide dans tous mes travaux, et à qui je ne cache rien de tout ce que je fais. À cette heure, sois-moi favorable encore, Athènè ! Accorde-nous de revenir vers nos nefs illustres, ayant accompli une grande action qui soit amère aux Troiens.

Et le brave Diomèdès la pria aussi :

– Entends-moi, fille indomptée de Zeus ! Protège-moi maintenant, comme tu protégeas le divin Tydeus, mon père, dans Thèbè, où il fut envoyé par les Akhaiens. Il laissa les Akhaiens cuirassés sur les bords de l'Asôpos ; et il portait une parole pacifique aux Kadméiens ; mais, au retour, il accomplit des actions mémorables, avec ton aide, déesse, qui le protégeais ! Maintenant, sois-moi favorable aussi, et je te sacrifierai une génisse d'un an, au large front, indomptée, car elle n'aura jamais été soumise au joug. Et je te la sacrifierai, en répandant de l'or sur ses cornes.

Ils parlèrent ainsi en priant, et Pallas Athènè les entendit.

- page 224 -

Et, après qu'ils eurent prié la fille du grand Zeus, ils s'avancèrent comme deux lions, à travers la nuit épaisse et le carnage et les cadavres et les armes et le sang noir.

Mais Hektôr aussi n'avait point permis aux Troiens magnanimes de dormir ; et il avait convoqué les plus illustres des chefs et des princes, et il délibérait prudemment avec eux :

– Qui d'entre vous méritera une grande récompense, en me promettant d'accomplir ce que je désire ? Cette récompense sera suffisante. Je lui donnerai un char et deux chevaux au beau col, les meilleurs entre tous ceux qui sont auprès des nefs rapides des Akhaiens. Il remporterait une grande gloire celui qui oserait approcher des nefs rapides, et reconnaître si les Argiens veillent toujours devant les nefs, ou si, domptés par nos mains, ils se préparent à fuir et ne veulent plus même veiller pendant la nuit, accablés par la fatigue.

Il parla ainsi, et tous restèrent muets. Et il y avait, parmi les Troiens, Dolôn, fils d'Eumèdos, divin héraut, riche en or et en airain. Dolôn n'était point beau, mais il avait des pieds agiles ; et c'était un fils unique avec cinq sœurs. Il se leva, et il dit à Hektôr et aux Troiens :

– Hektôr, mon cœur et mon esprit courageux me poussent à aller vers les nefs rapides, à la découverte ; mais lève ton sceptre et jure que tu me donneras les chevaux et le char orné d'airain qui portent l'irréprochable Pèléiôn.

- page 225 -

Je ne te serai point un espion inhabile et au-dessous de ton attente. J'irai de tous côtés dans le camp, et je parviendrai jusqu'à la nef d'Agamemnôn, où, sans doute, les premiers d'entre les rois délibèrent s'il faut fuir ou combattre.

Il parla ainsi, et le Priamide saisit son sceptre et fit ce serment :

– Que l'époux de Hèrè, Zeus au grand bruit, le sache : nul autre guerrier Troien ne sera jamais traîné par ces chevaux, car ils n'illustreront que toi seul, selon ma promesse.

Il parla ainsi, jurant un vain serment, et il excita Dolôn. Et celui-ci jeta aussitôt sur ses épaules un arc recourbé, se couvrit de la peau d'un loup blanc, mit sur sa tête un casque de peau de belette, et prit une lance aiguë. Et il s'avança vers les nefs, hors du camp ; mais il ne devait point revenir des nefs rendre compte à Hektôr de son message. Lorsqu'il eut dépassé la foule des hommes et des chevaux, il courut rapidement. Et le divin Odysseus le vit arriver et dit à Diomèdès :

– Ô Diomèdès, cet homme vient du camp ennemi. Je ne sais s'il veut espionner nos nefs, ou dépouiller quelque cadavre parmi les morts. Laissons-le nous dépasser un peu dans la plaine, et nous le poursuivrons, et nous le prendrons aussitôt. S'il court plus rapidement que nous, pousse-le vers les nefs, loin de son camp, en le menaçant de ta lance, afin qu'il ne se réfugie point dans la ville.


- page 226 -

Ayant ainsi parlé, ils se cachèrent hors du chemin parmi les cadavres, et le Troien les dépassa promptement dans son imprudence. Et il s'était à peine éloigné de la longueur d'un sillon que tracent deux mules, qui valent mieux que les bœufs pour tracer un sillon dans une terre dure, que les deux guerriers le suivirent. Et il les entendit, et il s'arrêta inquiet. Et il pensait dans son esprit que ses compagnons accouraient pour le rappeler par l'ordre de Hektôr ; mais à une portée de trait environ, il reconnut des guerriers ennemis, et agitant ses jambes rapides, il prit la fuite, et les deux Argiens le poussaient avec autant de hâte.

Ainsi que deux bons chiens de chasse, aux dents aiguës, poursuivent de près, dans un bois, un faon ou un lièvre qui les devance en criant, ainsi le Tydéide et Odysseus, le destructeur de citadelles, poursuivaient ardemment le Troien, en le rejetant loin de son camp. Et, comme il allait bientôt se mêler aux gardes en fuyant vers les nefs, Athènè donna une plus grande force au Tydéide, afin qu'il ne frappât point le second coup, et qu'un des Akhaiens cuirassés ne pût se glorifier d'avoir fait la première blessure. Et le robuste Diomèdès, agitant sa lance, parla ainsi :

– Arrête, ou je te frapperai de ma lance, et je ne pense pas que tu évites longtemps de recevoir la dure mort de ma main.

Il parla ainsi et fit partir sa lance qui ne perça point le Troien ; mais la pointe du trait effleura seulement l'épaule droite et s'enfonça en terre.

- page 227 -

Et Dolôn s'arrêta plein de crainte, épouvanté, tremblant, pâle, et ses dents claquaient.

Et les deux guerriers, haletants, lui saisirent les mains, et il leur dit en pleurant :

– Prenez-moi vivant. Je me rachèterai. J'ai dans mes demeures de l'or et du fer propre à être travaillé. Pour mon affranchissement, mon père vous en donnera la plus grande part, s'il apprend que je suis vivant sur les nefs des Akhaiens.

Et le subtil Odysseus lui répondit :

– Prends courage, et que la mort ne soit pas présente à ton esprit ; mais dis-moi la vérité. Pourquoi viens-tu seul, de ton camp, vers les nefs, par la nuit obscure, quand tous les hommes mortels sont endormis ? Serait-ce pour dépouiller les cadavres parmi les morts, ou Hektôr t'a-t-il envoyé observer ce qui se passe auprès des nefs creuses, ou viens-tu de ton propre mouvement ?

Et Dolôn, dont les membres tremblaient, leur répondit :

– Hektôr, contre ma volonté, m'a poussé à ma ruine. Ayant promis de me donner les chevaux aux sabots massifs de l'illustre Pèléiôn et son char orné d'airain, il m'a ordonné d'aller et de m'approcher, pendant la nuit obscure et rapide, des guerriers ennemis, et de voir s'ils gardent toujours leurs nefs rapides, ou si, domptés par nos mains, vous délibérez, prêts à fuir, et ne pouvant même plus veiller, étant rompus de fatigue.


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Et le subtil Odysseus, en souriant, lui répondit :

– Certes, tu espérais, dans ton esprit, une grande récompense, en désirant les chevaux du brave Aiakide, car ils ne peuvent être domptés et conduits par des guerriers mortels, sauf par Akhilleus qu'une mère immortelle a enfanté. Mais dis-moi la vérité. Où as-tu laissé Hektôr, prince des peuples ? Où sont ses armes belliqueuses et ses chevaux ? Où sont les sentinelles et les tentes des autres Troiens ? Dis-nous s'ils délibèrent entre eux, soit qu'ils aient dessein de rester où ils sont, loin des nefs, soit qu'ils désirent ne rentrer dans la ville qu'après avoir dompté les Akhaiens.

Et Dolôn, fils d'Eumèdos, lui répondit :

– Je te dirai toute la vérité. Hektôr, dans le conseil, délibère auprès du tombeau du divin Ilos, loin du bruit. Il n'y a point de gardes autour du camp, car tous les Troiens veillent devant leurs feux, pressés par la nécessité et s'excitant les uns les autres ; mais les alliés, venus de diverses contrées, dorment tous, se fiant à la vigilance des Troiens, et n'ayant avec eux ni leurs enfants, ni leurs femmes.

Et le subtil Odysseus lui dit :

– Sont-ils mêlés aux braves Troiens, ou dorment-ils à l'écart ? Parle clairement, afin que je comprenne.


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Et Dolôn, fils d'Eumèdos, lui répondit :

– Je te dirai toute la vérité. Auprès de la mer sont les Kariens, les Paiones aux arcs recourbés, les Léléges, les Kaukônes et les divins Pélasges ; du côté de Thymbrè sont les Lykiens, les Mysiens orgueilleux, les cavaliers Phrygiens et les Maiones qui combattent sur des chars. Mais pourquoi me demandez-vous ces choses ? Si vous désirez entrer dans le camp des Troiens, les Thrèkiens récemment arrivés sont à l'écart, aux extrémités du camp, et leur roi, Rhèsos Eionéide, est avec eux. J'ai vu ses grands et magnifiques chevaux. Ils sont plus blancs que la neige, et semblables aux vents quand ils courent. Et j'ai vu son char orné d'or et d'argent, et ses grandes armes d'or, admirables aux yeux, et qui conviennent moins à des hommes mortels qu'aux dieux qui vivent toujours. Maintenant, conduisez-moi vers vos nefs rapides, ou, m'attachant avec des liens solides, laissez-moi ici jusqu'à votre retour, quand vous aurez reconnu si j'ai dit la vérité ou si j'ai menti.

Et le robuste Diomèdès, le regardant d'un œil sombre, lui répondit :

– Dolôn, ne pense pas m'échapper, puisque tu es tombé entre nos mains, bien que tes paroles soient bonnes. Si nous acceptons le prix de ton affranchissement, et si nous te renvoyons, certes, tu reviendras auprès des nefs rapides des Akhaiens, pour espionner ou combattre ; mais, si tu perds la vie, dompté par mes mains, tu ne nuiras jamais plus aux Argiens.


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MessageSujet: Re: L'Illiade   L'Illiade EmptySam 28 Jan - 17:39

Il parla ainsi, et comme Dolôn le suppliait en lui touchant la barbe de la main, il le frappa brusquement de son épée au milieu de la gorge et trancha les deux muscles. Et le Troien parlait encore quand sa tête tomba dans la poussière. Et ils arrachèrent le casque de peau de belette, et la peau de loup, et l'arc flexible et la longue lance. Et le divin Odysseus, les soulevant vers le ciel, les voua, en priant, à la dévastatrice Athènè.

– Réjouis-toi de ces armes, déesse ! Nous t'invoquons, toi qui es la première entre tous les Olympiens immortels. Conduis-nous où sont les guerriers Thrèkiens, leurs chevaux et leurs tentes.

Il parla ainsi, et, levant les bras, il posa ces armes sur un tamaris qu'il marqua d'un signe en nouant les roseaux et les larges branches, afin de les reconnaître au retour, dans la nuit noire.

Et ils marchèrent ensuite à travers les armes et la plaine sanglante, et ils parvinrent bientôt aux tentes des guerriers Thrèkiens. Et ceux-ci dormaient, rompus de fatigue ; et leurs belles armes étaient couchées à terre auprès d'eux, sur trois rangs. Et, auprès de chaque homme, il y avait deux chevaux. Et, au milieu, dormait Rhèsos, et, auprès de lui, ses chevaux rapides étaient attachés avec des courroies, derrière le char.

Et Odysseus le vit le premier, et il le montra à Diomèdès :


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– Diomèdès, voici l'homme et les chevaux dont nous a parlé Dolôn que nous avons tué. Allons ! use de ta force et sers-toi de tes armes. Détache ces chevaux, ou je le ferai moi-même si tu préfères.

Il parla ainsi, et Athènè aux yeux clairs donna une grande force à Diomèdès. Et il tuait çà et là ; et ceux qu'il frappait de l'épée gémissaient, et la terre ruisselait de sang. Comme un lion, tombant au milieu de troupeaux sans gardiens, se rue sur les chèvres et les brebis ; ainsi le fils de Tydeus se rua sur les Thrèkiens, jusqu'à ce qu'il en eût tué douze. Et dès que le Tydéide avait frappé, Odysseus, qui le suivait, traînait à l'écart le cadavre par les pieds, pensant dans son esprit que les chevaux aux belles crinières passeraient plus librement, et ne s'effaroucheraient point, n'étant pas accoutumés à marcher sur les morts. Et, lorsque le fils de Tydeus s'approcha du roi, ce fut le treizième qu'il priva de sa chère âme. Et sur la tête de Rhèsos, qui râlait, un songe fatal planait cette nuit-là, sous la forme de l'Oinéide, et par la volonté d'Athènè.

Cependant le patient Odysseus détacha les chevaux aux sabots massifs, et, les liant avec les courroies, il les conduisit hors du camp, les frappant de son arc, car il avait oublié de saisir le fouet étincelant resté dans le beau char. Et, alors, il siffla pour avertir le divin Diomèdès. Et celui-ci délibérait dans son esprit si, avec plus d'audace encore, il n'entraînerait point, par le timon, le char où étaient déposées les belles armes, ou s'il arracherait la vie à un plus grand nombre de Thrèkiens. Pendant qu'il délibérait ainsi dans son esprit, Athènè s'approcha et lui dit :


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– Songe au retour, fils du magnanime Tydeus, de peur qu'un dieu n'éveille les Troiens et que tu ne sois contraint de fuir vers les nefs creuses.

Elle parla ainsi, et il comprit les paroles de la déesse, et il sauta sur les chevaux, et Odysseus les frappa de son arc, et ils volaient vers les nefs rapides des Akhaiens. Mais Apollôn à l'arc d'argent de ses yeux perçants vit Athènè auprès du fils de Tydeus. Irrité, il entra dans le camp des Troiens et réveilla le chef Thrèkien Hippokoôn, brave parent de Rhèsos. Et celui-là, se levant, vit déserte la place où étaient les chevaux rapides, et les hommes palpitant dans leur sang ; et il gémit, appelant son cher compagnon par son nom. Et une immense clameur s'éleva parmi les Troiens qui accouraient ; et ils s'étonnaient de cette action audacieuse, et que les hommes qui l'avaient accomplie fussent retournés sains et saufs vers les nefs creuses.

Et quand ceux-ci furent arrivés là où ils avaient tué l'espion de Hektôr, Odysseus, cher à Zeus, arrêta les chevaux rapides. Et le Tydéide, sautant à terre, remit aux mains d'Odysseus les dépouilles sanglantes, et remonta. Et ils excitèrent les chevaux qui volaient avec ardeur vers les nefs creuses. Et, le premier, Nestôr entendit leur bruit et dit :

– Ô amis, chefs et princes des Argiens, mentirai-je ou dirai-je vrai ? Mon cœur m'ordonne de parler. Le galop de chevaux rapides frappe mes oreilles.

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Plaise aux dieux que, déjà, Odysseus et le robuste Diomèdès aient enlevé aux Troiens des chevaux aux sabots massifs ; mais je crains avec véhémence, dans mon esprit, que les plus braves des Argiens n'aient pu échapper à la foule des Troiens !

Il avait à peine parlé, et les deux rois arrivèrent et descendirent. Et tous, pleins de joie, les saluèrent de la main, avec des paroles flatteuses. Et, le premier, le cavalier Gérennien Nestôr les interrogea :

– Dis-moi, Odysseus comblé de louanges, gloire des Akhaiens, comment avez-vous enlevé ces chevaux ? Est-ce en entrant dans le camp des Troiens, ou avez-vous rencontré un dieu qui vous en ait fait don ? Ils sont semblables aux rayons de Hélios ! Je me mêle, certes, toujours aux Troiens, et je ne pense pas qu'on m'ait vu rester auprès des nefs, bien que je sois vieux ; mais je n'ai jamais vu de tels chevaux. Je soupçonne qu'un dieu vous les a donnés, car Zeus qui amasse les nuées vous aime tous deux, et Athènè aux yeux clairs, fille de Zeus tempétueux, vous aime aussi.

Et le subtil Odysseus lui répondit :

– Nestôr Nèlèiade, gloire des Akhaiens, sans doute un dieu, s'il l'eût voulu, nous eût donné des chevaux même au-dessus de ceux-ci, car les dieux peuvent tout. Mais ces chevaux, sur lesquels tu m'interroges, ô vieillard, sont Thrèkiens et arrivés récemment.

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Le hardi Diomèdès a tué leur roi et douze des plus braves compagnons de celui-ci. Nous avons tué, non loin des nefs, un quatorzième guerrier, un espion que Hektôr et les illustres Troiens envoyaient dans notre camp.

Il parla ainsi, joyeux, et fit sauter le fossé aux chevaux. Et les autres chefs Argiens, joyeux aussi, vinrent jusqu'à la tente solide du Tydéide. Et ils attachèrent, avec de bonnes courroies, les étalons Thrèkiens à la crèche devant laquelle les rapides chevaux de Diomèdès se tenaient, broyant le doux froment. Et Odysseus posa les dépouilles sanglantes de Dolôn sur la poupe de sa nef, pour qu'elles fussent vouées à Athènè. Et tous deux, étant entrés dans la mer pour enlever leur sueur, lavèrent leurs jambes, leurs cuisses et leurs épaules. Et après que l'eau de la mer eut enlevé leur sueur et qu'ils se furent ranimés, ils entrèrent dans des baignoires polies. Et, s'étant parfumés d'une huile épaisse, ils s'assirent pour le repas du matin, puisant dans un plein kratère pour faire, en honneur d'Athènè, des libations de vin doux.

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Éôs quitta le lit du brillant Tithôn, afin de porter la lumière aux immortels et aux vivants. Et Zeus envoya Éris vers les nefs rapides des Akhaiens, portant dans ses mains le signe terrible de la guerre. Et elle s'arrêta sur la nef large et noire d'Odysseus, qui était au centre, pour que son cri fût entendu de tous côtés, depuis les tentes du Télamônien Aias jusqu'à celles d'Akhilleus ; car ceux-ci, confiants dans leur courage et la force de leurs mains, avaient placé leurs nefs égales aux deux extrémités du camp. De ce lieu, la déesse poussa un cri retentissant et horrible qui souffla au cœur de chacun des Akhaiens un ardent désir de guerroyer et de combattre sans relâche. Et, aussitôt, la guerre leur fut plus douce que le retour, sur les nefs creuses, dans la terre bien-aimée de la patrie.

Et l'Atréide, élevant la voix, ordonna aux Argiens de s'armer ; et lui-même se couvrit de l'airain éclatant. Et, d'abord, il entoura ses jambes de belles knèmides retenues par des agrafes d'argent. Ensuite, il ceignit sa poitrine d'une cuirasse que lui avait autrefois donnée Kinyrès, son hôte. Kinyrès, ayant appris dans Kypros par la renommée que les Akhaiens voguaient vers Ilios sur leurs nefs, avait fait ce présent au roi. Et cette cuirasse avait dix cannelures en émail noir, douze en or, vingt en étain. Et trois dragons azurés s'enroulaient jusqu'au col, semblables aux Iris que le Kroniôn fixa dans la nuée pour être un signe aux vivants.

Et il suspendit à ses épaules l'épée où étincelaient des clous d'or dans la gaîne d'argent soutenue par des courroies d'or.

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Il s'abrita tout entier sous un beau bouclier aux dix cercles d'airain et aux vingt bosses d'étain blanc, au milieu desquelles il y en avait une d'émail noir où s'enroulait Gorgô à l'aspect effrayant et aux regards horribles. Auprès étaient la Crainte et la Terreur. Et ce bouclier était suspendu à une courroie d'argent où s'enroulait un dragon azuré dont le col se terminait en trois têtes. Et il mit un casque chevelu orné de quatre cônes et d'aigrettes de crin qui s'agitaient terriblement. Et il prit deux lances solides aux pointes d'airain qui brillaient jusqu'à l'Ouranos. Et Athènaiè et Hèrè éveillèrent un grand bruit pour honorer le roi de la riche Mykènè.

Et les chefs ordonnèrent aux conducteurs des chars de retenir les chevaux auprès du fossé, tandis qu'ils se ruaient couverts de leurs armes. Et une immense clameur s'éleva avant le jour. Et les chars et les chevaux, rangés auprès du fossé, suivaient à peu de distance les guerriers ; ceux-ci les précédèrent, et le cruel Kronide excita un grand tumulte et fit pleuvoir du haut de l'aithèr des rosées teintes de sang, en signe qu'il allait précipiter chez Aidès une foule de têtes illustres.

De leur côté, les Troiens se rangeaient sur la hauteur autour du grand Hektôr, de l'irréprochable Polydamas, d'Ainéias qui, dans Ilios, était honoré comme un dieu par les Troiens, des trois Anténorides, Polybos, le divin Agènôr et le jeune Akamas, semblable aux immortels.


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Et, entre les premiers combattants, Hektôr portait son bouclier poli. De même qu'une étoile désastreuse s'éveille, brillante, et s'avance à travers les nuées obscures, de même Hektôr apparaissait en tête des premiers combattants, ou au milieu d'eux, et leur commandant à tous ; et il resplendissait, couvert d'airain, pareil à l'éclair du père Zeus tempêtueux.

Et, comme deux troupes opposées de moissonneurs qui tranchent les gerbes dans le champ d'un homme riche, les Troiens et les Akhaiens s'entretuaient, se ruant les uns contre les autres, oublieux de la fuite funeste, inébranlables et tels que des loups.

Et la désastreuse Éris se réjouissait de les voir, car, seule de tous les dieux, elle assistait au combat. Et les autres immortels étaient absents, et chacun d'eux était assis, tranquille dans sa belle demeure, sur les sommets de l'Olympos. Et ils blâmaient le Kroniôn qui amasse les noires nuées, parce qu'il voulait donner une grande gloire aux Troiens. Mais le père Zeus, assis à l'écart, ne s'inquiétait point d'eux. Et il siégeait, plein de gloire, regardant la ville des Troiens et les nefs des Akhaiens, et l'éclat de l'airain, et ceux qui reculaient, et ceux qui s'élançaient.

Tant que l'aube dura et que le jour sacré prit de la force, les traits sifflèrent des deux côtés et les hommes moururent ; mais, vers l'heure où le bûcheron prend son repas dans les gorges de la montagne, et que, les bras rompus d'avoir coupé les grands arbres, et le cœur défaillant, il ressent le désir d'une douce nourriture, les Danaens, s'exhortant les uns les autres, rompirent les phalanges.

- page 238 -

Et Agamemnôn bondit le premier et tua le guerrier Bianôr, prince des peuples, et son compagnon Oileus qui conduisait les chevaux. Et celui-ci, sautant du char, lui avait fait face. Et l'Atréide, comme il sautait, le frappa au front de la lance aiguë, et le casque épais ne résista point à l'airain qui y pénétra, brisa le crâne et traversa la cervelle du guerrier qui s'élançait. Et le roi des hommes, Agamemnôn, les abandonna tous deux en ce lieu, après avoir arraché leurs cuirasses étincelantes.

Puis, il s'avança pour tuer Isos et Antiphos, deux fils de Priamos, l'un bâtard et l'autre légitime, montés sur le même char. Et le bâtard tenait les rênes, et l'illustre Antiphos combattait. Akhilleus les avait autrefois saisis et liés avec des branches d'osier, sur les sommets de l'Ida, comme ils paissaient leurs brebis ; et il avait accepté le prix de leur affranchissement. Mais voici que l'Atréide Agamemnôn qui commandait au loin perça Isos d'un coup de lance au-dessus de la mamelle, et, frappant Antiphos de l'épée auprès de l'oreille, le renversa du char. Et, comme il leur arrachait leurs belles armes, il les reconnut, les ayant vus auprès des nefs, quand Akhilleus aux pieds rapides les y avait amenés des sommets de l'Ida.

Ainsi un lion brise aisément, dans son antre, les saisissant avec ses fortes dents, les faibles petits d'une biche légère, et arrache leur âme délicate. Et la biche accourt, mais elle ne peut les secourir, car une profonde terreur la saisit ; et elle s'élance à travers les fourrés de chênes des bois, effarée et suant d'épouvante devant la fureur de la puissante bête féroce.

- page 239 -

De même nul ne put conjurer la perte des Priamides, et tous fuyaient devant les Argiens.

Et le roi Agamemnôn saisit sur le même char Peisandros et le brave Hippolokhos, fils tous deux du belliqueux Antimakhos. Et celui-ci, ayant accepté l'or et les présents splendides d'Alexandros, n'avait pas permis que Hélénè fût rendue au brave Ménélaos. Et comme l'Atréide se ruait sur eux, tel qu'un lion, ils furent troublés ; et, les souples rênes étant tombées de leurs mains, leurs chevaux rapides les emportaient. Et, prosternés sur le char, ils suppliaient Agamemnôn :

– Prends-nous vivants, fils d'Atreus, et reçois le prix de notre affranchissement. De nombreuses richesses sont amassées dans les demeures d'Antimakhos, l'or, l'airain et le fer propre à être travaillé. Notre père t'en donnera la plus grande partie pour notre affranchissement, s'il apprend que nous sommes vivants sur les nefs des Akhaiens.

En pleurant, ils adressaient au roi ces douces paroles, mais ils entendirent une dure réponse :

– Si vous êtes les fils du brave Antimakhos qui, autrefois, dans l'agora des Troiens, conseillait de tuer nos envoyés, Ménélaos et le divin Odysseus, et de ne point les laisser revenir vers les Akhaiens, maintenant vous allez payer l'injure de votre père.


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